Comme quoi un film a priori sans grande prétention ( ni gros budget) peut viser haut. Abordant un thème assez éludé par le cinéma en général, Alvaro Pastor veut faire mentir les préjugés et clichés qui entourent les trisomiques, en les "normalisant". Mais là ou cela devient intéressant, c'est qu'on voit que cette course à la normalité n'est pas forcément salvatrice pour eux. "Ca sert à quoi d'être normal?" C'est bien la question que l'on peut se poser à mi-chemin du film, tant le héros semble désabusé et perdu dans son rôle de trisomique presque-normal. Il en vient même à accuser sa mère de l'avoir contraint à changer, à rejeter sa maladie, qui serait en fait sa véritable identité. C'est donc non seulement autour de cette question de la normalité, mais aussi de celle de la relation mère à enfants ( souvent trop fusionnelle ici) que ce drame comico-romantique se déroule. Car on rit aussi, et l'aspect burlesque apporte une touche de légèreté indispensable à la digestion de l'ensemble. Et puis, il y a l'histoire d'amour entre Daniel, l'anormal, la bête, et Laura, la belle à la réputation sulfureuse. Belle, simple, émouvante, réaliste ( la fin en est très réussie), cette relation est teintée d'humanité, de la vraie. Le film se rapproche alors de la tragédie du XVIIIeme, où les héros étaient partagés entre la passion ( les regards échangés, la sensation d'être compris par l'autre, l'amour) et l'honneur ( la tourmente dans laquelle est plongée Laura à mesure que les sentiments à l'égard de Daniel se font sentir, le rejet de ces sentiments, le malaise à l'idée de tomber amoureux de quelqu'un d'aussi différent). On peut cependant regretter quelques longueurs, évitables, à mon sens, ainsi que des seconds rôles tous plus médiocres les uns que les autres. Le réalisateur se laisse malheureusement porté par l'histoire et le jeu d'acteurs plus que l'inverse; il est transparent. Mais en somme, un film agréable et original, à voir.