Le projet Following Sean trouve son origine à la fin des années 60. Ralph Arlyck, alors étudiant, filme Sean, un enfant de 4 ans qui habite au deuxième étage de son immeuble, dans le quartier hippie de San Francisco, Haight Ashbury. Il le suit, en skateboard, dans les rues du quartier, puis lui demande de s'asseoir dans son salon pour l'interviewer. Au cours de cette conversation qui dure 15 minutes, Sean parle avec malice de sa vie quotidienne, des junkies qui passent dans son appartement aux flics qui viennent les embarquer. Le garçonnet prononce notamment pendant cet entretien une phrase qui restera célèbre : "Sure, I smoke pot." ("Bien sûr que je fume de la marijuana"). A la fois portrait d'un enfance précoce et espiègle et témoignage sur l'Amérique hippie, ce court métrage fait le tour des festivals, est projeté lors d'une conférence à la Maison Blanche sur les aides de l'Etat aux enfants. En 1970, les spectateurs pourront le découvrir en avant-programme de L'Enfant sauvage de François Truffaut. Following Sean marque les retrouvailles du réalisateur avec le protagoniste du film.
Following Sean a été présenté en 2005 dans de nombreux festivals à travers le monde, parmi lesquels ceux de Rotterdam, San Francisco, Karlovy Vary ou encore Cinéma du Réel, manifestation dédiée au cinéma documentaire.
Le cinéaste revient sur l'impact du court métrage de 1969 : Sean "avait été discuté et digéré en tant que document prophétique, à la fois pour Sean lui-même et pour la culture dans laquelle il grandissait. Inquiétant si on se sentait offensé par le mode de vie de Haight Ashbury. Et rassurant si on croyait que la stagnation culturelle des années 50 était en passe d'être balayée (...) Je suppose que j'avais une place privilégiée pour assister à la naissance d'une nouvelle culture américaine. Mes voisins étaient des étudiants en médecine radicaux au premier étage et la famille de Sean au-dessus, au deuxième, dans une piaule délirante avec un flux continu de monde qui arrivait et partait. Et au beau milieu de tout ça, il y avait ce garçon de 4 ans, Sean. J'étais aux premières loges de ce qui allait devenir "l'avant-garde révolutionnaire".
Au début des années 90, Ralph Arlyck repart à la recherche de Sean, pour savoir ce que cet enfant est devenu 25 ans plus tard. Il le suivra pendant dix ans, de 1994 à 2003. En étudiant l'histoire familiale de Sean, le réalisateur trouvera de nombreux échos à sa propre vie. "La dynamique et les influences familiales qu'on essayait de capter émergeaient peu à peu comme un contrepoint "côte ouest" à mes propres origines familiales", confie-t-il. "Pendant que j'écoutais Sean parler de mon père, et surtout de l'inspiration que fournissaient les idée très ouvrières, très communistes de ses grands parents, je me suis rendu compte que j'examinais ma propre vie autant que celle de Sean (...) La plupart d'entre nous essaient constamment de départager ce qui vient vraiment de nous-mêmes et ce que nous devons à nos familles : ceux avec lesquels nous habitons, ceux qui nous ont créés, et ceux qui continueront après notre disparition. C'est ce qu'il y avait de si merveilleux en retrouvant Sean et ceux qui l'entourent : de voir comment une famille américaine atypique -il ne faut pas oublier qu'on parle là de hippies, de communistes, et d'autres marginaux- peut néanmoins incarner des courants majeurs de ce qui se passait aux Etats-Unis à l'époque, et ce qui se passe encore aujourd'hui."
Ralph Arlyck est l'auteur de plusieurs documentaires (courts et longs métrages) sur des thèmes tels que l'obsession de la réussite aux Etats-Unis (An acquired state, 1981), le rapport des individus aux médias (Current events, 1990) ou encore l'art dans les musées, en prenant le cas du Louvre et du Centre Pompidou (Godzilla meets Mona Lisa, 1984). Il est par ailleurs très engagé dans la défense des producteurs indépendants dans la télévision publique.