«Frozen river» est un tout petit film venant du cinéma indépendant américain, petit film qui se voudrait grand, mais pour cela, il y manque notablement la subtilité et le talent. Comme on ne peut pas vraiment dire que le cinéma américain nous a habitués à des films à dimension sociale, il en suffit d’un, celui-ci, pour qu’on le porte aux nues sans se rendre compte qu’il succombe à ce qu’il y a de plus bas dans un propos social: la sensiblerie et le misérabilisme. Autant dire que le film ne fait preuve d’aucune intelligence et utilise les mêmes ficelles qu’à l’accoutumée: le désormais célèbre «dernier coup de trop», la réconciliation (avec l’amitié de l’héroïne et de l’indienne), la femme courage, le pathos, et, sur la fin, les petits tremolos mélodramatiques dans la voix, avec la lèvre inférieure qui tremble, etc… mais sans les larmes à flots, visiblement surfait et grotesque. Il pourra toujours être instructif pour certains de constater encore l’aliénation totale, l’insanité et le caractère complètement schizophrénique qu’a pu engendrer l’ «American Way of life» sur sa population. Courtney Hunt nous parle d’une misère concrète et pratique, surfant sur la vague de la crise systémique, nous montrant des personnages mangeant du pop corn et du tang à tous les repas (le nouveau misérabilisme made in US), mais elle nous montre surtout (malgré elle?), une grande misère intellectuelle, psychologique et morale: ces pauvres américains qui n’arrivent pas à manger luttent pour garder leur énorme écran plat et puis surtout, tout le film repose sur le trafic illégal d’une mère faisant l’impossible pour acquérir une somme d’argent suffisante, non pas pour nourrir dignement ses gosses ou les scolariser, mais pour acheter un mobil home, et pas n’importe lequel, avec baignoire à jets s’il vous plaît! Ah, c’est sûr que c’est une grande héroïne ! Le vrai combat d’une femme extraordinaire!