"Comment un artiste peut-il rester fidèle à son art sous une dictature et où commencent l'implication et la responsabilité vis-à-vis de cette dictature ? ". C'est la question que posera le metteur en scène hongrois Istvan Szabo dans son prochain film, Taking Sides - Le cas Furtwaengler. Le réalisateur de Sunshine se penchera sur la procédure de dénazification menée en Allemagne en 1946 à l'encontre du célèbre chef d'orchestre allemand Wilhelm Furtwaengler et abordera ainsi la question de l'implication des artistes dans les régimes autoritaires.
Le chef d'orchestre sera incarné par le comédien suédois Stellan Skarsgard, que l'on a pu voir dans Breaking the waves, Will Hunting, Peur Bleue et que l'on retrouve dans Dancer in the Dark de Lars von Trier. L'officier américain chargé de l'interroger et de mener l'enquête sur son implication sera interprété par l'acteur américain Harvey Keitel. On pourra retrouver l'inoubliable interprète de Bad Lieutenant, Smoke, ou La leçon de piano, dans un autre film sur la shoah, The Gray Zone, dans lequel il incarne un docteur juif forcé de travailler pour les nazis et contre les prisonniers du camp de concentration d'Auschwitz. Le comédien incarnera prochainement Satan dans Little Nicky, une comédie horrifique où l'on pourra également croiser Quentin Tarantino, son compère de Reservoir Dogs, Pulp Fiction et Une Nuit en Enfer.
Le tournage du cas Furtwaengler a débuté le 17 octobre. Le film, au budget de 12 millions d'euros, est tourné dans les studios de Babelsberg, près de Berlin, à Berlin même et à Dresde. Pour restituer fidèlement l'Allemagne d'après-guerre, Istvan Szabo s'est adjoint les services du Britannique Ken Adam, créateur des décors des sept premiers James Bond, notamment des centres de commandement du Dr No et du cupide Goldfinger. Le cas Furtwaengler sera l'occasion pour Ken Adam de retrouver la ville de Berlin, qu'il avait fui à l'âge de treize ans pour échapper aux persécutions orchestrées par le régime nazi.
Né en 1886, Wilhelm Furtwaengler a dirigé la Philarmonique de Berlin, le plus prestigieux orchestre au monde, de 1922 à 1945 puis de 1947 à 1954. Bien qu'il ait protégé des musiciens et compositeurs de religion juive sous le régime nazi, Furtwaengler a été l'un des emblèmes du monde musical sous le nazisme et a par là assuré un soutien à ce régime. L'histoire de ce chef d'orchestre pose ainsi des questions essentielles sur l'implication des artistes dans les régimes dictatoriaux. Comme le souligne Istvan Szabo, "le cas Furtwaebgler n'est pas uniquement une histoire allemande". Il s'est produit "des cas similaires dans l'Italie mussolinienne, l'Espagne franquiste et la Russie stalinienne".
L'histoire a néanmoins prouvé que la musique reste un art universel qui rassemble et qui échappe à la politique : en effet, l'illustre violoniste juif Yehudi Menuhin a joué en 1947 sous la direction de Furtwaengler, dans un geste symbolique de réconciliation entre les deux musiciens.
Y.S. avec AFP