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    Cannes 2022 : on a vu Omar Sy dans les tranchées, une star de Squid Game dans un thriller et un Rodéo féroce
    Cannes 2022 par AlloCiné
    Cannes 2022 par AlloCiné
    Du 17 au 28 mai 2022, nos expert(e)s passionné(e)s replongent au cœur de la folie cannoise. Responsable éditoriale : Laetitia Ratane Journalistes : Brigitte Baronnet / Mégane Choquet / Thomas Desroches / Maximilien Pierrette Vidéo : Ando Raminoson / Arthur Tourneret / Julien Ceugnart

    Chaque jour, la Rédac' d'AlloCiné vous parle des films vus lors du 75e Festival de Cannes. Aujourd'hui, le film historique "Tirailleurs" avec Omar Sy, le retour de James Gray avec "Armageddon Time" et un thriller réalisé par une star de "Squid Game".

    Marie-Clémence David 2022 - Unité - Korokoro - Gaumont - France 3 Cinéma - Mille Soleils - Sypossible Africa

    Deuxième jour de compétition pour cette 75e édition du Festival de Cannes ! La température continue de grimper et les festivaliers se remettent doucement du passage fracassant de Tom Cruise sur la Croisette. Le réalisateur James Gray revient avec Armageddon Time, un drame personnel porté par Anne HathawayAnthony Hopkins et Jeremy Strong, la star de Succession. Le film est présenté en Compétition officielle.

    Toujours dans la même catégorie, Les Huit Montagnes emmène les spectateurs dans des sommets avec une histoire entre deux amis de longue date qui se construisent une maison coupée du monde. Un voyage dépaysant. Le Polonais Jerzy Skolimowski revient, quant à lui, à Cannes avec EO. Un récit singulier au pitch fou : le périple d’un âne aux yeux mélancoliques à travers diverses rencontres.

    Notre podcast consacré aux premiers films de Cannes 2022 :

    Côté sections parallèles, Omar Sy se glisse dans le costume d’un soldat de la Première Guerre mondiale avec le drame Tirailleurs, coécrit et réalisé par Mathieu Vadepied. Changement de style avec une histoire de passion dévorate pour les deux roues dans Rodéo, qui signe la naissance d’une jeune cinéaste, Lola Quivoron.

    Cannes n’aurait pas le même goût sans ses séances de minuit mouvementées. En voici une nouvelle avec la présentation de Hunt. C’est la première réalisation de Jung-jae Lee, qui n’est autre que la star de Squid Game, la série phénomène de Netflix. Entre plus de réaliser, il en est le scénariste et incarne le rôle principal.

    Tirailleurs de Mathieu Vadepied (Un Certain Regard)

    L'histoire poignante d'un homme (Omar Sy) qui se rend au front, prêt à tout pour protéger son fils (Alassane Diong), enrôlé de force par l'Armée française pour lutter dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale. Le protéger de la mort mais aussi de lui-même et de la fougue de son officier qui veut à tout prix le mener au combat. Quoi qu'il en coûte. 

    Dans la peau de ce père prêt à tous les sacrifices, Omar Sy crève l'écran et nous offre son meilleur rôle, tout simplement. Méconnaissable tant il se fond dans son personnage, transfiguré, habité, déterminé, massif, il est bouleversant.

    Aventure humaine, lutte d'ego, conflit familial intime au coeur d'un drame historique, le film "mission" de Mathieu Vadepied met en lumière avec acuité et bonne distance les destins brisés de ces hommes arrachés à leur famille, envoyés en première ligne sous l'uniforme français. Des hommes dont il faut louer l'héroïsme, et qu'il ne faut absolument jamais oublier.

