Nuit noire 17 octobre 1961 a remporté le Grand Prix du scénario au FIPA (Festival international des Programmes Audiovisuels) de Biarritz en 2005.
Au départ, Nuit noire 17 octobre 1961 est un téléfilm produit par la chaîne cryptée Canal plus. Diffusé à la télévision le 7 juin 2005, ce long métrage a bénéficié d'une sortie en salles, le 19 octobre 2005. En 1997, le documentaire à succès de Yamina Benguigui Memoires d'immigrés avait connu pareil destin, passant du petit au grand écran.
Evénement occulté des livres d'Histoire pendant de nombreuses années, la répression meurtrière, par la police, et avec le consentement du gouvernement, des manifestants le soir du 17 octobre 1961, n'a été portée sur la place publique qu'à partir des années 80 -même si Pierre Vidal-Naquet avait évoqué cette question dès 1972 dans La Torture dans la République. Des articles dans Le Monde et Libération, un roman de Didier Daeninckx (Meurtres pour mémoire en 1983), puis surtout en 1991 La Bataille de Paris, livre de l'historien Jean-Luc Einaudi, ont brisé ce long silence. Maurice Papon intentera un procès à Einaudi, et le perdra en 1999, un magistrat employant alors, pour la première fois, le terme de "massacre" à propos des événements du 17 octobre. En 2001, le maire de Paris Bertrand Delanoë inaugure une plaque commémorative sur le Pont Saint-Michel, "à la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961".
Scénariste de Nuit noire 17 octobre 1961, Patrick Rotman est un spécialiste de la guerre d'Algérie. Co-auteur, avec Hervé Hamon, du livre Les Porteurs de valises en 1979, il a réalisé pour la télévision des documentaires sur le sujet : La Bataille d'Alger (1997) et L'Ennemi intime (2004) (adapté d'un de ses ouvrages). En 1992, il consigne avec Bertrand Tavernier le documentaire-fleuve La Guerre sans nom.
Patrick Rotman évoque son implication dans le projet : "Est-ce l'image de ces ouvriers algériens qui partaient la tête couverte de pansements dans l'aube grise de cette banlieue où j'habitais, les barrages de CRS avec les chevaux de frise sur la chaussée, les manchettes qui barraient la une de Paris-Presse, des échos de conversation où surgissaient des mots, "tabassés à mort", "balancés à la flotte"... Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs d'enfance, j'ai le sentiment d'avoir toujours connu cette "nuit noire" où des dizaines d'Algériens ont été tués en plein Paris. Lorsqu'on m'a demandé d'écrire un scénario sur le 17 octobre 1961, j'ai immédiatement accepté comme si ce travail était l'aboutissement logique de vingt-cinq années de travail autour de la guerre d'Algérie (...) Aujourd'hui, avec le recul, j'ai voulu tenter de faire revivre les passions exacerbées de l'époque, de recréer cet implacable climat de guerre en plein Paris, de démonter les engrenages inexorables qui conduisent à la tragédie. Pourquoi, alors que la paix est en vue, un tel déchaînement de violences ? "
Très tôt, dans les films français, des allusions sont faites à la guerre d'Algérie. Le héros d'Adieu Philippine de Rozier (1963) se prépare à faire son service, mais les "événements" séparent aussi les amants des Parapluies de Cherbourg de Demy (1964). Godard traite le sujet de façon frontale dans Le Petit Soldat, un film qui, pour cause de censure, ne sortira qu'en 1963, soit trois ans après son tournage. Dans les années 60 toujours, Alain Cavalier signe deux films politiques, Le Combat dans l'ile et L'Insoumis. Citons ensuite Avoir 20 ans dans les Aurès de René Vautier (1971), Elise ou la Vraie Vie de Michel Drach (1970) et R.A.S. de Yves Boisset (1973). Après ces oeuvres de dénonciation, les cinéastes peuvent évoquer le sujet de manière plus apaisée (Outremer de Brigitte Roüan en 1990, Les Roseaux sauvages d'André Techiné en 1994), même si Nico Papatakis signe en 1991 le très sombre Les Equilibristes. En 1999, pour Vivre au paradis, Bourlem Guerdjou, un film sur la vie des immigrés algériens à Nanterre dans les années 60, la manifestation du 17 octobre 1961 est évoquée à travers une reconstitution.
Pour rendre compte de ce fait historique dans sa complexité, les scénaristes ont choisi de créer de nombreux personnages, qui ont chacun un point de vue différent sur les événements : des ouvriers maghrébins, un jeune flic, une porteuse de valise, ou encore une journaliste. Les deux seules figures historiques représentée à l'écran sont le préfet Papon et son bras droit Pierre Somveille. Thierry Fortineau prête ses traits au premier, Aurélien Recoing au second. Les mots prononcés par le personnage Papon dans le film (et notamment la phrase : "Pour un coup reçu, vous en rendrez dix, dans tous les cas vous serez couverts.") sont véridiques.
Nuit noire 17 octobre 1961 a été tourné intégralement en région parisienne. Lieux-clés du récit, le bidonville de Nanterre a été reconstitué à Stains (Seine-Saint-Denis) et le Pont de Neuilly sur l'île Saint-Denis.
Nuit noire 17 octobre 1961 est signé Alain Tasma, réalisateur d'une vingtaine de téléfilms, dont l'un abordait déjà un sujet particulièrement délicat : Facteur VIII (1995), avec Nicole Garcia et Bruno Todeschini, était en effet consacré à l'affaire du sang contaminé.