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    Les Chatouilles, Jusqu'à la garde, The Tale : la violence familiale en trois films chocs
    Laetitia Ratane
    Laetitia Ratane
    -Rédactrice en chef adjointe
    Très tôt fascinée par le grand écran et très vite accro au petit, Laetitia grandit aux côtés des héros ciné-séries culte des années 80-90. Elle nourrit son goût des autres au contact des génies du drame psychologique, des pépites du cinéma français et... des journalistes passionnés qu’elle encadre.

    L'année 2018 a été marquée par trois grands films qui ont tenu à s'attaquer, avec poigne et acuité, à l'un des plus grands tabous de notre société. A l'occasion de la sortie en salles des "Chatouilles" cette semaine, on a choisi d'en reparler.

    Orange Studio Cinéma / UGC Distribution

    Comportement abusif dans le but de contrôler ou de faire du tort à un membre de sa famille ou de ses proches au sens large, la violence familiale est un fléau réel quoiqu'impalpable, parce que son mode opératoire est ambigü, son "champ d'expertise" large et son visage mal connu. Qu'il s'agisse de maltraitance physique, de violences verbales, de manipulation psychologique, qu'il s'agisse d'un époux, d'un père, d'un ami de la famille ou de tout autre référent choisi, le Mal est difficile à cerner. Trois films cette année s'y sont essayés avec succès...

    Les Chatouilles : une danse de la colère contre la pédophilie, un film-cri salvateur

    Tranchant, à la fois brutal et tendre, douloureux et survitaminé, le film exutoire d'Andréa Bescond (et d'Eric Métayer) est une claque donnée à tous. A  nous, à vous, à ceux qui oublient ou pensent que cela n'arrive jamais. Que la pédophilie est prévisible et la violence identifiée. Que le vécu d'un enfant a forcément à voir avec ce qu'il nous en transmet. Et que la famille ou les amis ne doivent surtout pas être inquiétés. Mêlant fantaisie dansée et réalité crue confessée, cette oeuvre autobiographique est une adaptation de la pièce du même nom, intelligemment transposée au cinéma avec les va-et-vient spatio-temporels qu'il permet.

    Autant de trouvailles de mises en scène au service d'un discours coup de poing chargé de dénoncer la vraie violence, perverse, manipulatrice. Celle qui a brisé la fillette régulièrement soumise aux abus sexuels d'un grand ami. Celle qui continue de blesser l'adulte quand, en quête de résilience, elle se heurte à sa famille. Dans la peau du pédophile insoupçonnable, de la mère en total déni et du père aveugle puis meurtri, un Pierre Deladonchamps et une Karin Viard que l'on avait du mal pourtant à imaginer aussi "méchants", assortis d'un Clovis Cornillac que l'on jamais vu aussi émouvant.

    A l'image de son titre, le film va bien au-delà de ce qu'on attend de lui. Il est joyeux et galvanisant notamment lors de ses séquences dansées, il est ouvert au grand public même si son sujet donne a priori envie de s'en détourner, il est drôle, percutant, cruel et glaçant. Un véritable cri du coeur et du corps lumineux, dépourvu de haine, préventif aussi et donc essentiel.

    Jusqu'à la garde : la violence latente d'un harcèlement conjugal sous tension 

    La force de Jusqu'à la garde, est de savoir jouer avec le spectateur, constamment inquiété et sous tension, désireux de savoir si oui ou non ce père qui réclame avec véhémence la garde de son fils, est un réel danger pour lui. Car si l'on n'a pas vu préalablement l'édifiant court métrage de Xavier Legrand, Avant que de tout perdre, il est tentant de voir son héros comme étant la victime d'une situation, d'un rejet abusif de sa femme et de son fils, en instance de divorce chacun à leur manière.

