Le film a fait partie de la sélection Cannes Classics 2024 : les documentaires.
Le réalisateur David Hertzog Dessites a été exposé très jeune à la musique de Michel Legrand, puisque ses parents possédaient le 45 tours de la chanson du film L’Affaire Thomas Crown, The Windmills of your Mind, interprétée par Noel Harrison : "Pendant des années, ils se sont aimés sur cette chanson que j’ai entendue, déjà, dans le ventre de ma mère. En grandissant, j’ai fini par découvrir que cette fameuse chanson était l’œuvre d’un compositeur qui s’appelait Michel Legrand." La découverte ensuite en 1983 de Yentl a été un choc : "Je fais partie de ces gens qui considèrent, comme le dit Catherine Michel dans le film, que la plus belle partition de Michel Legrand, c’est Yentl ! La folie créatrice de Michel est à son maximum. C’est vraiment à ce moment que je suis tombé complètement amoureux de Legrand."
En 2010, David Hertzog Dessites envisage sérieusement de faire un film sur Michel Legrand. Il tente de contacter son manager en vain. En 2017, il est chargé par MK2 de réaliser deux bandes-annonces destinées à promouvoir et vendre le catalogue Varda/Demy à l’international au festival de Cannes. Il se souvient : "Je suis évidemment ravi de cette proposition. Pendant deux semaines, je ne travaille qu’avec des musiques de Michel Legrand et j'ai l’impression d’être au firmament. En livrant les bandes-annonces, je m’aperçois que Michel Legrand vient à Cannes, pour donner un concert privé. À la fin du concert, je ne peux pas m’empêcher d’aller vers lui et je lui raconte que si j’existe, c’est un peu grâce à lui et à la chanson de L'Affaire Thomas Crown. Il me regarde et il rigole en me disant que c’est formidable et qu’il est encore plus content d’avoir écrit cette chanson. Voilà comment on se rencontre."
C'est lors de sa rencontre avec Michel Legrand au festival de Cannes que David Hertzog Dessites donne sa carte à l'agent du compositeur et lui soumet l'idée d'un documentaire, mais ce dernier le prévient : Michel Legrand n'est pas quelqu'un de facile. Le réalisateur se retrouve ainsi en juin 2017 à passer un entretien d'embauche chez Legrand : "Michel me met tout de suite au défi de lui parler précisément de mon projet de film. Je lui dis que j’ai envie d’interviewer tout le monde. Il me répond que ça va être compliqué car ils sont tous morts. Je vois que j’ai affaire à quelqu’un qui dégaine du tac au tac. À ce moment-là, je pense qu’il ne va pas me garder. Et là, je lui demande ce qu’il aimerait faire comme film sur lui-même, s’il en avait l’opportunité. J’ai dû toucher son ego." Finalement, les deux hommes parleront pendant cinq heures. Le premier concert que David Hertzog Dessites filmera sera celui des 50 ans des Demoiselles de Rochefort au Grand Rex.
Le réalisateur ne tarit pas d'éloges concernant Michel Legrand : "J’avais affaire à un génie. Michel n’aimait pas ce terme mais on ne peut pas le nier. En tout cas, on avait affaire à un esprit qui ne relève pas du commun des mortels. Et c’était très compliqué de travailler avec Michel. Mais, bizarrement, ça s’est fait tout de même assez vite."
Cependant, il n'a pas cherché à dresser un portrait unidimensionnel de lui. Il montre des facettes moins aimables de lui, notamment son mauvais caractère : "J’avais cette volonté de ne pas faire un film hagiographique. J’avais envie de montrer qui était réellement cet homme. Et c’est vrai qu’il y a ces moments qui ne sont faciles pour personne et qui font partie intégrante du personnage. Il faut comprendre que Michel était vraiment un enfant, un enfant de 12 ans dans le corps d’un homme de 85 ans, qui peut vous dire : « Je ne suis pas content, je n’ai pas mon jouet. » Michel Legrand était un Peter Pan des temps modernes."
Le documentaire montre notamment des images du dernier concert de Michel Legrand donné à la Philharmonie de Paris en décembre 2018. Le compositeur mourrait un mois plus tard, le 26 janvier 2019.