L'Année suivante a décroché le Léopard d'Or de la Meilleure première oeuvre au Festival de Locarno en 2006. "Le film L'Année suivante offre un nouveau regard sur la banlieue, regard dont l'économie et la rigueur de la narration nous ont particulièrement convaincus. Isabelle Czajka a su mettre en scène avec force et simplicité le destin individueld'une adolescente", a déclaré le Jury, qui était composé des réalisateurs Lisandro Alonso et Joao Pedro Rodrigues et du producteur Christian Baute.
La cinéaste précise ses intentions : "Je voulais évoquer la violence du monde marchand sur l'être humain, et parler de l'expérience de la mort d'un proche dans un contexte très contemporain comme peut l'être celui des banlieues. Au fond, je souhaitais me poser la question de savoir ce qui reste d'humain dans cet environnement foncièrement mercantile." Dressant un parallèle entre les notions de banlieue et d'adolescence, elle note : "On ne se sent jamais à sa place dans les lieux que je montre dans le film : on ne peut y circuler qu'en voiture et rien n'est conçu à l'échelle humaine. Je crois qu'à l'adolescence, on se sent dans un état similaire : on est encombré par son corps, on a du mal à se mouvoir et on n'est jamais bien là où on est. D'où la résonance entre la banlieue et l'époque de l'adolescence."
L'année suivante est le premier long métrage d'Isabelle Czajka, cinéaste née en 1962. Après des études à l'Ecole Nationale Louis-Lumière, elle travaille comme chef-opératrice, cadreuse ou assistante caméra (on trouve son nom au générique de films tels que L'Eté en pente douce ou Riens du tout). Elle a déjà signé un documentaire et un court métrage, dont les thèmes (la filiation, le consommation) annoncent L'Année suivante : le premier, Tout à inventer évoque l'angoisse d'une mère face à son bébé, tandis que le second, La Cible, a pour cadre un centre commercial.
Pour jouer le rôle de Nadine, la mère égoiste d'Emmanuelle, la réalisatrice a choisi Ariane Ascaride, la muse de Robert Guédiguian, qui a plus souvent incarné des personnages généreux et chaleureux. "Ce qui m'a plu d'emblée chez Ariane Ascaride, c'est qu'elle étaient engagée politiquement et que je n'avais donc pas à développer cette dimension du personnage avec elle. [Nadine milite au PC] Par ailleurs, j'avais envie de l'utiliser à contre-emploi, d'en faire une femme plus préoccupée d'elle-même que des autres. Je crois que ça l'a beaucoup amusée aussi de camper cette femme un peu coquette et égocentrique", explique la cinéaste. Ajoutons qu'en 2004, l'actrice était déjà à l'affiche d'un premier film de femme, dans lequel elle avait pour partenaire une jeune débutante : Brodeuses d'Eleonore Faucher avec Lola Naymark.
Anaïs Demoustier, vue dans Le Temps du loup de Michael Haneke (elle y jouait le rôle de la fille d'Isabelle Huppert), brosse le portrait de son personnage : "Emmanuelle est une jeune fille complètement perdue. Elle évolue dans un univers impersonnel qui l'engloutit. A la mort de son père, elle tente de s'en évader comme elle peut, mais elle ne trouve que des échappatoires qui ne lui correspondent aucunement : la Star Academy à la télé, les enseignes publicitaires, le centre commercial, les boutiques de vêtements... Elle passe donc son temps à errer dans un monde en total désaccord avec identité. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir un imaginaire très fort."
L'usage de la voix off dans le film est original. Il s'agit en effet de la voix intérieure de l'héroïne, Emmanuelle, mais celle-ci s'exprime à la troisième personne. "Cela la rend à la fois plus impersonnelle et plus nostalgique", justifie la réalisatrice.