    Laetitia Ratane

    Armageddon Time de James Gray (Compétition)

    Qu’il parle de gangsters, s’aventure dans la jungle ou aux confins de l’espace, James Gray aime parler de la famille et de son poids. Armageddon Time ne déroge pas à la règle, avec une nuance de taille, car le réalisateur parle ici de la sienne, pour la première fois. Ouvertement du moins. Cap sur l’année 1980 donc, aux côtés du jeune Paul Graff, adolescent turbulent qui rêve de fusées et de devenir artiste, envoyé dans un lycée plus strict, dont Donald Trump a été l’un des élèves. New York. Des rapports conflictuels avec ses parents (et notamment son père, incarné par Jeremy Strong). L’envers du rêve américain. La photo sublime de Darius Khondji aux allures d'album photos. Armageddon Time est du pur James Gray sous forme d’histoire de passage à l’âge adulte, dont il reprend les codes sans vraiment les transcender. Les connaisseurs de ce type de récit ne seront donc pas franchement surpris, mais ça ne les empêchera pas de se laisser attendrir. Par le grand-père incarné par Anthony Hopkins, la mère jouée par Anne Hathaway. Ou le jeune Banks Repeta, vraie révélation qui est de tous les plans. Un parfait alter ego du réalisateur au sein de cette histoire moins simple qu’il n’y paraît, dans sa mise en scène comme sa manière de parler des injustices sociales aux États-Unis, et de dresser des parallèles avec notre époque. Et si James Gray décrochait enfin un prix à Cannes avec son film le plus personnel ? Maximilien Pierrette

    Les Huit montagnes de Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen (En Compétition)

    Cinéma et évasion font souvent qu’un. Avec Les Huit montagnes, une histoire d’amitié entre deux hommes nous emmène dans les hauteurs de l’Aoste, une petite ville italienne perchée dans les montagnes. Plus qu’un drame, c’est une véritable fresque que proposent Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen - réalisateur d'Alabama Monroe et de My Beautiful boy avec Timothée Chalamet. Les spectateurs rencontrent les deux héros dès leur enfance pour les suivre jusqu’à l’âge adulte, alors que la vie les a séparés. Le film, d’une grande délicatesse, dresse le portrait de ces deux hommes que tout oppose : Pietro a toujours rêvé de quitter les montagnes pour devenir écrivain, tandis que Bruno, lui, est persuadé qu’il est forcé de suivre le même chemin que son père. Il choisit un destin de solitude, au point de se couper du monde. Ensemble, ils vont construire une maison isolée, pour respecter la volonté du père de Pietro, récemment décédé. Les Huit montagnes suit leur quête d’identité. Ils tentent, tant bien que mal, de trouver leur place, alors que les ombres de leurs géniteurs respectifs planent au-dessus de leurs têtes. Le récit sème le trouble sur cette histoire d’amitié, qui prend parfois des allures de passion amoureuse interdite et étouffée. Les réalisateurs embrassent leur décor - les montagnes sont presque des personnages à part entière - et filment, d’une manière contemplative, des paysages d’une beauté renversante. Grand film, Les Huit montagnes séduit par sa pudeur, son intensité et l’interprétation de ses deux acteurs principaux, Alessandro Borghi et Luca Marinelli. Thomas Desroches

    Rodéo de Lola Quivoron (Un Certain Regard)

    Coup de coeur pour ce premier opus tout de bruit et de fureur de la cinéaste Lola Quivoron qui d'emblée rejoint le cercle intime des réalisatrices de poigne, rock'n roll et jusqu'au boutistes. Incursion experte dans le monde du rodéo urbain, son film coup de poing nous embarque aux côtés d'une héroïne incandescente, qui en même temps qu'elle infiltre un monde masculin fermé, échappe aux stéréotypes et sort du cadre, au sens propre comme au figuré. Bombe d'actrice, Julie Ledru incendie littéralement le film, par son instinct de jeu et sa viscéralité. Caméra à l'épaule, cadre au plus près des acteurs, cascades finement orchestrées, Lola ne s'interdit rien, laissant à ses comédiens non expérimentés la liberté de créer à ses côtés un univers inédit et interdit où la pulsion de vie croise la mort et où les relations intimes ne sont pas ce qu'elles semblent être. Du grand art, enflammé et explosif à plus d'un titre. Laetitia Ratane

    EO de Jerzy Skolimowski (En Compétition)

