Eh bien ! Je crois que si ce film était sorti de nos jours, je crois qu’on aurait pu dire qu’il n’était ni plus ni moins qu’un savant mélange de "Populaire" (2012) et de "Cinquante nuances de Grey" (2015). Ce n’est bien évidemment pas le cas, étant donné que "La secrétaire" est arrivé en salles beaucoup plus tôt. C’est pourtant à s’y méprendre, et je dois avouer que c’est assez troublant. Cependant je dois vous mettre en garde sur le fait que cet avis est influencé par ces deux films, de 9 et 12 ans leurs aînés. Pour commencer (puisqu’il faut bien commencer quelque part), prenez de "Populaire" la secrétaire et les vilaines pressions de son patron, appelez ce dernier Grey (si ! si ! mais Edward Grey pour être précis), et saupoudrez de cette relation particulière qui faisait tout l’attrait de "Cinquante nuances de Grey". Ainsi vous avez tous les ingrédients de "La secrétaire". Vous voyez un peu mieux le genre ? Mon avis pourrait s’arrêter là, mais il me semble indispensable de rajouter qu’après avoir visionné ce film, c’est-à-dire "La secrétaire", on peut dire aujourd’hui que le réalisateur Steven Shainberg a réussi là où Sam Taylor-Johnson a échoué dans la mise en scène de l’adaptation du phénomène littéraire d’E.L James. Parce qu’on ressent ici beaucoup mieux l’influence des hormones qui unissent deux êtres que tout oppose, hormis les besoins professionnels bien entendu. Pensez donc : d’un côté nous avons un avocat peu sociable, si peu qu’il semble vivre comme un ermite, et de l’autre nous avons une jeune femme qui veut bosser afin d’échapper à ce qui la torture. C’est d’ailleurs sur cette charmante petite personne que le film débute, en la montrant dans un drôle d’exercice, exécuté avec une élégance glamoureusement raffinée. On pourrait croire que le scénario démarre là-dessus, mais la préférence a été donnée au développement de ce qui a pu amener cette première scène, des plus singulières il faut l’admettre. Le spectateur se voit alors propulsé six mois plus tôt et… oh ! la transformation ! C’est tout juste si Maggie Gyllenhaal est reconnaissable ! Comme quoi, un brin de sophistication (ou de laisser aller, comme vous voudrez) peut changer une personne physiquement du tout au tout : on peut virer du moche au très joli, et inversement. Et cette règle est valable autant pour les femmes que pour les hommes, quoique que c’est souvent plus percutant chez les dames. Bref, passons. Si la toute première scène confine le spectateur dans un certain envoûtement (certes bien aidé par la musique), le développement de Lee (Maggie Gyllenhaal) est un peu long et fastidieux, au point qu’on vient à penser que finalement, l’affiche du film constitue le seul intérêt de ce long métrage (enfin pour nous les hommes, hein lol !... je vais peut-être m’en faire un poster, tiens mdr !). En effet (pour redevenir sérieux), Lee Holloway est décrite comme une jeune femme à l’esprit tristounet un peu bêtassou sur les bords (ce qui peut s’avérer agaçant) et « accessoirement » torturé, une jeune femme pas franchement heureuse de rentrer chez elle. Entre une sœur qui se marie alors que ses propres amours s’apparentent à un immense désert, une mère qui subit les effets de l’alcoolisme notoire de son mari, avouez que le tableau est loin d’être idyllique. Mais ce sont justement ces ingrédients qui vont la pousser à se prendre en charge, et… à donner à sa vie sans le vouloir un virage à 180°. Et puis les choses s’installent. Et insidieusement, le charme opère. Le spectateur se laisse doucement hypnotiser par cette intrigue de la même façon que les deux personnages principaux s’hypnotisent mutuellement. Bon, il faut dire que la consonance de la partition d’Angelo Badalamenti y est pour beaucoup, aussi. Et cela commence dès la toute première scène, durant laquelle nous entendrons un thème qui se révèlera être le thème principal. Mais si le spectateur se retrouve irrémédiablement pris au piège, c’est parce qu’il le doit aussi à la formidable interprétation des deux acteurs principaux. On sent qu’il se passe un truc, et ce truc-là suffit à crédibiliser le propos. Alors que le visage de James Spader demeure irrémédiablement fermé dès qu’il est confronté à sa belle, il tend à se détendre en aparté. Tandis que Maggie Gyllenhaal passe d’un état d’âme à un autre avec une déconcertante facilité, ce qui a le don de souligner la sensibilité de son personnage. Son seul sourire suffit à rendre son visage radieux au possible, et à faire entrer le soleil dans un lieu gardé en permanence dans la semi-pénombre. Eh oui, la lumière utilisée participe aussi à l’envoûtement du spectateur. Tout comme la réalisation, superbe de sobriété et sans aucun parti pris. Les deux personnages sont montrés sans tabou, y compris dans leur plus stricte intimité. Cela ne veut pas dire que c’est tourné vers le graveleux. Au contraire, le juste équilibre a été trouvé entre l’attirance physique et sentimentale, avec le doigt mis sur la compatibilité, cette compatibilité qui se voit promue élément-clé donné malgré lui par le benêt de service qui ne comprend rien à rien, j’ai nommé Peter. Arf, celui-ci est touchant à sa manière, et je dois dire qu’il m’a fait de la peine, le pauvre… bravo à son interprète Jeremy Davies pour nous inspirer cela, alors qu’il n’était pas facile d’exister entre les deux personnages à qui l’histoire a (presque) été totalement dédiée. Mais le tour de force du film, basé sur une nouvelle de Mary Gaitskill (que le cinéaste avait déjà adapté à l’écran par le biais d’un court-métrage), est de rendre toute forme de relation aussi viable les unes que les autres, en l’occurrence le SM. Malgré tout, les idées reçues ont la dent dure… et il y a à parier que d’autres films traitant de ce genre de relation se fassent jour dans l’avenir. C’est déjà en partie arrivé, avec les adaptations de la trilogie de Grey. Dommage que celles-ci ne soient pas aussi convaincantes… c’est le moins qu’on puisse dire !