AlloCiné : Quelle est l'origine de Comme il vient ?
Christophe Chiesa : Je suis né à Annemasse et j'y suis resté pendant quinze ans. J'avais envie de faire du cinéma et je sentais que je n'arriverai pas à m'épanouir dans cette ville. Je suis donc allé à Lyon et à Paris pour faire mes études. A l'occasion de la présentation de mon moyen métrage Mô au cinéma d'Art & Essai d'Annemasse, j'ai revu des gens. Ils avaient construit une vie différente de la mienne, sans quitter cette ville. J'étais très ému de les revoir et j'avais envie de faire un film là-dessus. C'est un film de rencontres aussi bien dans son propos que dans sa fabrication.
Votre film semble être une expérience "à part"...
Il s'agit effectivement d'une expérience de cinéma différente de ce dont on a l'habitude. Je pense que chaque réalisateur rêve une fois dans sa vie de faire un film entièrement basé sur des rencontres. Nous avons eu la chance de pouvoir passer beaucoup de temps sur le montage ce qui a permis de dégager une poésie, de rendre le plus fidèlement possible des instants de grâce.
"Comme il vient" fait l'apologie des moments de bonheur éprouvés dans l'instant, loin de la réussite sociale...
La réussite sociale peut être une façon de se réaliser mais, en grande partie à travers les médias, elle est présentée comme le seul modèle de bonheur possible. Or les périodes où l'on est heureux restent des instants. Laurence Perrot, qui joue Lou et qui était bibliothécaire à Annemasse, vit dans ces instants. Mais je n'avais pas envie que tous mes personnages soient dans cette joie de vivre.
L'ambiance de "Comme il vient" fait songer à celle de Pau et son frère...
Je suis content que vous disiez cela car c'est un des plus beaux films que j'ai vu cette année. Il y a de la magie, une jolie manière de capter des moments de grâce...
Certaines images du film semblent au ralenti. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Ces images ont été obtenues en faisant varier le shutter de la caméra. C'était un choix esthétique dès le tournage pour que le spectateur ait l'impression que le temps est suspendu. Pour les passages sur l'enfance, j'ai choisi une première séquence en super 8 qui permet de retranscrire une certaine nostalgie, et une séquence en vidéo.
Comment avez-vous choisi Gaspard Manesse qui incarne Hugo ?
Je l'avais rencontré par hasard. Il m'a fait penser au personnage, mais je ne savais pas qu'il avait joué dans Au revoir les enfants. Il était quelque peu réticent car il connaissait déjà cette violence de se donner pour un film. C'est également lui qui a composé la musique de Comme il vient. J'avais envie que ce soit du jazz car ce style fait partie intégrante de l'esprit du film. Pour Gaspard, qui est musicien professionnel, ce n'était pas évident d'incarner Hugo, un musicien amateur...
Quels sont vos cinéastes de référence ?
Il y a bien sûr les "maîtres" qui ont accompagné mon parcours de cinéphile : John Cassavetes, Ingmar Bergman, Michelangelo Antonioni. Dans les réalisateurs plus contemporains, je peux citer Claire Denis ou encore Emilie Deleuze.
Mais, pour mon film, j'ai pris davantage de choses dans les autres arts : la photo, la littérature, la bande dessinée où l'on sent moins le poids de l'industrie. Avec Comme il vient, j'ai l'impression d'avoir utilisé le média cinéma sans en subir vraiment les contraintes.
Travaillez-vous sur un autre projet ?
Je travaille depuis longtemps sur une histoire qui se déroulera dans trois pays différents. Elle abordera la naissance de l'amour entre une mère de 35 ans et son fils de 7 ans et le fait que l'instinct maternel n'existe pas. Il y aura un côté road-movie. C'est porter cette idée à l'écran qui m'a donné envie de faire du cinéma. C'est un énorme travail de préparation. Tout dépendra du casting.
Propos recueillis par Marie-Claude Harrer