Issu du dadaïsme et fondé en France par André Breton au début des années vingt, le surréalisme visait à laisser libre cours à l'inconscient de l'Homme dans la création et l'expression, pour le libérer intellectuellement et socialement. Parallèlement à son exposition "La Révolution surréaliste" qui se tient jusqu'au 24 juin 2000, le Centre Pompidou organise trois cycles sur le cinéma surréaliste jusqu'au 30 juin.
AlloCiné s'est entretenu avec Jean-Michel Bouhours, conservateur au Musée national d'art moderne du Centre Pompidou et programmateur de la première partie intitulée "Y'a des punaises dans le rôti de porc. La révolution surréaliste du cinéma".
AlloCiné: Pourquoi avoir choisi ce titre: "Y'a des punaises dans le rôti de porc" ?
Jean-Michel Bouhours : C'est un emprunt à un texte de Robert Desnos. Plus exactement à un scénario de Desnos qui n'a jamais abouti.
Les films que vous présentez ont-ils pour auteurs des artistes surréalistes, ou ont-ils été qualifiés de surréalistes par le mouvement du même nom ?
Il n'y a pas d'un côté des théoriciens du surréalisme et de l'autre des cinéastes qui auraient fait des films qualifiés de "surréalistes". La spécificité de tout ce mouvement, c'est la double vocation de ses artistes qui étaient à la fois critiques de cinéma, exégètes, et auteurs de films.
Par ailleurs, j'ai retenu des oeuvres de genres très différents : films scientifiques, burlesques ou encore feuilletons qui parfois ne comportent qu'une seule séquence surréaliste sur leur totalité. Tout cela afin de présenter les différentes facettes du surréalisme qui transgressait les catégories filmiques...
Comment définiriez vous le cinéma surréaliste ?
Je dirais que c'est un cinéma de l'inconscient, ou plutôt, qui tente de porter à l'écran les mécanismes de l'inconscient.
Quelle est la spécificité du cycle dont vous avez fait la programmation ?
Ce cycle a pour vocation d'être plus généraliste que les deux autres qui suivront. Il essaie de remettre en situation les conditions historiques qui amenèrent les surréalistes à se tourner vers le cinéma.
Il se compose d'un noyau dur sur les films surréalistes de la période de l'entre-deux-guerres (De la subversion dada, Aux portes d'un surréel, La Victoire du merveilleux...), et d'une partie avec des oeuvres antérieures ou postérieures axées sur des personnalités du surréalisme ("Antonin Artaud", "Luis Buñuel au Mexique", "Yves Tanguy/Max Ernst"...) ou des thèmes ("L'Exil américain", "L'Influence de Jean Cocteau", "Psychanalyse et cinéma",...).
Quel est le premier film surréaliste?
C'est une question délicate. On peut dire que c'est L'Etoile de mer de Man Ray (1928). Mais certaines fantaisies de Georges Méliès ne sont elles-pas elles aussi surréalistes ?
Pourquoi ce culte des surréalistes pour le cinéma ? Ont-ils nourri pour le septième art un amour déçu ?
Les surréalistes ont fait preuve d'un formidable engouement pour le cinéma parce qu'il permettait, plus qu'un autre art, d'extraire le spectateur de la réalité et le plonger dans l'imaginaire. Mais effectivement, la production cinématographique des surréalistes est demeurée en deçà de leurs attentes et nombre de scénarios n'ont jamais dépassé le stade du projet...
Existe-il encore un cinéma contemporain surréaliste ?
La période faste pour le mouvement se situe pendant l'entre-deux-guerres avec une recrudescence en France au lendemain de la seconde-guerre mondiale au retour des artistes exilés.
Pour le cinéma, c'est différent : il y a eu un cinéma surréaliste américain à partir des années quarante, et il y a eu également un cinéma tchèque surréaliste dans les années soixante qui perdure encore aujourd'hui (voir le 3e cycle "Le Cinéma des surréalistes tchèques" du 17 au 30 juin). Et ce phénomène existe également dans d'autres ex-pays de l'Est.
Qu'est-ce que le surréalisme a apporté au cinéma ?
Un sens de la fantaisie et du merveilleux.
Propos recueillis par Amélie Charnay
Retrouvez toute la programmation de ce cycle cinéma sur le site du Centre Pompidou