    Rareté en vue. Dans EO, le réalisateur polonais Jerzy Skolimowski suit le parcours d’un âne - baptisé EO ou Hi-Han en version originale. Rescapé d’un cirque grâce à l’aide de militants, l’animal engage un voyage où il va découvrir les visages complexes de l’être humain. Sur sa route, il va croiser la bonté, la bêtise et la cruauté. Film quasiment muet, EO est mené par cet âne acteur qui est, aussi surprenant que cela puisse paraître, bouleversant. Son regard est le reflet d’un personnage qui ne trouve pas sa place. Ni parmi les Hommes, encore moins avec les autres animaux. En 1966, Robert Bresson réalisait Au hasard Balthazar, sur le même sujet. Mais Jerzy Skolimowski ne se contente pas de faire un remake. Il embarque le public dans une expérience sensorielle et expérimentale avec une nouvelle façon de faire du cinéma. Alors que l’âne poursuit son parcours, le surréalisme s’invite parfois dans quelques scènes. Ce périple, durant lequel EO croise plusieurs protagonistes, bascule parfois dans l’horreur, jusqu’à un final qui assomme. Difficile de qualifier ce film qui devrait, sans en douter, éveiller les consciences sur la maltraitance animale et l’élevage intensif. Comment ne pas mentionner la musique puissante de Pawel Mykietyn, mais aussi la présence d’Isabelle Huppert dans un petit rôle. Pour une fois, c’est à elle de se faire voler la vedette. Thomas Desroches

    Les Harkis (Quinzaine des Réalisateurs)

    Philippe Faucon, réalisateur notamment du multi-césarisé Fatima, ou encore de la série Fiertés, est présent à la Quinzaine des réalisateurs avec Les Harkis. Fin des années 50, début des années 60, la guerre d’Algérie se prolonge. Salah, Kaddour et d’autres jeunes Algériens sans ressources rejoignent l’armée française, en tant que harkis. Á leur tête, le lieutenant Pascal. L'issue du conflit laisse prévoir l'indépendance prochaine de l'Algérie. Le sort des harkis paraît très incertain. Pascal s’oppose à sa hiérarchie pour obtenir le rapatriement en France de tous les hommes de son unité. Un film précis, clair, qui fait le choix de se centrer sur un groupe d'hommes, parmi lesquels on retrouve Théo Cholbi (vu dans Réparer les vivanats, The Smell of us), et plus inattendu Pierre Lottin (vu récemment dans Notre Dame Brûle, mais avant tout identifié pour son rôle de Wilfried dans Les Tuche). L'ensemble du casting est impeccable. Particularité de ce film, il fait en quelque sorte suite à l'un des précédents films de Philippe Faucon, nommé La Trahison, sorti en 2006. Le cinéaste explique qu'à l'époque, il avait fait un certain nombre de rencontre de personnes ayant vécu cette période de la guerre d'Algérie, et n'avait pas utilisé toute cette matière. "Je me disais qu’il faudrait que je revienne et c’est ce qu’il s’est  passé, ça ne m’a pas laché complètement", a-t-il indiqué sur la scène de la Quinzaine des réalisateurs. Sortie le 12 octobre 2022. Brigitte Baronnet

    God's Creatures d'Anna Rose Holmer & Saela Davis (Quinzaine des Réalisateurs)

    Un premier film prometteur (The Fits, Prix de la Critique à Deauville en 2016), et puis plus rien. Ou presque : un épisode de la saison 2 de The OA, pépite Netflix partie trop tôt, et un projet avec Natalie Portman qui est toujours au point mort. Revoici enfin Anna Rose Holmer, en duo avec sa chef monteuse Saela Davis à la réalisation, et en Irlande. Dans un village de pêcheurs balayé par les vents où les habitants, très croyants, vont assister, comme dans la Bible, au retour du fils prodigue. Celui d’Aileen, qui va vite devoir choisir entre ses convictions et protéger son enfant revenu d'Australie, quitte à renier ses croyances et faire ressurgir les secrets enfouis de son entourage. Davantage un drame qu’un thriller, God’s Creatures frôle par moments le symbolisme trop visible, comme lorsque la mer se fait de plus en plus agitée alors que la tension grandit. Mais il peut s’appuyer sur la beauté de sa mise en scène et la solidité de ses interprètes : Paul Mescal, qui confirme le talent entrevu dans la série Normal People, et Emily Watson, impeccable en mère debout face aux vents. Maximilien Pierrette

    Metsurin Tarina de Mikko Myllylahti (Semaine de la Critique)

