Début mars, direction Roubaix, pour passer quelques heures dans les coulisses du tournage d'une des prochaines séries ambitieuses d'Arte. Son nom : Jeux d'influence. A la réalisation et à la coécriture, Jean-Xavier de Lestrade, dont la carrière l'a emmené vers le documentaire (dont un Oscar à la clé pour Un Coupable idéal, 2001) et la fiction, avec La Disparition en 2011, puis la série 3 x Manon et Manon 20 ans. Sans oublier un détour par le cinéma en 2007, avec le long métrage Sur ta joue ennemie.
Aujourd'hui, le scénariste, réalisateur et producteur entame le 48e jour de tournage de Jeux d'influence, dont les caméras se sont posées, depuis novembre 2017, en partie à Paris, en Belgique, mais surtout en région Centre pour 5 semaines et dans les Hauts de France pour les 7 dernières semaines.
Des "journées intenses" et un "long marathon"
L'un des producteurs de la série, Matthieu Belghiti (What's up Films), qui accompagne la presse pour ce voyage, ne cache pas que ce sont des "journées intenses", et un "long marathon". En effet, quand on sait qu'un long métrage se tourne généralement 8 semaines environ, ces 15 semaines de prise de vues ont des allures de course au long cours. Au final, la série s'articulera en 6 épisodes de 52 minutes, et dont la diffusion devrait logiquement arriver début 2019.
Plantons le décor ! Cette journée de tournage se partage entre l'imposant bâtiment de l'ancienne Banque de France de Roubaix où ont été installés un bureau de permanence d'un député, d'autres bureaux dans un décor aux faux airs hausmannien, et la brasserie d'en face, pour une ambiance café chic parisien ! Trois décors dont la proximité permettra de gagner beaucoup de temps à l'équipe. Tandis que les décorateurs s'affairent à l'étage pour reproduire un bureau d'affaire à la parisienne, une scène se tourne au rez-de-chaussée entre Laurent Stocker (de la Comédie-Française) et Pierre Perrier, le premier jouant un député, et le second son assistant parlementaire. Les prises s'enchaînent dans la bonne humeur, les deux acteurs sont manifestement complices et heureux d'être là.
L'après-midi, dans un café chic, nous assisterons à la première rencontre entre deux autres personnages de la série, Alix Poisson, qui campe "une journaliste politique, qui au début de la série, est un peu à une croisée des chemins, car elle est en train de changer de vie pour plein de raisons différentes", et Jean-François Sivadier, "un requin qui défend les intérêts d'une grosse boite, qui fabrique des pesticides". Là aussi, l'ambiance est sérieuse et détendue à la fois : entre deux prises, les comédiens échangent sur leur façon d'interpréter le texte, tandis que tout est calibré pour que la ballet de figurants du café trouve ses marques. Derrière le combo où sont placés les journalistes présents pour cette visite de tournage, on sent qu'un soin est apporté au moindre détail.
Jeux d'influence, de quoi ça parle ?
Michel Villeneuve (Christophe Kourotchkine) est agriculteur. Il est retrouvé inconscient dans son exploitation, après avoir manipulé un désherbant pour son champ. Le député Guillaume Delpierre (Laurent Stocker), ambitieux et engagé, décide de faire interdire le produit chimique qui pourrait être à l’origine de l’état de santé inquiétant de son ami d’enfance. Conscient des enjeux pour la carrière de son mentor, Romain Corso (Pierre Perrier), son attaché parlementaire aussi efficace que speed et déjanté, pilote son député dans les méandres des pressions politiques de la vie parlementaire. Avec pour but avoué de décrocher un portefeuille ministériel. Mais le produit appartient à la puissante société Saskia & Co, une branche française d'une multinationale de l'industrie agro-chimique. Et mandaté par son client, Mathieu Bowman (Jean-François Sivadier), redoutable lobbyiste manœuvre habilement avec l’aide de la journaliste Claire Lansel (Alix Poisson) pour empêcher toute nouvelle loi agricole qui permettrait d’interdire le produit incriminé. Jusqu’au jour où le directeur du Marketing de Saskia, est découvert mort flottant sur la Seine…
Jeux d'influence, plus qu'une série politique !
"On touche au monde un peu des lobbys, de la politique… C’est très sensible, lance Jean-Xavier de Lestrade pour présenter la série qu'il réalise et coécrit. Tout le monde a son avis là-dessus, une opinion ! Du coup, c’est long à écrire ! C’est un domaine sensible. C’est peut être lié à la cutlure française, car tout le monde se mêle un petit peu à la politique."
Peut-on pour autant présenter Jeux d'influence comme une série politique ? "Oui, c'est une série politique. Et non, parce qu'on ne parle pas de la classe politique, souligne Olivier Wotling, Directeur de l'Unité Fiction d'Arte. Ce n'est pas le centre du sujet. Il y a un député et son assistant qui vont être en lien direct avec des lobbyistes, mais c'est un aspect, une dimension de la série. On était attachés à montrer le nœud qui se fait dans une société depuis le monde politique, en haut, le pouvoir décisionnaire, et sur le terrain, un agriculteur, malade et aux prises avec l'omerta des autres agriculteurs, coopératives sur le pouvoir de la société Saskia." Et d'ajouter : "Ca cadre avec les grands repères d'Arte en fiction : un thème à la croisée du politique, de la société, beaucoup de dimensions de la société..."
