Pour sa première incursion derrière la caméra, Philippe Godeau aborde de front le sujet de l'addiction à l'alcool sous couvert d'une esthétique irréprochable.
Pour revenir sur le sujet, le scénario est très bien tourné car centré sur le personnage principal, ici interprété avec maestria par François Cluzet. Même s'il joue sur les sentiments, j'ai trouvé que Cluzet n'arrivait pas à retranscrire l'émotion que le spectateur devait happer. Je pense que Daniel Auteuil (le rôle lui était initialement proposé) aurait eu plus de facilités pour le rôle car plus habitué à jouer ce genre de personnages (le voir dans "Le placard" et "L'adversaire" de Nicole Garcia pour s'en convaincre). Ou Lindon, comme on l'a vu dans "Pour elle" ou "Toutes nos envies". Pour terminer sur Cluzet, j'ai trouvé que lors des plans larges il donnait de la profondeur à son personnage (l'accro) en évoluant de manière assez instinctive devant la caméra : c'est dans ces moments là que j'ai retrouvé le très bon François Cluzet.
Du côté des autres acteurs, ils jouent tous très bien, peut être un peu trop "à la française" car ils n'arrivent pas à s'affranchir vraiment de leur rôle. Ils jouent bien, certes, mais ne communiquent pas directement avec notre esprit. Je pense que celà vient du fait qu'il s'agit de la première réalisation de Philippe Godeau. Mais je vois qu'il maîtrise avec tact son rôle de direction d'acteurs dans un premier temps puisque nous pouvons apprécier la présence de Michel Vuillermoz (acteur de théâtre connu pour "André le magnifique" et vu au cinéma dans "Le parfum de la dame en noir" des Podalydès), cabotinant avec talent, et Philippe du Janerand ("Nikita", "Jeanne d'Arc"), qui nous attrape avec un mélange de nonchalence, stylisme et énergie. Avec aussi la ravissante Mélanie Thierry.
Philippe Godeau est aussi un metteur en scène au talent prometteur étant donné que l'atmosphère du film repose sur une bande-originale très bien écrite pour les cordes électriques de Jean-Louis Aubert, dictant à merveille la conduite du film, et alliant mirobolance et prestance. Quelle classe Jean-Louis !
Godeau fait du style aussi en insufflant une photographie de qualité que l'on remarque en fin de film. Joli, mais trop peu déconcertant. Une technique mise en avant au dernier moment pour nous capter encore un instant, je trouve. Pourquoi Philippe ? Sans doute pour nous maintenir en contact avec François Cluzet et mister Jean-Louis.
"Le dernier pour la route" est donc un film complet mis en scène avec du talent autant côté scénaristique, musical, photographique que du casting (hormis la pseudo-erreur Cluzet).
Un film à ne pas mettre dans toutes les mains donc, car dangereux pour la santé.
Philippe, c'est ta première réalisation que je vois, mais ce ne sera pas "Le dernier pour la route", sois-en assuré !
PS : l'abus d'alcool étant un délit, je vais me permettre de proposer comme ordonnance de regarder "Le dernier pour la route" pour la grâce pétillante de Mélanie Thierry qui reçut, pour son rôle de névrosée, sa première statuette au César 2010, celle du meilleur jeune espoir féminin. On l'a vue auparavant dans "15 août" aux côtés de Richard Berry, et "Largo Winch" pour Tomer Sisley notamment. Elle se fera "Princesse de Montpensier" pour Tavernier cette même année.
Que de raisons pour boire avec modération ce dernier verre inoculé par Philippe Godeau.