    Choc thermique à Cannes. Alors que le soleil chauffait la Croisette, la Semaine de la Critique nous a offert un voyage en Laponie avec Metsurin Tarina (également appelé The Woodcutter Story), comédie existentielle givrée. Au propre comme au figuré : grâce à ses grandes étendues enneigées et son ton, qui flirte parfois avec le surnaturel et manie très bien l’humour à froid. Bûcheron de son état, Pepe voit sa vie basculer en l’espace de quelques jours mais ne s’inquiète pas plus que cela, car il semblerait détenir l’une des clés de l’existence. Mieux vaut en savoir le moins possible sur le premier long métrage de Mikko Myllylahti (donc en lice pour la Caméra d'Or), afin d'apprécier pleinement ses ruptures de tons et autres surprises, dans cette histoire où se côtoient notamment un médium et une lutte pour les droits sociaux. On pense parfois à du Wes Anderson, en moins millimétré dans ses cadres, mais Metsurin Tarina parvient à trouver, comme ses personnages, sa propre identité. Qui sait si, après Aki Kaurismaki et Juho Kuosmanen (Grand Prix en 2021 avec Compartiment N°6), nous n’assistons pas là à la naissance d’un nouvel auteur finlandais ? Maximilien Pierrette

    Hunt (Séance de Minuit)

    La Corée du Sud a mis le feu à la première Séance de Minuit de cette 75ème édition du Festival de Cannes avec Hunt, un thriller d'espionnage bourré d'action offert par Lee Jung-Jae, la star de Squid Game. L’interprète du héros Seong Gi-Hun dans le carton planétaire de Netflix s'essaie ici pour la première fois à la réalisation après une carrière d'acteur déjà bien remplie et réussie en Corée du Sud. Lee Jung-Jae joue également le rôle principal de ce film qui nous ramène dans les années 1980 où la tension entre la Corée du Nord et la Corée du Sud est à son maximum avec des affrontements violents et un jeu politique dangereux qui se joue en coulisses. Ce polar survitaminé suit la terrible course contre la montre de deux hauts responsables de la sécurité sud-coréenne missionnés pour traquer un infiltré nord-coréen, dont les actions risquent de faire basculer l'Histoire du pays à tout moment. Bien qu'il soit indiqué dès le début de Hunt qu'il s'agit d'une fiction, on comprend dès les premières images que Lee Jung-Jae va constamment jouer avec la réalité pour raconter une histoire très riche, parfois trop dense, faite de multiples rebondissements sanglants et à laquelle il faut s'accrocher pour en comprendre toutes les subtilités. Mais on ne boude pas son plaisir devant ce grand spectacle épique, qui contient de nombreuses scènes d'action exceptionnelles et maîtrisées, sublimées par une photographie léchée et emportées par une musique nerveuse. Malgré un scénario parfois décousu, on se passionne pour cette bataille d'espions et ce jeu du chat et de la souris sur fond de guerre politique que le peuple souhaite arrêter par tous les moyens. Il s'agit donc là d'une première réalisation prometteuse pour Lee Jung-Jae, qui excelle une nouvelle fois dans son jeu et dirige le reste de la distribution avec une grande poigne pour offrir un thriller d'action efficace et grandiloquent dans ses grands moments, même si l'on aurait aimé un peu plus de développement psychologique des personnages. Mégane Choquet

    How To Save A Dead Friend (Acid)

    À seize ans, Marusya est déterminée à en finir avec la vie, comme beaucoup d’adolescents russes. Puis, elle rencontre l’âme sœur chez un autre millenial du nom de Kimi. Pendant dix années, ils filment l’euphorie et l’anxiété, le bonheur et la misère de leur jeunesse muselée par un régime violent et autocratique au sein d’une « Russie de la Déprime ». Un cri du cœur, un hommage à toute une génération réduite au silence. Réalisé par la protagoniste du film, Marusya Syroechkovskaya, à la façon d'un journal de bord, sur 10 ans, How To Save A Dead Friend est un film puissant, parfois dérangeant car sans compromis, et qui ne peut laisser indifférent. Le film commence par la mort de Kimi, et va chroniquer à la première personne, avec donc une approche très intime, la défonce et l'autodestruction de ce couple. La forme adoptée par le film, se nourrissant de souvenirs comme des photos et des objets, et de musiques donne d'autant plus de force à ce documentaire choc. Sortie : prochainement. Brigitte Baronnet

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