Qui succède à The Square, Palme d'Or 2017 ? Le jury de Cate Blanchett a tranché. Découvrez ci-dessous le Palmarès complet du Festival de Cannes 2018.
PALME D'OR
Une Affaire de famille de Kore-eda
GRAND PRIX
PRIX DU JURY
PALME D'OR SPECIALE
Cate Blanchett, sur la scène du Grand Théâtre Lumière, déclare : "Le jury a demandé l'autorisation pour remettre une Palme d'Or spéciale à un artiste qui fait avancer le cinéma, un artiste qui a repoussé les limites, qui cherche sans arrêt à définir et redéfinir le cinéma. Pour la première fois dans l'histoire du cinéma, nous allons remettre un prix spécial à Jean-Luc Godard pour Le Livre d'image."
Jean-Luc Godard pour Le Livre d'image
PRIX DE LA MISE EN SCENE
Pawel Pawlikowski pour Cold War
PRIX D'INTERPRETATION MASCULINE
Marcello Fonte dans Dogman
PRIX D'INTERPRETATION FEMININE
Samal Yeslyamova dans Ayka
PRIX DU SCENARIO
Deux prix ex aequo :
CAMERA D'OR (meilleur premier film)
Girl de Lukas Dhont
PALME D'OR DU COURT METRAGE
Deux prix pour deux films "très affirmés et très personnels" a ainsi déclaré le Président de la Cinfondation Bertrand Bonello :
- Prix spécial du Jury : On the Border de Shujun Wei
- Palme d'Or du court métrage : Toutes ces créatures de Charles Williams
La victoire japonaise
Cinquième Palme d’Or japonaise avec le sacre de Hirokazu Kore-Eda qui devient le quatrième cinéaste du Pays du Soleil Levant à se voir attribuer la plus préstigieuse récompense du Septième Art. Shôhei Imamura l’a en effet remportée deux fois, en 1983 pour La Ballade de Narayama et en 1997 pour L’Anguille. Hirokasu Kore-Eda succède également à Teinosuke Kinugasa, vainqueur en 1953 pour La Porte de l’Enfer et à Akira Kurosawa, distingué en 1980 par Kirk Douglas pour Kagemusha, l’ombre du guerrier.
Hirokazu Kore-Eda est un habitué du Festival de Cannes : en 2013, Steven Spielberg lui avait remis le Prix du Jury pour Tel père, tel fils. Avec Une affaire de famille, il revenait pour la cinquième fois en compétition officielle. En un quart de siècle, ce réalisateur de 55 ans a réalisé treize longs métrages. Une affaire de famille raconte comment une famille démunie recueille une petite fille maltraitée avant qu’un incident ne face remonter d’étranges secrets à la surface. Aucune date de sortie française n’a encore été publiée pour Une affaire de famille.
La parole des femmes est à l’honneur
La Présidente du Jury Cate Blanchett est naturellement arrivée sur la scène du Palais des Festival au son de "Just Like A Woman" de Bob Dylan, qu’elle avait incarné en 2007 dans I’m Not There de Todd Haynes.
Deux réalisatrices se voient remettre un prix en cette année marquée par le mouvement #MeeToo et la libération de la parole chez les femmes dans l’industrie cinématographique. D’abord Alice Rohrwacher pour Heureux comme Lazzaro, ex-aequo avec Jafar Panahi pour Trois Visages (les réalisateurs victimes du régime politique de leur pays n’ont donc pas non plus été oubliés).
En 2014, Alice Rohrwacher avait reçu le Grand Prix (deuxième plus prestigieuse récompense cannoise) pour Les Merveilles des mains de Jane Campion. Avec cette nouvelle distinction, elle s’inscrit sans conteste parmi les cinéastes les plus en vogue du moment et reviendra probablement au Festival pour peut-être remporter un jour la Palme d’Or. Son dernier film, Heureux comme Lazzaro est une fable sur la bienveillance dans une société archaïque en mutation.
Nadine Labaki a aussi été récompensée du Prix du Jury, troisième plus éminente distinction de la soirée. Avec Capharnaüm, c’est sa troisième apparition sur la Croisette, mais la première pour la compétition officielle. Avec Et maintenant, on va où ?, elle avait été remarquée par le Jury Œcuménique qui lui avait remis une mention spéciale.
Mais celle qui a vraiment créé l’événement, c’est Asia Argento, rappelant avec force qu’elle avait été violée au Festival de Cannes en 1997 par Harvey Weinstein et prenant à partie l’assistance du Grand Théâtre Lumière, parmi laquelle, a-t-elle affirmé, beaucoup ont préféré garder le silence sur les agissements du producteur durant de longues années. Asia Argento est une des principales plaignantes contre Harvey Weinstein et l’une des lanceuses d’alerte du mouvement #MeToo.
Avec Ava DuVernay, elle a remis le Prix d’Interprétation Féminine à Samal Yeslyamova, actrice principale du film de Sergei Dvortsevoy. Femme de peu de mots, aussi bien sur scène pour recevoir son prix qu’en conférence de presse, la jeune comédienne qui collabore pour la deuxième fois avec le cinéaste kazakh est presque à l’origine du film Ayka, construit à 90% autour de ses réactions et de son interprétation d’une clandestine démunie, contrainte d’abandonner son enfant.
