Voiture de luxe a décroche au Festival de Cannes le Prix de la section Un Certain regard. Le jury était présidé par Monte Hellman.
Avec Voiture de luxe, le réalisateur chinois clôt une trilogie dont les deux premiers volets sont aussi ses deux premiers longs métrages : le très remarqué L'Orphelin d'Anyang, vu à la Quinzaine des Réalisateurs en 2001, et Jour et nuit, primé au Festival des 3 Continents en 2004. A propos des liens entre les trois films, il explique : "Voiture de luxe s'inscrit dans la continuité des réflexions et des critiques déjà exprimées dans mes deux premiers films, sur la réalité et les allégories historiques et politiques de la Chine contemporaine. Dans la Chine actuelle, l'écart entre riches et pauvres, la distance qui sépare le peuple du bonheur, les contradictions entre le système social hérité du passé et le poids du présent sont autant de problèmes dont moi-même, partie intégrante du peuple, je ressens le poids et l'intensité. C'est ce qui m'a décidé à tourner ce film."
Pris par le tournage et la sortie de ses deux premiers films, Wang Chao a passé peu de temps auprès de ses parents ces dernières années. Son sentiment de culpabilité est à l'origine de Voiture de luxe : "Mi-mai, ma soeur m'a appelé de Nankin pour m'annoncer que ma mère était malade, qu'elle avait un cancer (...) J'ai interrogé ma soeur car je ne comprenais pas pourquoi je n'avais pas été prévenu de la maladie de ma mère avant l'opération. Ce sont mes parents qui avaient décidé de ne pas m'en parler, d'attendre la fin de l'opération et que le danger fût passé. Mes parents craignaient qu'en apprenant la nouvelle, je sois trop inquiet et que cela nuise à mon travail. J'ai reçu un choc à la fois subtil et très violent. Quel sens avait mon travail comparé à la maladie de ma mère ? En 2000 et 2001, j'ai écrit et filmé L'Orphelin d'Anyang, perçu comme une oeuvre remplie de compassion envers les conditions difficiles des Chinois. Mais, après l'opération de ma mère, je me suis rendu compte que finalement je n'avais pas témoigné la moindre sollicitude envers les personnes qui me sont les plus chères. J'ai commencé à douter de ma soi-disant humanité. Je suis un fils indigne." C'est ainsi qu'est née l'idée de ce film : "Mon style de vie précaire, l'irruption de grandes mégalopoles, ma relation distendue avec mes parents, m'ont fait penser à tous ces jeunes disparus, aux parents qui avaient perdu leurs enfants et j'ai décidé de tourner Voiture de luxe (...) Je dédie ce film de tout mon coeur à tous les parents chinois qui ont perdu un enfant et aux fantômes des jeunes disparus. Je le dédie surtout à mon père et à ma mère."
Pour le casting, Wang Chao a choisi des comédiens peu connus, le plus souvent venus du théâtre, comme Wu You Cai (le père) ou Li Yi Qing (le vieux policier).Huang He (He Ge) est célèbre comme comique et présentateur télé, tandis que Tian Yuan (la jeune fille), s'est fait connaitre en Chine grâce à ses talents de chanteuse et musicienne. Lauréate en 2003 du Prix du Meilleur espoir de la chanson chinoise, elle a également signé un roman, paru en France sous le titre La Forêt du zèbre.
Le cinéaste parle de son rapport au réalisme et de la situation du cinéma chinois : "Je m'associe au courant du "réalisme chinois" et je suis persuadé que tout réalisateur chinois a la responsabilité d'endosser et de faire face à la réalité de la Chine actuelle. Cependant, en tant que réalisateur et romancier, je ne suis pas complètement satisfait par les seules observations et mises en question du réel. Dans ma trilogie, et surtout dans son deuxième volet, Jour et nuit, j'aborde d'un point de vue oriental le côté obscur de la nature humaine et la condition absurde de l'homme. Dans L'Orphelin d'Anyang et Voiture de luxe, j'ai davantage insisté sur le poids de la misère humaine et sur l'existence éventuelle de la rédemption et de l'espoir. Il est très difficile de faire ce genre de films en Chine, le cinéma chinois se focalise sur les grandes comédies populaires. Et je ne suis pas optimiste pour le développement du cinéma chinois, mais je ne perdrai jamais confiance et continuerai mon travail."
Ce film chinois est coproduit par un Français, Sylvain Bursztejn, pour Rozem Films, avec qui le cinéaste avait déjà collaboré sur son précédent film. "(...) il m'a chaleureusement encouragé dans mon désir d'exprimer pour la première fois mes intentions d'auteur en utilisant une narration cinématographique classique", dit à son propos Wang Chao, qui remercie également Michel Reilhac d'Arte et le Fonds sud cinéma.