La moitié du film (qui se passe à la cambrousse) est tout de même très lente, je ne dirais pas soporifique mais ennuyeuse, vide, tellement que ça en devient risible (on finit par compter les mouches sur la table ou les fenêtres de la bâtisse, voire les moutons). Pourtant, pour le reste, pris globalement, ce film est d'une redoutable efficacité et cet "ennui" patent répond sans doute à celui des protagonistes (ça ne constitue donc pas vraiment un mauvais point). En tous cas, faut supporter... Déchirant cette langueur, certains passages, plutôt animés, concentrent les "crises" aïgues. Le gosse, Martin (métis asiat), est bien gentil mais il a vraiment l'air idiot, préférant l'observation, quasi mutique, au dialogue - rendu d'ailleurs impossible. Pourtant, on se rend compte, au final, qu'il pense bien et qu'il n'est pas stupide (mais ça, ça n'est absolument pas cinématographique!) Le procédé de choisir la lenteur (qui fait écho au vide, au figé) réussit à déranger le spectateur (le plan sur le regard flippant de la mère, recluse dans sa folie) et des scènes troubles passant pour anecdotiques se révèlent avec le recul d'une importance capitale. C'est bien sûr un film qu'il faut voir jusqu'au bout ou pas du tout. Le personnage central est en fait un gay (ou plutôt homosexuel) qui a le sentiment de voir sa vie rater ; dans cet univers rétif, normalisateur (en fait pauvre, car rien n'a l'air d'être bien "normal"!), il broie du noir, tente de fuir, comme autrefois par la poésie, sans y parvenir. Seul Martin est à l'écoute. Ce personnage (malgré une idée cliché) ne semble pas artificiel. Annie Cordy campe, crédible, une vieille femme dure, conformiste, matérialiste. L'histoire joue avec les métaphores visuelles, avec des références psychanalytiques. C'est très fin sans en avoir l'air. Un film inhabituel mais à l'atmosphère surranée, à mille lieux du traitement ultra-divertissant, comme sa fin.