Cannes 2018 : Burning de Lee Chang-dong grand lauréat du Prix FIPRESCI 2018Spike Lee is back !
Premier prix à Cannes pour Spike Lee, qui arpente pourtant la Croisette depuis 1986 avec Nola Darling n'en fait qu'à sa tête. Absent de la compétition officielle depuis 1991 (Jungle Fever), il est couronné du Grand Prix 2018 des mains de Benicio Del Toro pour BlacKkKlansman. Ce long métrage raconte à la façon d’un buddy-movie comment un policier afro-américain a infiltré le Ku-Klux Klan dans les années 1970.
Un geste politique fort pour le Jury de Cate Blanchett qui remet ce Grand Prix à un cinéaste afro-américain engagé et dont le dernier film s’inscrit dans un cinéma contestataire en lutte contre l’Amérique de Donald Trump. BlacKkKlansman sortira dans les salles françaises le 22 août 2018.
Une Palme surprise
Il n’est pas rare que les différents Jurys du Festival de Cannes créent un prix spécial afin de pouvoir distinguer un cinéaste atypique de la compétition. Cependant, pour la première fois, c’est une Palme d’Or spéciale qui a été créée afin de récompenser un géant de l’histoire du cinéma : Jean-Luc Godard et son dernier essai cinématographique, Le Livre d’image.
A 87 ans, Jean-Luc Godard reçoit donc enfin une Palme d’Or, jamais obtenue jusqu’à maintenant. En 2014, il avait été récompensé avec Xavier Dolan (pour Mommy) du Prix du Jury avec son film en 3D Adieu au langage. En 2018, le réalisateur mythique de la Nouvelle Vague était sélectionné pour la huitième fois en compétition officielle. Comme à son habitude, il ne s’est pas déplacé pour recevoir son prix. Il avait même marqué cette 71ème édition du Festival de Cannes en faisant via FaceTime sa conférence de presse avec les journalistes présents sur la Croisette.
Autres lauréats
Sans surprise, l’acteur de Dogman du cinéaste italien Matteo Garrone a reçu le Prix d’Interprétation Masculine des mains d’un Roberto Benigni survolté. Marcello Fonte, très intimidé par la récompense, a livré un discours émouvant, comparant les applaudissements du public à la pluie qu’il entendait tomber sur les carreaux de la fenêtre de sa chambre quand il était enfant.
Matteo Garrone, quant à lui, a déjà reçu le Grand Prix du Festival de Cannes à deux reprises : en 2008 pour Gomorra et en 2012 pour Reality. Son nouveau long métrage revient sur un des faits divers italiens les plus sordides de la fin du XXe siècle, lorsqu’un toiletteur pour chien a décidé de se venger d’une brute qui le harcelait.
Pour sa première compétition officielle, le Polonais Pawel Pawlikowski repart quant à lui avec le Prix de la Mise en Scène, premier cinéaste de son pays à le remporter. En 2015, il avait reçu l’Oscar du meilleur film étranger pour Ida, son précédent long métrage qui, tout comme Cold War, était tourné en noir et blanc et en 4x3.
Cold War retrace l’histoire d’amour contrariée d'un musicien et une chanteuse au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il sortira en salles le 31 octobre 2018.
Grande victoire pour le réalisateur Lukas Dhont qui, après avoir remporté la Queer Palm avec Girl ainsi qu’un prix d’interprétation à Un Certain Regard pour son comédien Victor Polster, rentre en Belgique avec la Caméra d’Or, qui récompense un premier film. Bertrand Bonnello, Président du Jury de la Cinéfondation, a aussi distingué deux jeunes metteurs en scène : Charles Williams, Palme d’Or du court métrage pour All These Creatures, et Shujun Wei, mention spéciale pour On The Border.
Au terme de cette quinzaine cannoise consacrée aux films du monde entier, les projecteurs auront donc été spécialement braqués sur des hommes et des femmes de tous horizons et de tous âges.
Grands absents
Avec pourtant quatre représentants en compétition officielle (Stéphane Brizé, Christophe Honoré, Eva Husson et Yann Gonzalez), la France n'a pas sû trouver sa place dans ce Palmarès, malgré le sujet d'En Guerre et son interprète Vincent Lindon qui avaient beaucoup fait couler d'encre sur la Croisette. Idem pour le Sud-Coréen Lee Chang-dong et son Burning qui avait tant plu à la presse internationale. Il devra se consoler avec son prix FIPRESCI.
Déjà palmé en 2014 avec Winter Sleep, le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan n'aura pas non plus convaincu le Jury avec son nouveau long métrage de 3h10, Le Poirier Sauvage. Quant à Leto de Kirill Serebrennikov, favori d'un grand nombre de festivaliers, il n'aura finalement été distingué que pour sa musique par le Jury de Cannes Soundtrack.
Découvrez le teaser d'Une Affaire de famille d'Hirokazu Kore Eda, Palme d'Or 2018