Attention, film choc ! Dog days, qui sort aujourd'hui en salles, fascinera ou révulsera, mais ne devrait laisser personne indifférent. Le long métrage d'Ulrich Seidl s'apparente à une douloureuse descente aux enfers dans le quotidien de la classe moyenne autrichienne. Une chronique très glauque de la vie ordinaire filmée sans aucune concession mais également le diagnostic d'une société malade. Dog days a remporté le Grand Prix du Jury au Festival de Venise 2002 ainsi que le Prix très spécial de la semaine de la Critique. AlloCiné a rencontré Ulrich Siedl, le réalisateur de ce film pas comme les autres.
Dans "Dog days", vous donnez de l'Autriche une vision extrèmement glauque. Et vous arrivez presque à rendre détestables des personnes que l'on devrait plutôt plaindre...
Les personnes que je dépeins sont peut-être détestables, mais elles sont comme telles. Nous ne pouvons pas nous exclure de ces personnes. Nous ne sommes pas dans une situation où nous pouvons désigner du doigt ces personnes et se soustraire de ce qui est montré. Le film montre des gens dans leur désespoir, dans leur solitude et dans leur quête d'amour, constamment emprisonnés dans cette recherche...
Si l'on se fie à votre film, le bonheur est une chose difficile à atteindre... C'est une quête qui nécessite de beaucoup souffrir ?
La vie est très certainement une quête du bonheur, mais la vie ne consiste pas en du bonheur. Les moments de bonheur sont si rares et la quête si difficile qu'il ne vaut pas la peine de faire un film sur le bonheur. La vie est un enfer que l'homme se crée à lui-même et à ses pairs. Toutes les embûches et tous les obstacles qui se dressent sur la route du bonheur sont bien des créations de l'homme.
Les personnages du film sont joués à la fois par des acteurs professionnels et amateurs. Quelle différence faites-vous entre les deux ?
Je pourrais vous faire le jeu des devinettes. Selon vous, quel acteur est professionnel ? Quel acteur est amateur ? On ne voit pas la différence entre les deux. En ce qui concerne la méthode de travail propre, je travaille avec des amateurs de la même façon qu'avec des professionnels, il n'y a aucune différence de traitement entre les deux.
A en croire certains membres de votre équipe, vous êtes un réalisateur très perfectionniste, voire maniaque. Un tournage nécessite-t-il pour vous ce degré élevé de précision ?
Pour ce film, il y a beaucoup d'improvisation, élément garant de l'authenticité du jeu de l'acteur. Mais cette authenticité demande, en retour, des préparatifs d'une précision énorme. Il y a aussi un besoin de perfection en ce qui concerne les images...
Votre film a reçu le Prix très spécial de la semaine de la Critique, prix qui récompense des oeuvres anticonformistes et dérangeantes... Cherchez-vous toujours à provoquer ?
Je ne réfléchis pas, avant de faire un film, si celui-ci va être particulièrement provoquant ou non. Mais, sachant que j'étudie la nature intime des hommes, il est normal que cela aboutisse à des résultats souvent dérangeants ou provoquants aux yeux des autres...
Vous sentez-vous proche de l'oeuvre de Michael Haneke, votre compatriote, qui excelle également dans l'art de choquer le spectateur ?
Je ne me sens pas proche de Michael Haneke. Il a une approche très rigoureuse, quasiment mathématique et analytique d'un film. Il écrit un scénario qu'il va quasiment reproduire à l'identique. Ma façon de travailler à moi repose au contraire principalement sur l'improvisation, qui aboutit à une authenticité propre au documentaire. La seule chose qui nous réunit, c'est peut-être un regard critique sur la société.
Quels sont vos projets ?
Je n'ai pas l'intention de changer radicalement de sujet. J'ai actuellement deux projets. D'une part, un film historique qui se situe en Autriche. Et d'autre part, un film sur le tourisme de masse. Mais dans ces deux projets, on retrouve toujours ce désir, cette aspiration à l'amour.
Propos receuillis par Clément Cuyer