Le tournage de la nouvelle adaptation tant attendue du classique de la littérature Don Quichotte vient de débuter dans les environs de Madrid. Le réalisateur américain Terry Gilliam est au commande de cette grosse production au budget de 32 millions de dollars, dans laquelle il dirige Johnny Depp, Jean Rochefort et Vanessa Paradis. Le tournage se déroulera dans les plaines environnantes de la capitale espagnole et à Londres.
La trame du film renoue avec l'univers étrange et utopiste du cinéaste mis en avant dans Brazil, Les aventures du Baron de Münchausen, Fisher King ou L'Armée des douze singes. Il met en scène la rencontre entre le légendaire Don Quichotte de la Mancha, vieux chevalier de 400 ans mandaté par Dieu pour restaurer l'âge d'or de la chevalerie, qui voue un amour éternel et platonique à Lady Dulcinée, et Toby Grosini. Celui-ci vient du 20ème siècle, c'est un publicitaire londonien cynique, orgueilleux et ambitieux qui se retrouve soudain propulsé dans les plaines espagnoles d'un XVIIème siècle crasseux et violent. Le chevalier, ignorant la véritable identité de Toby Grosini, le traite alors en paysan et le considère comme son fidèle écuyer Sancho Pança. Cette rencontre anachronique prend alors des allures de cauchemar pour le publicitaire qui semble être puni pour son attitude et son arrogance.
L'acteur américain Johnny Depp incarne le personnage de Toby Grosini. Il avait déjà tourné sous la direction de Terry Gilliam en 1998 dans le psychédélique et déjanté Las Vegas Parano. "J'étais convaincu qu'il était l'homme de la situation. C'est quelqu'un de fin, de drôle et qui comprend vite, il est ce que j'appelle un acteur complet." explique Gilliam. Face à lui, le comédien français Jean Rochefort, récompensé par un César en 1999 pour l'ensemble de sa carrière, prête sa carrure et sa moustache au personnage de Don Quichotte. Vanessa Paradis, compagne de Johnny Depp à la ville, campe la belle et curieuse Altisidora dont s'éprendra le personnage de Grosini. Un casting international complète la distribution avec notamment Miranda Richardson, Christopher Eccleston et la comédienne espagnole Rosy de Palma, égérie de Pedro Almodovar.
L'Homme qui tua Don Quichotte est un projet qui tient à coeur à Terry Gilliam : "Don Quichotte est l'un des piliers de mon oeuvre. Prenez le côté illuminé, l'absurde, les combats grotesques, la folie douce, le refus de la réalité, ce sont des aspects essentiels de mon travail". Dès 1992, le réalisateur s'est intéressé à l'adaptation de l'histoire du chevalier. Pourtant, le projet fut mis au placard après une première tentative ratée d'adaptation. Le cinéaste s'adjoint alors les talents de l'auteur Tony Grosini avec qui il a écrit Las Vegas Parano et Good Omens qui sortira en 2002. Le personnage du publicitaire Toby Grosini est d'ailleurs un clin d'oeil à son collaborateur. Cependant, Terry Gilliam précise que l'oeuvre de Miguel Cervantès était d'une telle densité qu'elle ne permettait pas d'appréhender l'oeuvre dans sa globalité. "La seule chose qu'on puisse faire, c'est s'attacher à en saisir la substance" déclare le cinéaste. En intégrant à l'histoire un Sancho Pança moderne, les deux auteurs désiraient dresser des parallèles et illustre le contraste entre le monde de Don Quichotte et le monde moderne, qui connaît une crise des valeurs spirituelles. Pour Gilliam, ce film relevait d " 'une envie de créer un monde meilleur où l'individu pourrait se réaliser pleinement, un monde rempli de tâches nobles et héroïques à accomplir. Il s'agit d'essayer de partager les combats de Don Quichotte et de comprendre pourquoi il se démène comme il le fait".
Le film est produit par René Cleitman pour Hachette Première qui a déjà produit des films épiques adaptés d'oeuvres littéraires majeures comme Cyrano de Bergerac en 1990, Le Hussard sur le Toit en 1994. L'Homme qui tua Don Quichotte sera tout simplement la plus grosse production de l'histoire d'Hachette Première qui a du trouver de nombreux partenaires comme Canal +, France 3 Cinéma, Radical Media ou Impala pour parvenir à boucler le budget de 32 millions de dollars. René Cleitman fonde de grands espoirs sur ce film : " Je formule le voeu que ce film soit le plus grand succès de Terry et également le film le plus abouti de sa carrière ".
Le personnage de Don Quichotte a toujours intéressé les cinéastes. Dès 1903, une version française de ses aventures est réalisée. Depuis, Boris Karloff, Lee J.Cobb, Eli Wallach ou John Lithgow ont incarné " le chevalier qui combat les moulins à vent ". Sydney Lumet, Fernando Rey et Orson Welles ont également donné leur vision de l'oeuvre de Cervantès. Don Quichotte a été le héros d'une comédie musicale en 1972, L'Homme de la Mancha de Peter O'Toole et d'un ballet de Rudolph Noureev en 1973. La version érotique de son histoire est même réalisée en 1976 avec Les Aventures érotiques de Don Quichotte.
Doté de son solide budget et crédité d'acteurs talentueux, le film de Terry Gilliam pourrait devenir la version la plus aboutie du mythe de Don Quichotte et illustrer noblement l'histoire de ce fou héroïque.
Y.S. avec AFP
