Véritable nouvelle "gueule" du cinéma français, Michel Muller incarne un agent secret passablement décalé dans Wasabi, la nouvelle comédie d'action de Gérard Krawczyk écrite et produite par Luc Besson. Dans son style si particulier, il revient pour AlloCiné sur ce film attendu le 31 octobre, son rôle et sa collaboration avec Jean Reno et Luc Besson. Fallait pas l'interviewer...
AlloCiné : Comment êtes-vous arrivé sur le projet "Wasabi" ?
Michel Muller : Un jour, j'ai appelé Jean Reno et je lui ai dit : "Ecoute, après De Niro et Tom Cruise, il faudrait au moins que tu te confrontes à des comédiens d'une vraie stature, à des monstres !" Il me dit "De Niro, quand même...". Il cherchait, il me dit : "Quoi, Al Pacino ?". Il ne voyait plus trop... Et j'ai dit : "Moi ?". Il a souri et il m'a dit qu'il était d'accord. Luc Besson passait par là, complètement par hasard. On l'a appelé et on lui a dit qu'on voulait faire un film. Il a fait un gros chèque pour qu'on parte parce que je lui ai dit : "Je ne veux pas tourner à Paris, c'est trop simple". On est parti au Japon et voilà...
Mais sérieusement Michel Muller, comment êtes-vous arrivé sur le film ? Je vais vous le dire car je vous sens angoissé. Je vais vous dire la vérité (il lève la main droite et feint de cracher par terre). J'étais sur Canal +, je faisais "Fallait pas l'inviter Luc Besson". Luc Besson a trouvé ça plutôt amusant, donc il m'a appelé en me disant quelques mois après : "Tiens, j'ai pris le risque d'écrire un rôle pour toi". Ca me paraissait être un risque démesuré. Il me l'a fait lire, j'ai trouvé ça très bien. Il m'a dit : "C'est avec Jean Reno", je me suis dit : "Pas mal, pas mal...". Et il m'a dit : "C'est au Japon, tu pars dans deux mois". Je lui ai dit que j'allais faire en sorte d'être libre. Vous voulez tout savoir ? Je suis rentré chez moi, vers 18 heures ce jour-là, je dis à ma femme : "Voilà, je pars dans deux mois au Japon". Alors elle fait : "NON, tu restes ici". Et puis j'ai su la convaincre...
Pouvez-vous nous présenter Maurice, alias Momo, votre personnage ?
Maurice, c'est un type qui était agent secret, qui travaillait chez les flics, avec une petite vie sympa, une petite activité et qui a vécu avec Hubert (Jean Reno), dix-neuf ans auparavant, une aventure extraordinaire. Quand Hubert est là, c'est le spectacle, c'est énorme : ce ne sont plus de petites arrestations, ils n'ouvrent plus des portes, ils les défoncent, ils ne peuvent pas aller dans une banque et que ça se passe normalement. Même le golf, qui a l'air pourtant d'être un jeu calme, prend des proportions terribles...
Quand Hubert revient, il se dit : "Ca y est, c'est reparti, c'est l'aventure !". Il a l'impression de rentrer dans un film d'action. Donc il n'est pas complètement dans l'action, il regarde, il est toujours un peu au spectacle : il se dit "C'est cool d'avoir un pote comme ça". Il a l'impression d'être un grand flic, il ne se rend pas compte qu'il n'est pas exactement à la hauteur. Il lui voue une admiration sans borne. C'est un héros pour lui.
Les costumes de votre personnage participent beaucoup à son côté décalé...Y avez-vous contribué ?
Non, souvent je subis mes costumes. Moi, j'aime bien cette chemise... Mais ce matin à la conférence de presse, j'étais avec ma fiancée qui m'a dit : "T'es aussi mal habillé que quand je t'ai connu". Je lui ai expliqué que c'était un personnage. J'ai toujours très bien porter le "ring". J'ai un petit côté ring, un peu décalé, ringard... C'est pas évident à vivre vous savez. Notamment avec les femmes, elles n'aiment pas ça. Je peux m'allonger et vous parler de ça ? (il s'allonge).
Vous évoquiez la fascination de Momo pour Hubert. Aviez-vous la même approche par rapport au "monstre" Jean Reno ?
Oui, évidemment... Il est énorme. Physiquement et puis il représente quelque chose. Je flippais un peu mais je ne lui ai pas montré. Et puis il était très cool en fait, il m'a mis à l'aise. J'étais un peu stressé parce que les lectures, Luc Besson, Jean Reno... Et puis finalement, ce sont des gens qui sont tellement cools.
