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    Kusturica : tout pour la musique

    Le cinéaste yougoslave Emir Kusturica, guitariste du groupe No Smoking Orchestra, a déclaré préférer la musique au cinéma.

    De passage à Moscou, où son groupe No Smoking Orchestra donnait deux concerts, Emir Kusturica a accordé une interview à la radio moscovite Echo. Fidèle à son habitude, le réalisateur n'a pas manqué de livrer quelques déclarations-choc, sur le cinéma, et sur son pays.

    Interrogé dans le cadre de sa tournée musicale, le réalisateur a confié sa préférence pour le mode de vie de musicien plutôt que pour celui de cinéaste. Comparant les deux activités, il a déclaré : "jouer de la musique est beaucoup plus facile que de faire des films. (...) Quand je tourne un film, je souffre et je mène une vie de moine pendant 8 ou 9 mois. Ce n'est qu'à la fin du film que je quitte mon habit de moine et que je peux jouir de la vie. Quand je suis sur scène, je joue avec frénésie et je me détends."

    Passionné de musique, Emir Kusturica joue depuis une vingtaine d'années dans Zabranieno Pusenje, une expression serbe qui signifie "Interdit de fumer". A l'époque, il tient la basse, et ne fait que s'amuser, pour laisser retomber la pression entre deux films. Il enregistre ainsi deux albums avec le groupe, dans l'intervalle entre Papa est en voyage d'affaires et Le temps des gitans. Le groupe s'appelle désormais Emir Kusturica & the No Smoking Orchestra, un nom nettement plus occidental, et auréolé du nom de son plus célèbre membre. Emir Kusturica en produit d'appel marketing, qui l'eût cru ?... Peu importe, le groupe continue de s'amuser en déversant son flot de sons bigarrés dans chaque ville où il passe. Emir a pris de l'assurance, et joue désormais de la guitare. Mais il n'est pas la star du show. La vedette du groupe, c'est Dr. Nelle, le chanteur déjanté.

    Au programme, un véritable spectacle. Côté musique, c'est l'auberge espagnole. La seule étiquette revendiquée par les musiciens de No Smoking Orchestra est le unza, un genre bien à eux, qui regroupe les diverses influences de ses multiples membres : ce courant bizarroïde s'inspire de la techno au reggae, en passant par le rock, le tout naturellement empreint du folklore balkanique, véritable terreau de leurs influences. Au-delà des sons, il y a aussi la performance visuelle. Les dix membres du groupe enchaînent les morceaux et les numéros à mi-chemin entre cirque et one (several) man (men) show (s). Une vraie mise en scène... dirigée, bien sûr, par Emir Kusturica, véritable narrateur de ce spectacle.

    Personnage tourmenté, le cinéaste yougoslave aime les phrases-choc, et ne s'en lasse pas. En effet, Emir a déjà fait le coup de l'annonce fracassante. La première fois, c'était fin 1995, après la polémique déclenchée par l'attribution de la Palme d'or à son film Underground, qualifiée de décision politique par de nombreux intellectuels. Il avait alors déclaré vouloir abandonner le cinéma. La blessure apaisée, Emir Kusturica s'était attelé à un nouveau projet. Effet d'annonce, toujours : il avait alors déclaré que vu le mal que faisait Bernard-Henri Lévy (Bosna) au cinéma, il se sentait obligé d'y revenir... Cinq ans et demi plus tard, le réalisateur n'a toujours pas digéré les attaques politiques formulées à son encontre, et se livre avec cynisme au jeu des "petites phrases", pour le plus grand bonheur de la presse. Cette fois, il n'a pas hésité à défendre sa région, estimant qu'il était "très intéressant de vivre en Serbie, où il se passe plus de choses en un jour qu'en Suisse en cinq ans". Cynisme, quand tu nous tiens...

    Interrogé sur ses films et sa vision du cinéma, le cinéaste yougoslave a défini ses films comme un "mélange d'humour des Marx Brothers et de Shakespeare". Kusturica manie, en effet, à merveille le tragi-comique. Au rayon des influences, on pourrait aussi citer Chagall, dans la même veine baroque. Si son activité au sein du groupe No Smoking Orchestra l'oblige à mettre entre parenthèses ses projets cinématographiques, Emir Kusturica n'a cependant pas renoncé au septième art. Comme par le passé, il marque une pause entre deux films, et s'offre le luxe de se faire plaisir. Le cinéaste a d'ailleurs tourné le clip de Unza unza time, le premier extrait de l'album du même nom, dans lequel se retrouvent condensés tous les motifs familiers du réalisateurs : le train, les oies, la musique, le voyage, les cérémonies...

    Parallèlement, Emir Kusturica travaille toujours sur Le Nez, un projet de comédie sentimentale qui devrait voir le jour après la tournée de No Smoking Orchestra... si celle-ci s'arrête un jour ! Prochaine étape du groupe : un concert à Paris. Ce sera l'Elysées-Montmartre, le 18 avril prochain. Un événement à ne pas manquer...

    F.M.L.

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