Canicule est un film très étrange dans le cinéma français. Un métrage avec des allures de cinéma d’horreur, style Détour mortel, mais dans lequel jouerait une galerie d’acteurs de renoms, s’amusant énormément de leurs personnages méchants, sans foi ni loi.
L’originalité est le principal attrait de ce film. C’est clair qu’il détonne dans le paysage, et ça fera indéniablement plaisir à ceux qui espèrent voir enfin un polar français lorgner aussi ouvertement vers la série B. Violent, vulgaire, doté parfois d’un solide humour noir, Canicule raconte les mésaventures d’un truand mauvais au milieu de gens mauvais, dans un univers mauvais. La descente aux enfers est radicale, et ne conviendra sans doute pas à tous les publics, mais pour ma part je ne peux que souligner l’audace du film, qui rappelle quand même que les années 80 c’était culotté tout de même !
Le casting est très costaud, et original. Outre la présence intriguante de Lee Marvin, visiblement fatigué mais d’autant plus crédible en gangster au bord du gouffre, la galerie des acteurs français est brillante. Je saluerai spécialement un étonnant Jean Carmet, qui, habile acteur de comédies rappelle aussi ici (et dans d’autres rôles comme dans La Vouivre) qu’il était aussi un excellent interprète de marginaux inquiétants. Miou-Miou s’amuse comme une folle dans un rôle de Bonnie à la française, et Victor Lanoux est impressionnant lui aussi, imposant son charisme habituel. Bernadette Lafont surprend en nymphomane, et Grace de Capitani cabotine dans un rôle sexy commun à sa filmo. A souligner la présence d’un très jeune David Bennent, qui fait briller la dernière partie.
De bons acteurs au service de rôles déjantés, d’une histoire singulière, dans un environnement qui ressemble presque à un huis-clos, tant il tourne autour de la ferme. Les décors sont originaux (l’ambiance foraine des statues, le cadre rural), Boisset offre une mise en scène appréciable mais manquant un peu de peps et de crédibilité, surtout dans les scènes d’action (et spécialement dans celle du début), mais je note tout de même un petit déficit d’ambiance. On ne ressent pas, par exemple, la chaleur écrasante comme dans d’autres films (L’Eté en pente douce par exemple), et le fond totalement borderline ne transparaît pas foncièrement dans l’atmosphère de certaines scènes (par exemple certains meurtres brutaux).
C’est là un peu dommage quand même, puisque Canicule perd de sa force, et Boisset a semblé ne pas vouloir aller réellement jusqu’au film d’horreur, préférant un travail visuel plus classique, ce qui, d’ailleurs, est un peu sa marque de fabrique. Il y a toujours une certaine faiblesse de la photographie et une mise en scène un peu neutre dans les métrages de Boisset, qui ne lui permettent pas foncièrement de se démarquer. Tout de même 4, même si ce serait plus 3.5, pour la tonalité très culotté du fond, et les acteurs.