Ce premier film d’une jeune géorgienne diplômée de la FEMIS fut lauréat de la 12ème session d’Emergence.
Teona Grenade et Thierry Grenade se sont rencontrés pour la première fois il y a dix ans sur le tournage d'un court-métrage. Aujourd'hui, ils réalisent leur premier long-métrage, Notre enfance à Tbilissi.
Le casting de Notre enfance à Tbilissi a été très long. Au départ, les réalisateurs ont fait un "casting sauvage" dans la rue, dans le métro et les marchés, de manière à obtenir un résultat plus authentique avec des comédiens non professionnels. Finalement, ils ont décidé de se tourner vers une directrice de casting et une agence de comédiens. Néanmoins, si le choix des acteurs s'est finalement porté sur des professionnels, les deux personnages principaux ne sont pas dans le milieu du cinéma depuis longtemps. L'interprète de Datuna (Zuka Tsirekidze) n'a tourné "que" dans un seul film avant celui-ci et celui de Giorgi (Irakli Basti Ramishvili) n'a eu "que" deux expériences cinématographiques dont le court-métrage de Teona Grenade, "The Lost Score".
Irakli Bas
tin'avait que deux expériences cinématographiques dont le court-métrage The Lost Score de Teona Grena
L'écriture du scénario de Notre enfance à Tbilissi a duré pratiquement deux ans. Teona Grenade confia : "Le plus difficile, c’était d’éviter la retranscription historique et de ne pas tomber dans les schémas convenus des films de gangsters. On voulait que le spectateur ressente d’abord cette histoire avant d’y réfléchir. Que ce qui était suggéré entre les plans soit plus fort que les événements qui traversent le récit". Par ailleurs, ce sont les enfants du co-scénariste du film David Chubinishvili qui ont inspiré les personnages des deux frères, Datuna et Giorgi.
Le film s'inspire des évènements de la fin des années 90, lorsque la Géorgie est redevenue indépendante, mais où la crise économique a tout fait basculer. Teona Grenade ajoute à propos de cette période difficile : "Elle a laissé des cicatrices indélébiles dans ma mémoire et celle de la Géorgie. Mais cela m’a pris des années pour réaliser à quel point nous avions tous été marqués par cette période de «transition» dominée par les caprices d’une poignée d’êtres humains véreux animés par la seule conquête du pouvoir". A travers l'histoire de Datuna et Giorgi, les réalisateurs souhaitaient mettre en évidence les événements qui ont bousculé la Géorgie, tout en se concentrant sur le parcours émotionnel des deux personnages.
Thierry Grenade ne parlant pas très bien le géorgien, c'est Teona Grenade qui s'occupa de la direction des acteurs sur le tournage. De son côté, Thierry s'est attelé à l'aspect technique, dont le choix de l'emplacement de la caméra et le travail sur le son.
Si le cinéma géorgien avait disparu avec la fin du communisme, il renaît vingt ans plus tard avec de nouveaux réalisateurs qui peuvent enfin s'exprimer à propos de l'histoire de leur pays. Thierry Grenade ajoute : "Ce renouveau se traduit également dans les festivals internationaux et chez les producteurs étrangers."
Teona Grenade a grandi en ex-URSS, avec un accès au cinéma mondial restreint. C'est pourquoi elle avoue avoir été influencée par différents cinéastes tels que Ingmar Bergman, Federico Fellini, Roberto Rossellini, Robert Bresson et Akira Kurosawa, en somme des réalisateurs faisant partie des grands classiques du cinéma. Ce n'est qu'ensuite qu'elle a pu découvrir des metteurs en scène comme Theo Angelopoulos, Andreï Tarkovski, Sergei Paradjanov. De son côté, Thierry Grenade a grandi à Paris, et a pu profiter du cinéma de François Truffaut, mais aussi de celui de Stanley Kubrick, Costa-Gavras et Martin Scorsese.
Les metteurs en scène ont choisi de faire évoluer les tonalités visuelles du film au fil de l'histoire. Thierry Grenade explique : "Au début, le film baigne dans une lumière chaude et les couleurs terreuses d’un été indien, pour ensuite s’orienter vers les teintes d’un hiver gris et froid. Tout au long de ce processus, le temps semble se dilater. Tout ce qui nous est familier disparaît peu à peu pour ne plus laisser la place qu’à des visages de plus en plus émaciés par la faim et le désespoir."