Je l'avoue volontiers : « Les Roseaux sauvages » ne m'attirait pas. Je crois que c'est pourtant juste une question de titre car j'apprécie (la plupart du temps) le cinéma d'André Téchiné et ne savais même pas que le film avait en toile de fond la guerre d'Algérie, autre sujet avec lequel j'ai peu d'affinités. Pourtant, très vite je me suis senti happé par ce tourbillon d'émotions romanesque au possible, où le réalisateur dévoile un aussi grand talent pour offrir un récit aussi intense et passionné que ne le sont les personnages. Être capable d'offrir une telle richesse concernant ces derniers est presque un don, au point qu'on serait bien incapable de dire de la petite bande qui est le premier rôle tant ils sont chacun essentiels à l'intrigue et à son déroulement, la nourrissant constamment par leur personnalité, leurs convictions, leurs interrogations, leurs douleurs, leurs contradictions. Aucune caricature, chacun se montrant logique avec lui-même tout en étant capable de s'ouvrir aux autres, et s'il n'est pas bien compliqué de deviner à qui Téchiné s'identifie le plus, on sent son attachement à chacun, sa volonté d'offrir un regard complexe sur les événements afin d'exprimer à quel point certaines questions sont complexes. Le tout doté d'un bel éloge sur la naissance des sentiments, leur fragilité, cette « valse » des protagonistes évoluant constamment au fil de l'œuvre et notamment des événements historiques ayant quelque chose de foisonnant, comme cette jeunesse fougueuse, pleine de vitalité que dépeint le réalisateur. Alors c'est vrai : cette interprétation manquant parfois singulièrement de naturel peut déconcerter, voire gêner (notamment chez Gaël Morel), mais ça ne m'a pas dérangé outre-mesure, à moins que je ne sois simplement aveuglé par le charme d’Élodie Bouchez, sans oublier l'excellent Frédéric Gorny, probablement le meilleur du quatuor. Sans oublier Michèle Moretti et Jacques Nolot, dans des rôles écrits, eux aussi, avec beaucoup de soin. Du cinéma comme je l'aime, subtil et plein de ferveur, illuminé par une magnifique photographie particulièrement mise en valeur par la restauration récente de l'œuvre : l'une des plus belles réussites de son auteur.