Si le cinéaste grec Yórgos Lánthimos s'est officiellement inspiré de la tragédie grecque pour son nouveau film Mise à mort du cerf sacré (présenté en compétition au Festival de Cannes) comment ne pas également penser qu'il a emprunté au Kubrick de Shining ?
Ce Cerf sacré présente un couple idyllique composé du brillant chirurgien Steven (Colin Farrell), marié à Anna (Nicole Kidman), ophtalmologue respectée. Ils vivent heureux avec leurs deux enfants Kim, 14 ans et Bob, 12 ans. Depuis quelques temps, Steven a pris sous son aile Martin, un jeune garçon qui a perdu son père. Mais ce dernier s’immisce progressivement au sein de la famille et devient de plus en plus menaçant.
Ce n'est pas tant l'histoire que le traitement de Lánthimos qui rappelle inévitablement le film culte de Stanley Kubrick, sorti en 1980, et porté par Jack Nicholson et Shelley Duvall.
Un hôpital pas comme les autres
Colin Farrell travaille dans un hôpital aux murs blancs, presqu'un monde à part, anesthésié. Il est par moment filmé de la même façon que l'hôtel Overlook. On retrouve d'ailleurs un peu de cet hôpital aux hauts plafonds sur l'affiche même du film.
D'un point de vue stylistique, tout est fait pour rendre l'hôpital écrasant : un plan aérien sur un escalator qui n'en finit pas, de longs couloirs froids, et se ressemblant tous ou encore des travellings rendant interminabl lesdits couloirs. De l'aveu même de Lánthimos lors de la conférence de presse du film :
"On a beaucoup utilisé le travelling ; il fallait donner l'impression qu'il y avait une présence "autre" quelque part, donc la caméra observe et regarde un peu partout".
La maison des Murphy n'est pas en reste avec sa vaste cave seulement occupée d'un billard, ainsi que ses chambres immenses et interconnectées.
Une ambiance dérangeante
Mise à mort du cerf sacré est un long métrage étrange, teinté d'un humour décalé, et surtout, c'est un film d'épouvante. La peur vient d'abord du fait que les personnages principaux du film forment une famille, que les circonstances vont détruire. A mesure que l'intrigue avance, comme dans Shining, les Murphy vont devenir plus individualistes, et la relation familiale entre eux passer au second plan.
Autre partie prenante de l'ambiance dérangeante du film : la "malédiction" qui semble frapper la famille Murphy (qu'on ne révèlera pas ici), et qui apparaît mystérieusement sans qu'on n'en connaisse la cause exacte. L'ignorance de l'origine de cette malédiction crée la tension, devant l'impuissance des médecins à résoudre cette malédiction, et c'est avec elle que le film bascule vers le fantastique.
Si les causes de la folie du personnage de Jack Nicholson sont compréhensibles dans Shining, elles le sont aussi pour l'adolescent étrange et glaçant du film de Lánthimos.
Un ado glaçant
Comme Kubrick avait su rendre les jumelles de Shining terrifiantes hantant les couloirs de l'hôtel Overlook, Lánthimos arrive à faire d'un ado mystérieux (fabuleux Barry Keoghan) un objet de terreur. Comment ? En étant minimaliste avec lui. Il parle peu, lentement, et sa présence en dit plus long qu'un long discours. Une scène le montre mangeant des spaghetti devant Nicole Kidman, et son attitude à cet instant crée une tension immédiate qui durera toute la scène.
Après des apparitions dans 71 ou A ceux qui nous ont offensés, Keoghan sera prochainement à l'affiche du Dunkerque de Christopher Nolan. Si l'on se fie à sa prestation dans Mise à mort du cerf sacré, il est promis à une belle carrière.
Les autres enfants ne sont pas en reste dans l'étrangeté, notamment Kim (Raffey Cassidy), très amoureuse de Martin malgré son comportement, et le petit Bob (Sunny Suljic), premier à subir les manifestations négatives de la présence de Martin, promet aussi au spectateur quelques moments de gêne et de malaise.