Juillet 1964. Un sous-marin nucléaire soviétique en difficulté dans les eaux de l'Atlantique Nord, son système d'aération en panne. A bord, des ogives et un moteur à propulsion atomique menaçant d'exploser si la température ambiante ne baisse pas rapidement.
Cette situation, parfaite pour un film d'action au suspense haletant, a réellement été vécue par les membres d'équipage du sous-marin K-19. Elle sera le point de départ du prochain film de Kathryn Bigelow (Point Break-extrême limite et Strange Days), ex-compagne de James Cameron et spécialiste du film d'action musclé. Elle est également à la base d'une violente polémique entre l'équipe du film et les marins survivants du K-19, huit des 139 membres d'équipage étant décédés suite aux radiations survenues à bord du submersible.
Soucieuse de rester fidèle aux faits survenus durant l'été 1964, Kathryn Bigelow s'était pourtant rendue à Saint-Pétersbourg en décembre dernier afin de rencontrer les véritables protagonistes de l'odyssée du K-19. La rencontre s'était, selon tous les participants, très bien déroulée. Quelques semaines plus tard pourtant, l'ex-équipage du sous-marin soviétique reçoit le scénario définitif du long métrage de Kathryn Bigelow. Tous sont outrés. "Le script est dégoûtant", s'insurge Yury Mukhin, présent dans les coursives du K-19 en 1964, "il décrit notre équipage comme une bande de marins stupides, alcooliques et irrespectueux".
Pour Igor Kudrin, responsable de l'Association des sous-mariniers de Saint-Pétersbourg, l'atmosphère décrite dans le scénario est totalement fausse : "les membres d'équipage ne font que jurer et se battre entre eux, incapables d'accomplire leurs missions", décrit-il. Après de nombreuses déclarations publiques, les marins du K-19 décident de passer à l'action, sur le plan judiciaire cette fois. Le 22 janvier dernier, ils déposent une plainte devant un tribunal de Los Angeles, arguant du droit à avoir un contrôle sur l'utilisation de leur histoire.
Ces poursuites pourraient perturber le tournage de K-19 : The Widowmaker. Les premiers tours de manivelle sont pourtant toujours prévus pour le début de la semaine prochaine, conformément au planning. Harrison Ford, Liam Neeson et Ingvar Sigurðsson, récemment lauréat du Prix du public du Meilleur comédien aux European Film Awards, seront les têtes d'affiche du film, dont la sortie n'est pas attendue avant le début de l'année 2002. Si tout va bien.
K-19 n'est pas le premier long métrage à susciter la colère de la population russe en raison de l'image, majoritairement négative, de leur pays véhiculée dans bon nombre de films hollywoodiens. En 1998, Armageddon avait ainsi déclenché la colère de nombreux députés russes pour avoir montré une station spatiale, visiblement fortement inspirée de la station russe Mir, dans un état de délabrement avancé. Dans les années 80, Double Détente de Walter Hill et L'Aube rouge de John Milius avait déjà également suscité la colère de Moscou.
T.C.