On a beaucoup travaillé, donc au bout d'une heure, on oublie un peu ce stress. Ce ne sont pas des lectures à la table où on lit, où on voit si on a bien dit le texte ou pas. C'est très physique : (il mime les actions) on prend les chaises, on les déplace, on se dit "ça c'est la bagnole, tu sors par là, c'est toi qui conduit donc tu es de ce côté là au Japon. Tu regardes dans le rétroviseur, Luc est là..." Donc tout d'un coup, ça devient très concret. Et comme on a des choses concrètes à faire, on flippe beaucoup moins. Et puis on est rassuré, on sort de là et on se dit qu'on a tout vu, donc au tournage il n'y a plus qu'à s'amuser.
Il y a donc un énorme travail de répétitions ?
Enorme. Il y avait Luc, il y avait Gérard Krawczyk qui me regardait et qui me disait, lorsque je me tournais d'un côté : "Non, pour que ça soit esthétique, parce que moi je vais te reprendre là, il faut que tu te tournes de l'autre côté". Et ça tant que je n'avais pas assimilé. C'est à dire qu'au bout d'un moment on a même plus à penser au geste : ça devient naturel. C'est inscrit dans le corps, un peu comme au théâtre. La mémoire fonctionne et on se souvient exactement de ce qu'on fait. Et bizarrement, ça n'empêche pas l'improvisation, parce qu'il y a eu beaucoup d'improvisation. Ca nous donne une petite part de liberté en plus...
Justement, vous avez apporté quelques touches personnelles aux dialogues du film, avec votre humour si caractéristique ?
J'ai tout écrit. J'ai laissé Luc signer le scénario, mais on peut le dire, c'est un scoop. Non, il y a eu deux trois moments où, comme j'écris aussi, je n'ai pas pu m'empêcher d'apporter des idées. Il y a deux trois vannes du film, les plus limites d'ailleurs sans doute, qui sont de mon cru. Après, il prenait ou pas, il me disait : "Là tu vas trop loin, t'es dégueulasse"... Ca c'était trop moi, c'était trop mon humour de merde. Ce que vous me disiez hors antenne d'ailleurs, et que je n'apprécie pas...
Il sait prendre. Lui, c'est l'auteur, donc de temps en temps je proposais. Si la personne ne prend rien, au bout d'un moment vous ne proposez plus car ça ne sert à rien. Mais comme ce n'est pas quelqu'un de rigide sur son texte, moi j'improvisais... Même dans la scène du wasabi, il y avait des trucs qui n'étaient pas du tout prévus, et il était au cadre ce jour là, il a commencé à se marrer. Il m'a dit : "ça c'est vachement bien, continue". Et la scène, elle n'a jamais décollé comme elle a décollé là. Mais on a trouvé d'autres choses : c'est parce qu'on avait bien bossé, on l'a même répétée la veille dans sa chambre : c'était pas mal mais ça ne décollait pas. En y réfléchissant je lui ai dit : "Tiens si on essayait ça". Il m'a dit d'essayer et ça a décollé. Il est super ouvert : si ça marche, il ne va pas passer à côté.
Votre personnage fait un peu "tache" dans la société japonaise. Est-ce que vous-même, sur le tournage, vous avez eu l'impression de ne pas être à votre place au Japon ?
Déjà, c'est une société très homogène : il n'y a que des Japonais au Japon. Il y a deux ou trois Coréens, mais sinon il n'y a que des Japonais, par rapport à chez nous. Vous voyez ce que je veux dire... Il n'y a pas de mélange, il n'y a pas de melting-pot. Ils n'ont pas été influencés par plusieurs cultures, c'est la leur. Et c'est vrai qu'un Français vivant au Japon ont une difficulté à s'assimiler. Parce qu'ils n'ont pas le mal qu'on a chez nous à être multiculturels : on y vient par raison. Mais c'est vrai que c'est une difficulté pour Momo de bosser là-bas.
Vous aviez tourné dans "Taxi 2" sous la direction de Gérard Krawczyk. Il vient de commencer le tournage de "Taxi 3". Etes-vous impliqué sur le projet ?
Je reprends le rôle de Samy Nacéri (Rires). Non, je ne suis pas sur ce projet. Mais par contre il faut que je l'appelle dès que je vais vous quitter. C'est la première chose que je vais faire pour savoir si sa journée s'est bien passée... C'était sa première journée aujourd'hui.
Propos recueillis par Yoann Sardet