Un thème à la croisée du politique, de la société, beaucoup de dimensions de la société...
Matthieu Belghiti, producteur, rappelle que le projet a commencé il y a 4 ans. L'idée de départ a germé avec "ce qui s'est passé à Lille avec Strauss Kahn, l'affaire du Carlton... Tout ce mélange avec les milieux politiques. Ça nous avait frappé. Il y avait un peu de malfrats, du politique, de l'industriel… Tout se mélangeait un peu. On avait envie d'explorer ça."
La série, qui devait initialement se dérouler en 8 épisodes, a nécessité un long travail d'écriture et de documentation. "Jean-Xavier de Lestrade est reconnu dans le documentaire. Là on est à la croisée de ses deux activités et moteur personnel, on doit être dans quelque chose de très documenté, et en même temps qui doit complètement fonctionner au titre de la fiction", explique Olivier Wotling. "La série demande de la technique en écriture", poursuit Mathieu Belghiti.
"C’est vrai que l’écriture de 6 épisodes est une logique très différente d’un travail comme sur 3 x Manon, qui est comme un très long métrage, avec plus de mouvement. C’est une logique très différente, insiste Jean-Xavier de Lestrade. On a commencé à écrire avec Antoine Lacomblez avec qui on avait fait La Disparition, 3 x Manon, Manon 20 ans. A un moment, on s’est aperçus qu’il fallait aussi un autre regard de quelqu’un d’extérieur qui a plus l’habitude de l’écriture sérielle qui répond à des impératifs de dramaturgie que je ne maitrise pas très bien. Il y a deux autres auteurs qui nous ont rejoint, Sophie Hiet et Pierre Linhart. Ils ont apporté leur regard, leur expertise. Ca nous a aidé à restructurer chaque épisode et la dramaturgie de chaque personnage. C’était très utile."
"Ce qui est intéressant, c’est que ce sont des personnages, pour certains, dont on soupçonne l’existence mais qu’on ne voit jamais, indique le comédien Jean-François Sivadier, qui campe un "requin". Ce que j’adore avec cette série, c’est que c’est hyper documenté. On rentre dans un monde qu’on ne connaît pas bien. On découvre les guerres de pouvoir, les trafics d’influence, les décisions qui se prennent sur le dos de la population… "
Les séries sur les lobbys, ça n'existait pas
"Les séries sur les lobbys, ça n'existait pas", souligne Mathieu Belghiti. "Il y a eu le film de Michael Mann, Révélations. Il y a aussi un film qu'on aime beaucoup avec George Clooney et Tilda Swinton, Michael Clayton". En terme de référence, le producteur évoque une série anglaise de David Yates : "une série politique pour nous qui était le top, c'est State of play. C'est un mélange de genres." "Dans State of play, il y a un entremêlement entre le monde politique et des journalistes, qui est le reflet de la réalité, indique la comédienne Alix Poisson. Là nouveauté ici, c'est le monde des lobbies. Il y a un système de vase communicant entre les uns et les autres.(...) Ce sont des mondes en rivalité, mais qui à la fois ne peuvent pas vivre les uns sans les autres." "La série est d'une actualité éclatante, je ne suis pas sûr que Jean-Xavier de Lestrade ne l'ait prévu à ce point !", souligne le comédien Jean-François Sivadier.
Quant au casting (voir notre diaporama ci-dessus), Jeux d'influence promet une vaste distribution gâce à ses différentes intrigues mêlées : Alix Poisson, Laurent Stocker (de la Comédie-Française), Jean-François Sivadier, Pierre Perrier, mais aussi Marilou Aussilloux, Christophe Kourotchkine, Anne Coessens, Thierry Hancisse (de la Comédie-Française), Guillaume Marquet, Marc Citti, Marie Dompnier, Nathalie Boutefeu, Anthony Bajon (récemment primé au Festival de Berlin pour La Prière), Romann Berrux, Catherine Salée et Yannick Choirat.
Jean-Xavier de Lestrade a notamment fait appel à une comédienne qu'il connait bien, car présente dans la distribution de plusieurs de ses projets... "C'est le réalisateur avec qui j'ai le plus tourné, oui, nous confirme Alix Poisson. La Disparition est un rôle qui a changé ma vie, ça a été une espèce de déclencheur. C'est très rare, mais ça arrive, de travailler avec un réalisateur dont on sait qu'on parle exactement la même langue et qu'on a exactement les mêmes exigences. On a envie de traiter des mêmes sujets, avec le même engagement civique, politique... Jean-Xavier de Lestrade ne fait que des films hyper engagés sur des sujets sociétaux et c'est ce qui m'intéresse le plus. Du coup, on a un grand plaisir à se retrouver."
La fin du tournage de Jeux d'influence est prévue pour mi-avril 2018, avec une diffusion probable courant 2019 sur Arte.
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