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    Un Pornographe nommé Léaud

    L'acteur emblématique de la Nouvelle Vague, Jean-Pierre Léaud, se met dans la peau d'un Pornographe pour le second film de Bertrand Bonello.

    Les 400 Coups d'un Pornographe

    Ce n'est pas Pour Rire. L'imprévisible et lunaire Jean-Pierre Léaud, figure emblématique de la Nouvelle Vague et acteur "doinelisé" chez François Truffaut, endosse le costume d'un pornographe tout mou, plus tout jeune et quelque peu névrosé.

    En effet, pour les besoins du nouveau film de Bertrand Bonello (remarqué pour son Quelque chose d'Organique - 1998), il incarne Jacques, un vieillissant réalisateur de films pornos, qui a passé toute sa carrière à mettre en scène effeuillages féminins, et galipettes acrobatiques et partouzardes. Dissimulant, durant toute sa vie, ses activités du X à sa famille et son entourage. Alors, quand le fiston de 17 ans va découvrir que son père, pseudo-cinéaste conventionnel "bon père de famille", est passé vénérable maître ès pornographie, signant des films aussi hard que Perverses Niçoises, Je bande, je jouis, je chante, ou Prends-moi sur..., on imagine le choc. Et sa condamnation.

    Provisoirement rebaptisé Le Pornographe (le premier titre original était L'Ouverture de la chasse ou un homme à la recherche de sa dignité), le second long métrage écrit et réalisé par Bertand Bonello s'articulera autour de cette relation père-fils. De la découverte du "cinéma de papa", au mensonge et aux retrouvailles.

    C'est le prometteur Jérémie Rénier (La Promesse, Les Amants Criminels) qui donnera la réplique à l'éternel rêveur qu'est Jean-Pierre Léaud. Le réalisateur-musicien (il a collaboré à l'album de De Palmas) a également fait confiance à la troublante Dominique Blanc (Stand By, Milou en Mai), à la "sainte" Catherine Mouchet (Thérèse, Ma Petite Entreprise), et à l'acteur "Desplechinois" Thibault de Montalembert (La Vie des Morts, La Sentinelle, Comment je me suis disputé (...)).

    Laurent Lucas et Romane Bohringer, le couple vedette en rupture de Quelque Chose d'Organique, complètent une distribution assez éclectique. Car qui dit pornographe dit pornographie. Et donc scènes "cochonnes" et épicées. De jeunes hardeurs se retrouvent ainsi au générique pour les quelques scènes hot (coïts et fellations) prévues dans le scénario. Les très pulmonaires et tonifiantes Ovidie et K Sandra feront étalage de leurs attributs ; tout comme ceux du médiatique Titoff, surnommé "le Rocco National" et Hervé-Pierre Gustave, dit HPG. Des séquences hard qui risquent peut-être, aux vues de l'actualité de Baise-Moi, de faire déchaîner de nouveau les tenants du bon ordre moral. Un coup de ciseau qu'appréhendent quelque peu les productrices de Haut et Court, Carole Scotta et Caroline Benjo. Verdict pour le deuxième trimestre 2001.

    Made in Léaud

    Monstre sacré mais acteur antistar, Jean-Pierre Léaud est incontestablement l'un des comédiens français les plus talentueux de sa génération. Fragile, sensible et génial. Le jeune cinéphile et critique François Truffaut va découvrir cet adolescent dissipé, alors âgé de 14 ans, exubérant, fruit des entrailles de l'actrice Jacqueline Pierreux et du scénariste Pierre Léaud.

    En le personnifiant dans le rôle d'Antoine Doinel, ce turbulent môme gouailleur des Quatre Cents Coups (1959), le cinéaste fera fructifier une des collaborations les plus intéressantes et passionnantes du cinéma français. De L'Amour à Vingt Ans (Court Métrage " léger et gai " de 1962) à L'Amour en Fuite (1979), en passant par Baisers Volés (1968) et Domicile Conjugal (1970), Jean-Pierre Léaud incarnera Antoine Doinel, traversant les différents stades de la maturation humaine : de ses désillusions sentimentales d'ado à son entrée dans le monde des adultes. Radioscopant ses relations amoureuses "chaotiques", ses conversations émotives et confidences passionnées. L'itinéraire d'un homme romantique, toujours en charmante compagnie (Delphine Seyrig, Claude Jade, Marie-France Pisier) et quelque peu anachronique, qui varie sur des fantaisies tendres, humoristiques et sensibles. Une sorte de fusion, de double "mimétique" entre l'acteur et son réalisateur. Son alter-ego.

    Acteur labellisé Truffaut, Jean-Pierre Léaud, en plus de la saga Doinel, collabore à deux autres productions du réalisateur de Jules et Jim : Les Deux Anglaises et le Continent en 1971 où il interprète un bourgeois dilettante et amoureux de la fin du XIXe ; et La Nuit Américaine (Oscar du Meilleur Film Etranger en 1973), "le film dans le film" où il est un jeune premier, enfantin et comique, en proie à des interrogations mystiques sur les femmes.

    Le cheveu napoléonien, la mèche rebelle, l'oeil pétillant, le rictus "figé", l'allure d'un dandy, Jean-Pierre Léaud a traversé la période Nouvelle Vague, en s'illustrant chez Jean-Luc Godard (Pierrot le Fou, Masculin Féminin, Made in USA, Le Gai Savoir, Week-end, La Chinoise) et Jean Eustache (le trio amoureux dissertant entre une table de café et un lit du quartier de St-Germain-des-Prés dans La Maman et la Putain, ou Le Père Noël a les yeux bleus). Ou encore chez Jacques Rivette dans Out Un : Spectre (1971), fresque "théâtrale" et politique de 4h20 (initialement le film durait 12h40).

    Rejeton de cette génération "soixante-huitarde" du cinéma hexagonal, quelque peu "dédoinelisé", Jean-Pierre Léaud mélange pudeur et froideur dans ses compositions. Au décès de François Truffaut (1984), son mentor, il va alors perdre pied, vivant en marge et sombrant dans quelques délires paranoïaques.

    Après une éclipse de quelques années, mettant fin à sa période anachorétique (quelqu'un qui vit en solitaire), il retrouve les plateaux de tournage, s'invitant aussi bien dans le cinéma d'auteur (Danielle Dubroux, Benoît Jacquot, Catherine Breillat, Philippe Garrel, le finlandais Aki Kaurismäki...) qu'avec la nouvelle génération des cinéastes français : Olivier Assayas dans Paris s'éveille (1991) où il entre en conflit avec son fils (Thomas Langmann) pour les beaux yeux de Judith Godrèche ; et dans Irma Vep (1996) où il interprète un réalisateur dépressif et désabusé. Ou pour Lucas Belvaux dans le vaudevillesque Pour Rire ! (1997) où il se met dans la peau d'un ex-avocat, marié à Ornella Muti, homme au foyer cocufié et jaloux.

    Césarisé d'Honneur en 2000 pour l'ensemble de sa carrière, Jean-Pierre Léaud reste exemplaire. Un acteur aux quatre cents coups.

    L.B

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