"Le premier cercle" ne retiendra pas ma première intention d’organiser une soirée cinéma entre amis ou en famille. Pourquoi ? Parce que tout m’a semblé mauvais. Le pitch était prometteur, des plus intéressants et le casting attrayant : entre un Jean Reno qu’on ne présente plus et un Gaspard Ulliel éblouissant dans "Jacquou le Croquant"… Gaspard y avait eu une telle force dans sa confrontation avec Jocelyn Quivrin que je ne suis pas étonné de le voir apparaître dans un rôle du même registre. Seulement voilà : dirigés par le peu prolifique (et illustre inconnu en ce qui me concerne) Laurent Tuel, l’illusion ne dure finalement que le temps d’un feu de paille. Dans un premier temps, j’en incombais la faute à la musique d’Alain Kremski, pas du tout adaptée aux scènes, tant et si bien que sa partition semble venir d’un autre film. Mais au fur et à mesure de l’intrigue, bien d’autres défauts viennent compléter ce sentiment de déception sans cesse croissant, un sentiment dans lequel le spectateur se renfrogne en attendant la fin d’une façon plus ou moins désintéressée. Après la musique, le rythme : il est d’une lenteur absolue. C’est si mollasson qu’on trouve facilement le réconfort auprès d’un oreiller. Ensuite, les acteurs : ils semblent bien peu concernés, Jean Reno en tête. A aucun moment, on ne sent la grosse dualité qui s’installe entre le père Malakian et son fils désigné comme étant le seul héritier du clan. Le premier veut perpétuer la vie du cercle qu’il a bâti, sous la direction du second après un dernier coup d’éclat. Sauf qu’on ne ressent pas vraiment l’opposition entre les deux personnages, je l'ai déjà dit. Le premier est inexpressif, taciturne, bref jamais en proie à la moindre émotion. C’est même à se demander quelle mouche le pique en s’en prenant directement au commissaire, au risque d’avoir toutes les polices à ses trousses. En somme, Reno ne donne aucun relief à son personnage : pas d’inquiétude suscitée, pas ou peu de fibre paternelle montrée, rien. Nada. Le vide abyssal. Je veux bien que certains pères se montrent maladroits parce qu’ils ne savent pas s’y prendre, mais de là à ne rien montrer ou presque… Gaspard Ulliel, lui, se débat et parvient à donner quelques instants de rébellion, mais restent bien rares. Sans doute la faute à la crainte de décevoir un père qui lui inspire la peur. Le thème est fort, et le spectateur devrait être pris aux tripes. Sauf que ce n’est pas le cas. Cette dualité n’est pas du tout perceptible, j'y reviens. La romance ne l’est guère plus, et ce n’est pas la scène d’amour, tombée un peu comme un cheveu dans la soupe (la chambre d’hôtel avait déjà été réservée… ouaouh ! prévoyant, quand même !) qui y change grand chose. Seul Sami Bouajila tire son épingle du jeu en flic tenace qui a un vieux compte à régler avec le clan Malakian. Cependant une meilleure exploitation amenée par un développement plus centré sur son enquête aurait amené davantage de piment. Et ensuite les incohérences. Perso, je n’avais jamais vu les forces du G.I.P.N. se déplacer dans des véhicules de la Gendarmerie Nationale. Le G.I.P.N., comme son nom l’indique, est une unité d’élite de… la Police Nationale, et non de la Gendarmerie Nationale. Cette dernière a sa propre unité (le G.I.G.N.). Les scénaristes ont-ils été assez bêtes pour confondre la police avec la gendarmerie ? A une lettre près, il faut croire que oui. Et puis la fin, qui laisse perplexe : ben il n’y a pas de fin. Le clan est insaisissable, et le commissaire, eh bien on imagine qu’il va continuer à courir après son os, à moins qu’il ne soit déchargé de l’affaire. En attendant, l’ombre du parrain Malakian continue de rôder, jusque sur un berceau. Liens du sang, quand ils nous tiennent… "Le premier cercle" est donc un énorme gâchis, car il avait tout pour être un grand film. Encore aurait-il fallu qu’il soit mieux écrit ! Je me demande ce que les américains en auraient fait, tiens… ou Fred Cavayé, ou encore Luc Besson, pourquoi pas... Parce que le mal récurrent du cinéma français est là quand on veut faire parler les sentiments : on veut y mettre de la dramaturgie. Sauf que trop de dramaturgie tue la dramaturgie. Et que dire sur l'intro qui explique comment les arméniens sont arrivés en France ? Elle ne sert à rien, finalement...