"Là, pendant un instant, j'ai cru que je t'aimais, mais en fait non, c'est ridicule..." L'inspecteur Mangin, sous ses allures machistes, est un type sensible, fragile et même un peu paumé. Humain en somme. Mais d'une humanité vibrante, profonde, bouleversante, comme on en voit presque jamais au cinéma. Pour arriver à ce degré de vérité et donc d'émotion, il faut autant le talent inouï de Depardieu que la formidable capacité de Pialat de tirer le meilleur de ses acteurs, de les amener dans une zone où il n'y a plus de jeu, seulement de l'incarnation. Ainsi, Marceau, Anconina, Bonnaire et les autres sont d'une crédibilité et d'un naturel rarissimes, à tel point qu'on ne saurait dire s'ils aimantent la caméra par leur justesse ou si c'est elle qui les met en valeur, les sublime en révélant justement leur authenticité. Là où le film est aussi très fort, c'est qu'en dépit d'un rythme et d'une narration à la fois nonchalants et fiévreux qui ont peu à voir avec ce que le cinéma offre habituellement, il parvient à monter en puissance, à faire croître notre intérêt et notre empathie pour les protagonistes. En effet, si la première partie, qui s'attache surtout au quotidien des flics et aux scènes d'interrogatoire, est déjà puissante, c'est la seconde, où l'on s'intéresse essentiellement aux affres sentimentaux des personnages, qui permet au film de s'élever vers des hauteurs émotionnelles insoupçonnées. On peut finalement résumer le film en disant qu'il ressemble à son héros ( et donc à Depardieu): trivial et désespéré, rude mais beau. Inoubliable.