Parmi la filmographie de John Ford, Le sergent noir fait figure de film détonant, surtout à l'époque de sa sortie, en 1960, où les noirs américains bataillent pour la reconnaissance de leurs droits civiques. Ford, souvent qualifié à tort de conservateur, fait preuve d'audace en réalisant un film courageux et humaniste. Il utilise abondamment le flashback, ce qui facilite et agrément aisément la compréhension du scénario, au lieu de se contenter du lieu unique du tribunal. Certains personnages sont caricaturaux, comme le président du tribunal, le colonel Fosgate, aux allures comiques et autoritaires, ainsi que sa femme Cornelia, témoin à charge, ouvertement raciste et exagérément maniérée et empruntée, à la limite de l'agacement. Idem, pour le capitaine Shattuck, avocat de l'accusation, volontairement provocateur et incisif. A cpntrario, le lieutenant Cantrell, incarné par Jeffrey Hunter, défend le sergent Rutledge avec conviction et détermination. Habitué des rôles décisifs, Woody Strode interprète brillamment avec justesse et une grande dignité le rôle du sergent accusé. Si l'on peut reprocher à Ford une certaine fantaisie dans le traitement de cette affaire, comme le fantasque président du tribunal ou bien la scène où le tribunal se retire et joue aux cartes, ce film n'en constitue pas moins un formidable plaidoyer en faveur de l'égalité des races.