C'est deux types dans un désert. Lui, c'est le gangster normal, raisonné, qui n'aime pas tuer. L'autre, il est barge. Ils ont une mallette. Avec pleins de soussous dedans. Ils ont un rancard, dans un rade miteux, au Mexique. A la télé, une journaliste parle d'eux, parle de leur horreurs, avec un sourire masqué, une joie perverse. Là, on hésite à rire. Dans une autre scène, la toute première cette fois, tarantinesquement filmée, l'on voit le stéréotype du shérif désabusé, cinquante balais tout au plus, chapeau vissé sur la tête, entrant dans une boutique. Il chuchote, tranquillement. Raconte, au jeune vendeur, d'autres horreurs. L'histoire de quelques copains à lui à qui l'on a explosé le crâne. Il sur joue. Des mimiques improbables lui parcourent le visage. Impossible, cette fois, de ne pas rire. Mais on hésite encore...Très vite, au rythme des grains de sable qui filent au grès du vent, l'atmosphère nanardesque se fait vite, très vite sentir. Et puis, Tarantino arrive. Et on constate qu'on s'est trompé. Rodriguez se fout de nos gueules. L'écriture de son meilleur pote de cinéma, toujours tip top questions dialogues et répliques de comics biens senties, sent bon l'hommage aux vieilles séries B bien pourris qu'on aime bien, quand même. Et lorsque Clooney (excellent) demande à son frère de se coller une sorte d'appareil dentaire dans la bouche, et lui de lancer aux deux otages "parce que je grince des dents", on comprends qu'on à été roulé. On est bien dans un nanar. Mais un nanar qui assume. Nuance. Alors, c'est bon, maintenant qu'on à les codes : on peut rire. Se déroule alors une partie road-movie intéressante, pour les dialogues surtout. Au programme, violence, fusils pointés sur le front des invités, et des cactus à perte de vue, le tout dans la plus grande bonne humeur, assaisonné d'un délicieux seconde degrès correctement dosé. On aurait franchement tort de s'en priver. Mais lorsqu'on arrive au lieu du rancard, la partie sobre et, pourquoi pas, allons-y, carrément plausible, c'est fini. Comme si Rodriguez nous lançait : "Ca va ? Vous n’êtes pas fatigué ? On continue, alors ?!"...Soudainement, en un éclair, le cinéaste se met à parcourir l'alphabet, passe du B au Z, et quelle série Z ! Pour les deux "héros", le nom du bar, déjà, ça sentait mauvais. "Tity Twister", en français : "Le téton tortillé". Devant les portes d'entrée, un type barbu en salopette introduit le lieu, et ça ne fait pas envie... Hurlant devant son micro, il présente ce qu'on peut y trouver, toute sorte de "chatte", de la meilleure à la pire qualité, soie, velours où polyester, et même une variété nouvelle : la chatte qui mord...Et profitez-en, jusqu'à la fin du mois, offre garanti : deux chattes pour le prix d'une...Et ça continue, comme ça, pendant plus d'une minute : mais quand/où s'arrêteront t-ils !?...Deuxième partie, donc, un tout autre style, mais respectant à merveille la loi de ces films là : forcément, à un moment où un autre, ça part en vrille. Et, yeahhh, qu'est ce que c'est bon !! Jouissif sur tout les points : du gore, d'autres répliques qui font mouche, des vampires qu'on-se-demande-ce-qui-foutent-là, feu d'artifice de flammes, fontaines d'hémoglobines, baston, re-baston, et tuerie complète pas crédible une seconde… Et Selma Hayek, dérouleuse de langues des mecs bien virils, python en guise d'écharpe. Scène culte. Film culte. Bourré d'imagination fertile coulant dans tout les plans comme gicle le sang. On croise, parmi toutes les trouvailles, l'hilarante guitare humaine (Pratique) et la croix fusil du seul pasteur du coin, rien de mieux pour dégommer les créatures repoussantes. Tarantino et Rodriguez s'amusent, et nous aussi. Ils se foutent de nous, un peu, et appliquent logiquement leur habituelle philosophie cinématographique : tout film respire le cinéma, n'importe lequel. Nanar où chef-d'oeuvre, qu'importe : n'est-ce pas la même chose, finalement ? Ils le prouvent avec cet excellent moment de détente, ce joyau du cinoche d'exploitation (ici d'ailleurs proprement détourné), où se laisser aller est la seule chose à faire. Et ce n'est sans doute pas la plus difficile. 16/20.