Il faut reconnaître à Bertrand Tavernier un talent (parmi bien d'autres!) : le réalisateur n'est presque jamais là où on l'attend. Même si le film est adapté d'un roman, voir le cinéaste, habituellement plus intéressé par le passé, avoir cette fois une vision pour le moins pessimiste de l'avenir a quelque chose d'assez fort, d'autant que s'il va évidemment un peu loin, le voir quasiment imaginer la télé-réalité environ vingt ans avant son avènement étant notamment assez troublant. Après, c'est Tavernier : son regard est froid, clinique, presque distant, les décors sinistres et déserts qu'il filme, symbole d'un monde où l'éducation et la culture n'ont quasiment plus leur place, pouvant freiner un certain nombre de spectateurs : je le comprends, d'autant que le rythme peut parfois ralentir. Mais voilà une œuvre ayant du sens, ne cédant jamais à la facilité, sans pour autant avoir une démarche « poseuse » ou se disant que la force du sujet suffira. Il y a un vrai propos, des choix qui sont faits, un regard inquiet et inquiétant tout en cherchant toujours une part d'humanité chez chacun des personnages, aussi méprisables soient certains. Belle osmose également entre les comédiens, faisant preuve de beaucoup de subtilité, de complexité pour les rendre accessibles, du moins qu'on les comprenne. Harvey Keitel et Harry Dean Stanton sont excellents, tandis que Romy Schneider fait une nouvelle fois preuve de sa sensibilité, de son élégance, de sa beauté rayonnante, sans oublier l'un des dix plus beaux sourires de l'Histoire du cinéma, sans aucun doute... Bertrand Tavernier n'aime pas la simplicité, le manichéisme et le prouve encore avec beaucoup de talent, même si un peu plus de chaleur et une bande-originale d'un goût discutable peuvent, notamment, prêter à discussion. De quoi ne pas rester indifférent, en tout cas.