J'ai longtemps boudé Les Climats et le cinéma de Ceylan à cause des trois singes, film qui m'avait un peu sorti par les trous de nez tant je trouvais tout ça faux, maniéré à l'extrême et insupportable. Cependant la vision de Winter Sleep m'avait fait changer d'avis et le visionnage des Climats continue à me faire dire que je m'étais planté sur le cinéma de Ceylan.
Les Climats est ce que l'on peut appeler un beau film, il est visuellement très réussi, il faut dire que la Turquie sous la neige c'est d'une beauté à toute épreuve, mais surtout que l'histoire racontée est magnifique. Le film est un film de non dit, de choses qui se passent dans les regards, dans les silences qui agrémentent les longs plans fixes du réalisateur.
Ainsi dans un seul plan la fille qui souriait se met à pleurer, on comprend tout, la longueur du plan fait que l'on devine ce qui ne va pas, que l'on devine le problème et permet une projection du spectateur sur les personnages.
Le film n'est jamais aussi réussi que lorsque les deux personnages principaux sont ensembles, la fille, magnifique, exprime tellement de choses avec son visage et Ceylan sait lui donner de le temps de faire transparaître ses émotions. Du grand art.
D'ailleurs le film est très bien joué, les Ceylan mari et femme qui jouent les rôles principaux sont vraiment justes à chaque instant. On sent que Ceylan l'aime sa femme, qu'il aime la regarder, elle a vraiment les plus beau plans du film qui lui sont consacrés.
Et à travers ces plans, souvent muets, Ceylan raconte tellement de choses sur le couple, sur l'amour, sur l'espoir de l'amour, sur les promesses non tenues, sur les vœux pieux, sur les mensonges... Le film fourmille de scènes absolument sublimes qui font passer des choses assez riches à travers la banalité du quotidien. Par exemple lors du repas entre les deux héros et leurs amis. La discussion est inintéressante, personne ne sait quoi dire et le plan dure, dure, le mari fait une remarque anodine, très mal prise par la femme, qui propose ensuite d'aller se baigner, de faire un truc qui sort de la monotonie... personne de veut la suivre... C'est tout, brutale réalité où on ne fait rien et le couple s'ennuie...
Mais le plus beau plan est sur la fin, l'homme a fait mille promesses et en une question totalement anodine en apparence la fille et nous spectateurs, comprenons ce qu'il est réellement, c'est beau, brutal et tragique. C'est vraiment intelligent dans le traitement, on ne te dit rien, mais tu comprends parce que l'attachement aux personnages et l'empathie sont forts, donc on se met à interpréter le moindre geste, le moindre regard comme s'il nous était destiné. Bref pour le coup Ceylan a fait très fort.
Néanmoins, j'ai trouvé les scènes où les deux sont séparés au milieu du film un peu moins intéressantes, parce qu'il n'y avait tout à coup plus cette richesse dans les non dit, dans les regards. Nous avons malgré tout une scène réellement ambigüe, où l'on arrive pas à trop à savoir ce que l'on voit, si c'est du viol ou non, la fille se débat, mais semble parfois en demander et certaines scènes qui suivent mettent encore plus le doute.
Bref, grâce à cette richesse, à son ambigüité, Ceylan livre ici un film foutrement réussi et mémorable.