Avec Frozen River, Courtney Hunt s’approprie une histoire de base assez simple pour livrer un long-métrage poignant de bout en bout. Assez simple dans la mesure où le personnage qui se démène pour conserver ses biens tout en essayant de nourrir la petite famille, c’est un thème que l’on retrouve souvent – sans que cela donne toujours lieu à un long-métrage de qualité, comme ce fut le cas l’an passé avec le très moyen Winter’s Bone. Tout d’abord, on peut retrouver quelques similitudes avec ce dernier. Même cadre isolé, même protagoniste particulièrement hardie, qui n’arrête jamais la poursuite du bonheur lorsque celle-ci n’est pas accomplie. Cependant, le traitement différent de la mise en scène fait que Winter’s Bone était un film chiant, sans intérêt, tandis que Frozen River ne l’est pas. Bien au contraire, Courtney Hunt livre une mise en scène aussi épurée que les paysages désertiques et enneigés de la frontière du Canada. Pas d’encombrements inutiles. La réalisatrice se dirige d’office vers ce qui peut être le plus intéressant pour le spectateur. En gros, elle sait exactement ce qu’elle veut – et ce qu’on veut, par la même occasion – et c’est tant mieux. C’est d’ailleurs grâce à cette façon de fonctionner que l’on se retrouve à plusieurs reprises en plein milieu de l’intrigue, totalement absorbé par la puissance des évènements. Au-delà de la mise en scène qui parvient à faire se déclencher les péripéties au bon endroit, au bon moment, il faut aussi souligner le fait que Courtney Hunt a su mettre de son côté quelques très bons comédiens. Bien entendu, c’est à l’actrice principale – Melissa Leo – que l’on pense en priorité. En effet, son personnage caractériel à souhait – qui la fait passer pour une femme aigrie auprès de son fils –, prête à tout pour que le sapin de Noël abrite des cadeaux, demeure l’un des points les plus touchants du film. Cependant, Misty Upham (que l’on retrouvera prochainement dans Django Unchained, de Tarantino) mérite elle-aussi une part de gloire pour sa prestation au moins aussi forte – dans le rôle d’une Mohawk malvoyante au grand cœur. « Grand cœur »… Voici une expression que l’on pourrait volontiers attribuer à Frozen River, ce drame plein d’émotion qui parvient à nous faire agripper le premier objet venu chaque fois que la voiture s’aventure sur la fameuse rivière gelée. Chaque fois que les deux femmes passent devant une voiture de patrouille. Chaque fois que tout ne se passe pas comme prévu. Enfin, si les qualités de cette Frozen River sont plutôt simples à identifier, on peut malgré tout regretter que le long-métrage s’avère aussi simple sur le fond que sur la forme. Ce minimalisme a un nom, qui sévit particulièrement depuis quelques années et, souvent, empêche à certains longs-métrages très prometteurs d’atteindre le statut de chef-d’œuvre. J’ai nommé Sundance. Le film ici présent obéit en effet à ce conformisme assez décevant. En dépit d’une musique un peu trop classique – bien que généralement absente – et d’une photographie qui se contente amplement des décors, on peut décerner un certain manque de volonté concernant une recherche esthétique de qualité. C’est bien dommage. En conclusion, Frozen River est une bonne découverte de par sa trame réaliste et profondément humaine, qui tend à rendre le long-métrage parfois touchant, parfois absorbant.