Les carnets de route de Monsieur Poelvoorde
Fans de Benoît Poelvoorde et de sa causticité hallucinante, réjouissez-vous ! Le trublion d'outre-Quiévrain revient promener son cynisme déconcertant et dévastateur devant les caméras de Christian Merret-Palmair. En cours de tournage actuellement entre Bruxelles, le nord de la France et la région de Montpellier, Les Portes de la gloire est le premier long métrage de Christian Merret-Palmair (vu dans Les Clés du paradis de Philippe de Broca), compère de Benoît Poelvoorde et de Pascal LeBrun dans l'écriture des saynètes des ex-Carnets de Monsieur Manatane (sur Canal+). D'ailleurs, ces deux derniers ont signé le scénario de ce film matinée d'humour noir grinçant.
L'histoire est celle de Demanet (Benoît Poelvoorde), chef à l'autorité militaire (il se prend pour le Colonel du "Pont de la rivière Kwaï") d'une escouade de vendeurs au porte-à-porte, qui s'évertue à appliquer des méthodes de vente quelques peu dictatoriales. Sous ses ordres, un quatuor de commis voyageurs qui sillonne les routes de France pour y vendre tout et n'importe quoi, de la Bible à l'aspirateur. Cette fois, ce groupe d'arnaqueurs(bonimenteurs) a l'obligation de liquider aux crédules l'encyclopédie détestable de Ralph Spiegel, un détraqué psychopathe. Tout un programme.
Pour interpréter ces VRP endimanchés, le réalisateur a fait confiance aux confirmés Michel Duchaussoy (éblouissant dans La veuve de St Pierre de Patrice Leconte) et Etienne Chicot (36 fillette de Catherine Breillat), ainsi qu'à Yvon Back (Regarde les hommes tomber de Jacques Audiard) et à Julien Boisselier, jeune venu de la télé.
Produit par Noé Productions (Doberman) et Entropie Films pour un budget de 27 millions de francs, Les Portes de la Gloire sera sur les écrans français le 18 octobre prochain.
Poelvoorde : modèle déposé
Benoît Poelvoorde, Belge et nonobstant roi de la dérision. L'ex-publicitaire et illustrateur pour enfants débute sa carrière satirique en 1988 en co-réalisant et interprétant avec ses potes Rémy Belvaux et André Bonzel un court métrage intitulé Pas de C4 pour Daniel-Daniel. Quatre ans plus tard, le trio, pour pas un sou, lance un pavé dans la mare du Septième Art en signant C'est arrivé près de chez vous. Un chef d'oeuvre d'humour noir et de mauvais goût qui narre devant les caméras de télévision le parcours quotidien et sanguinaire de Ben, infâme tueur en série (la recette du cocktail " petit Grégory " reste un moment d'anthologie). Film qui devient culte, une référence en matière de dérision et de cynisme.
Dès lors, la veulerie et la mesquinerie constituent le fond de commerce du grand dadais Benoît Poelvoorde. Une marque de fabrique, un modèle déposé made in Belgium, où, à coups de répliques fracassantes, le filiforme, amidonné et gominé, distille son humour acide sulfurique et ses absurdités étourdissantes. Notamment dans les pantalonnades canalplusiennes, Jamais au grand jamais (1996) et Les carnets de Monsieur Manatane (97), sorte de Monsieur Clyclopède, la pipe en bouche et une conception over kitsch de la stylistique vestimentaire. La caricature du crétin odieux, le con longiligne dans toute sa splendeur, dit-on. Le beauf abruti en quelque sorte.
Son côté décalé, prince du non-sens, ravît Philippe Harrel qui l'engage en guide-amant benêt de montagnes dans Les Randonneurs. Puis, Benoît Mariage lui fait confiance pour Les Convoyeurs attendent où il interprète un localier de Charleroi en quête de photos. Et d'exploit (le record du monde d'ouverture et fermeture de portes). Une comédie (in)humaine, un sujet sociétal au cocktail d'humour rose et noir. Impertinent, pertinent, drôle, sarcastique... Benoît Poelvoorde s'ouvre les portes de la gloire. Et c'est tant mieux !
L.B