    Et pourtant. De façon sobre, avec l'exigence d'un vrai thriller psychologique, le film avance à tâtons, tout d'abord confiné dans une salle de réunion, puis lors d'une confrontation père-fils qui respire la peur. Par touche, grâce à un art de la dissimulation joliment cultivé, le metteur en scène joue avec les rapports de force, propose des affrontements silencieux et de ce fait épuisants de tension, entre un père (massif et terrifiant Denis Ménochet) et son jeune garçon pris au piège. 

    Parce que la violence domestique n'a pas non plus de visage, parce que la perversité est maîtresse du jeu, le chantage affectif puissant, parce que les apparences sont trompeuses, parce que l'intime est par définition in-visible, le spectateur est lui aussi pris en tenaille, sommé d'avancer en eaux troubles. Jusqu'à une scène finale paroxystique, tétanisante (intense Léa Drucker), digne de Shining et de La Nuit du Chasseur. Une gifle encore une fois amenée avec délicatesse (voyez l'image) qui frappe en plein coeur par sa manière de dénoncer le processus destructif pervers de la violence conjugale.

    The Tale : lorsque la prédation et les abus sexuels sont perpétrés au nom de l'amour

    Film choc présenté à Deauville puis diffusé à la télévision (selon l'envie de la réalisatrice de le montrer au plus large public), The Tale s'inspire du vécu de Jennifer Fox, abusée sexuellement pendant des années par un adulte de son entourage avec qui elle croyait du haut de ses 13 ans, vivre une histoire à part. Un viol perpétré au nom de "l'amour", qu'elle parvient à nommer comme tel des années après. Dans The Tale, la documentariste fait se confronter la version adulte d'elle-même (sublime Laura Dern) à sa version enfant (troublante Isabelle Nélisse), la première interrogeant la seconde sur son ressenti, la sommant de prendre conscience du drame qui est en train de se produire et de l'impact qu'il aura sur son futur de femme.

    Il y a encore des chatouilles, de la gentillesse mièvre, de la manipulation et des flash backs dans ce film frontal et sincère. Mais là où Andréa Bescond privilégie le hors champ et fait "glisser" l'espace, Jennifer Fox choisit l'exposition de l'acte, le plan fixe, le viol graphique. Pour dénoncer cet abus sexuel à part car rendu possible par un lavage de cerveau soigné de l'enfant. Pour souligner l'horreur ordinaire d'un moment au cours duquel ce dernier FAIT mais ne PREND pas PLAISIR.

    Une autre manière "choc" d'aborder l'abus commis au sein de la famille, à entendre ici au sens large puisque l'agresseur et sa femme complice sont des référents adoubés par les parents et par la fillette, qui ne se rend pas compte qu'en voulant sortir des "griffes" de son cercle intime, elle est tombé dans celles de proches réellement malfaisants. Un film qui alerte et qui a l'audace de requestionner le statut de victime, état refusé par celle qui l'est et paradoxalement revendiqué par son prédateur aimable et aimé, pris au piège de sa propre perversité.

    Découvrez cette semaine en salles l'oeuvre choc d'Andréa Bescond : 

     

    Les Chatouilles : une danse de la colère contre la pédophilie

    Tranchant, à la fois brutal et tendre, douloureux et survitaminé, le film exutoire d'Andréa Bescond (et d'Eric Métayer) est une claque donnée à tous. A  nous, à vous, à ceux qui oublient ou pensent que cela n'arrive jamais. Que la pédophilie est prévisible et la violence identifiée. Que le vécu d'un enfant a forcément à voir avec ce qu'il nous en transmet. Et que la famille ou les amis ne doivent surtout pas être inquiétés. Mêlant fantaisie dansée et réalité crue confessée, cette oeuvre autobiographique est une adaptation de la pièce du même nom, intelligemment transposée au cinéma avec les va-et-vient spatio-temporels qu'il permet.

