Passé par Sundance, The Tale a été diffusé sur HBO en juin aux États-Unis, et sera visible sur OCS City ce samedi 8 septembre. En attendant, c'est sur un grand écran que le téléfilm de Jennifer Fox a été projeté, en compétition, au 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. Et en présence de psychologues, prêts à aider les spectateurs à l'issue de cette histoire d'abus sexuel sur mineur ce qui n'a pas manqué d'étonner le public : "Nous l'avons fait dans tous les pays où nous avons présenté le film mais, en général, nous ne l'annonçons pas avant la fin de la projection", nous explique le réalisatrice le lendemain. "Je pense que c'est ce qui a surpris les gens car c'est très inhabituel, surtout pour qui n'a pas vu le film. Nous en parlons à la fin car, d'habitude, il y a un débat après."
"Nous avons fait beaucoup de projections-test avant sa présentation à Sundance [en janvier 2018, ndlr] et nous nous sommes très vite demandés comment nous pouvions aider le public. Je pense bien sûr que les spectateurs peuvent arriver à gérer cela, et The Tale est diffusé à la télévision tout autour du monde, mais nous l'avons fait de deux façons : nous avons créé ce site internet avec une assistance téléphonique et une carte interactive sur laquelle vous pouvez cliquer en sélectionnant l'un des pays du monde afin d'accéder à la ligne directe nationale. Nous avons donc redoublé d'efforts pour essayer de faire en sorte que si quelqu'un a un déclic, il puisse trouver du soutien. Et quand nous faisons des projections publiques, nous essayons d'avoir des psychologues."
Car The Tale aborde la question des abus sexuels sur un enfant de façon frontale mais avec beaucoup de nuances, de justesse et de sincérité. Et pour cause : Laura Dern y incarne une certaine Jennifer Fox. Soit la réalisatrice, qui raconte ici sa propre histoire. Déjà très important et nécessaire sur le papier, le film l'est devenu encore plus en cette période de #MeToo et Time's Up au cours de laquelle bon nombre de victimes sont sorties de leur silence. Pour la cinéaste, le long métrage participe ainsi à ce mouvement autant qu'il s'en nourrit, et aide aussi les témoignages à se multiplier : "Nous entendons des histoires de personnes à chaque projection. Et nous recevons chaque jour e-mail sur e-mail sur le site internet. Cela provient aussi bien de rescapés, d'un parent, de la fille d'une personne qui en a réchappé, du père d'un fils…"
"Nous entendons des histoires venues de partout. Même de gens qui sont sur le terrain : des avocats ayant instruit une affaire d'abus sexuel sur mineur m'ont écrit pour me dire qu'ils n'avaient jamais compris ce que ressentaient ces enfants avant de voir mon film. Il y a déjà eu des milliers de témoignages et je pense que ça n'est que le début." L'importance de The Tale pourrait ainsi grandir au fil des mois et années, surtout s'il continue d'être montré afin d'aider les victimes : "Oui, et il doit aussi être montré aux thérapeutes pour leur permettre de comprendre. J'ai l'impression que ceux qui cherchent à aider sont souvent très didactiques, et ils ne comprennent pas à quel point la prédation sexuelle est quelque chose de subtil et de nuancé."
The Tale doit aussi être montré aux thérapeutes pour leur permettre de comprendre
"Les thérapeutes sont en colère face aux abus sexuels, et c'est normal, mais la rage n'est pas forcément ce que leurs clients ressentent. La prédation sexuelle est comme un lavage de cerveau et le film montre ce processus au cours duquel l'enfant se rapproche petit-à-petit de l'adulte, qui devient l'un de ses meilleurs amis jusqu'à être celui auquel il fait le plus confiance. A tel point que cela devient très difficile pour l'enfant de dire non. Il est également important que les thérapeutes voient The Tale pour comprendre qu'un prédateur sexuel n'est pas nécessairement maléfique, même s'il fait quelque chose de très destructeur."
Un film qui risque de vous secouer mais qui est à voir, ne serait-ce que pour la force de son propos et son approche de ce sujet délicat, le samedi 8 septembre à 23h10 sur OCS City. Soit quelques heures après la cérémonie du palmarès du Festival de Deauville 2018, dont The Tale pourrait bien repartir avec un prix.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Deauville le 4 septembre 2018