Avocat de Rico Angelo, un dangereux et puissant gangster, Thomas Farrell va un jour rencontrer l'une des danseuses d'un des clubs de Rico. Tombant assez vite sous son charme, il va voir sa présence modifier sa vie et le pousser à faire des choix cruciaux...
S'ouvrant sur la magnifique image d'un Chicago nocturne puis dans un club de danse, Traquenard nous emmène dans le milieu du crime organisé dans le Chicago de la prohibition où des gangs se partagent la ville. C'est sur Thomas Farrell que Nicholas Ray braque sa caméra, avocat brillant et droit dans ses bottes, ne se considérant pas truand malgré le fait qu'il défend leurs causes. Mais finalement quand on est baigne dans ce milieu on n'en sort jamais vraiment et ça, il commencera à l'apprendre lorsqu'il rencontrera Vicky, l'une des danseuses du cabaret...
Nicholas Ray brosse plusieurs portraits allant de cet avocat rattrapé par son passé et ses affaires jusqu'au parrain paternaliste et truand en passant par l'innocente danseuse qui représente une belle lueur d'espoir dans ce milieu pourri. Si le ton de l'ensemble est assez classique, c'est totalement maîtrisé par Nicholas Ray qui livre un film passionnant et brillant. Entre tragédie, loyauté, amour, rédemption ou encore violence, il orchestre son récit avec brio, sachant donner de l'intérêt, du rythme, de l'intensité et de la puissance à son oeuvre et ses personnages, tout en gardant une part de mystère sur chacun d'eux et les relations qu'ils noueront peu à peu. Il arrive à introduire avec talent une romance sentimentale dans ce film noir où, tout en donnant une belle part à l'émotion, il garde l'aspect sombre, violent et désespéré.
Nicholas Ray nous transporte au cœur de cette ambiance de club et de cabarets des années 1930 pour suivre cet amour qui tentera de trouver ses moments de bonheur dans un univers malsain et dangereux. Par moments torrides, d'autres fois et souvent totalement désenchantés, l'atmosphère est prenante et tient tout le long en haleine. Visuellement le film est splendide, Ray joue avec les couleurs et les décors pour donner un côté flamboyant au film et use à merveille du cinémascope. Débordant d'idées, plusieurs scènes sont marquantes à l'image des séquences de danses totalement envoûtantes ou du final, et il dirige ses acteurs avec brio, le trio Robert Taylor, Lee J. Cobb et l'inoubliable Cyd Charisse est parfait et magnifie la consistance et la richesse des personnages.
Haletant et sous tension, teinté d'émotion, d'intensité, de pessimiste et de sensualité, Traquenard de Nicholas Ray s'impose comme un brillant film noir, maintenant son atmosphère de bout en bout et ce dernier montre tout son talent pour orchestrer son récit, lui donner de la puissance, diriger ses acteurs et se montrer à l'aise derrière la caméra.