    Les Chatouilles : un film cri salvateur

    Autant de trouvailles de mises en scène au service d'un discours coup de poing chargé de dénoncer la vraie violence, perverse, manipulatrice. Celle qui a brisé la fillette régulièrement soumise aux abus sexuels d'un grand ami. Celle qui continue de blesser l'adulte quand, en quête de résilience, elle se heurte à sa famille. Dans la peau du pédophile insoupçonnable, de la mère en total déni et du père aveugle puis meurtri, un Pierre Deladonchamps et une Karin Viard que l'on avait du mal pourtant à imaginer aussi "méchants", assortis d'un Clovis Cornillac que l'on jamais vu aussi émouvant. A l'image de son titre, le film galvanisant, à la fois drôle et glaçant va au-delà de ce qu'on attend de lui. Il est un véritable cri du coeur et du corps lumineux, sans haine, préventif aussi et donc essentiel.

    Jusqu'à la garde : une violence latente...

    La force de Jusqu'à la garde, est de savoir jouer avec le spectateur, constamment inquiété et sous tension, désireux de savoir si oui ou non ce père qui réclame avec véhémence la garde de son fils, est un réel danger pour lui. Car si l'on n'a pas vu préalablement l'édifiant court métrage de Xavier LegrandAvant que de tout perdre, il est tentant de voir son héros comme étant la victime d'une situation, d'un rejet abusif de sa femme et de son fils, en instance de divorce chacun à leur manière.

    Jusqu'à la garde : un harcèlement conjugal sous tension

    Et pourtant. De façon sobre, avec l'exigence d'un vrai thriller psychologique, le film avance à tâtons, tout d'abord confiné dans une salle de réunion, puis lors d'une confrontation père-fils qui respire la peur. Par touche, grâce à un art de la dissimulation joliment cultivé, le metteur en scène joue avec les rapports de force, propose des affrontements silencieux et de ce fait épuisants de tension, entre un père (massif et terrifiant Denis Ménochet) et son jeune garçon pris au piège. Parce que la violence domestique n'a pas non plus de visage et que la perversité est maîtresse du jeu, le spectateur est lui aussi pris en tenaille, sommé d'avancer en eaux troubles. Jusqu'à une scène finale paroxystique, tétanisante (intense Léa Drucker), digne de Shining et de La Nuit du Chasseur. Une gifle encore une fois amenée avec délicatesse (voyez l'image) qui frappe en plein coeur par sa manière de dénoncer le processus destructif pervers de la violence conjugale.

    The Tale : prédation et abus sexuels...

    Film choc présenté à Deauville puis diffusé à la télévision (selon l'envie de la réalisatrice de le montrer au plus large public), The Tale s'inspire du vécu de Jennifer Fox, abusée sexuellement pendant des années par un adulte de son entourage avec qui elle croyait du haut de ses 13 ans, vivre une histoire à part. Un viol perpétré au nom de "l'amour", qu'elle parvient à nommer comme tel des années après. Dans The Tale, la documentariste fait se confronter la version adulte d'elle-même (sublime Laura Dern) à sa version enfant (troublante Isabelle Nélisse), la première interrogeant la seconde sur son ressenti, la sommant de prendre conscience du drame qui est en train de se produire et de l'impact qu'il aura sur son futur de femme.

    The Tale : un viol perpétré au nom de "l'amour"

    Il y a encore des chatouilles, de la gentillesse mièvre, de la manipulation et des flash backs dans ce film frontal et sincère. Mais là où Andréa Bescond privilégie le hors champ et fait "glisser" l'espace, Jennifer Fox choisit l'exposition de l'acte, le plan fixe, le viol graphique. Pour dénoncer cet abus sexuel à part car rendu possible par un lavage de cerveau soigné de l'enfant. Pour souligner l'horreur ordinaire d'un moment au cours duquel ce dernier FAIT mais ne PREND pas plaisir. Une autre manière "choc" d'aborder l'abus commis au sein de la famille, à entendre ici au sens large. Un film qui alerte et qui a l'audace de requestionner le statut de victime, état refusé par celle qui l'est et paradoxalement revendiqué par son prédateur aimable et aimé, pris au piège de sa propre perversité.

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