Abonné aux rôles de durs mais 'rouge comme une pivoine' quand il doit embrasser une actrice à l'écran, c'est un Lino Ventura touchant et chaleureux qui se révèle dans un portrait d'une heure trente réalisé pour Arte par sa fille Clélia. 'Ventura... dit Lino' doit être diffusé le 19 octobre dans le cadre d'une Théma programmée à l'occasion du dixième anniversaire de la mort de cet acteur venu au cinéma à 34 ans. Pour ce documentaire personnel mais pudique, Clélia, 36 ans, a interviewé des réalisateurs, des acteurs, utilisé des documents où l'on retrouve Jacques Brel ou Michel Audiard. Odette Ventura a ouvert ses archives. Celle qui avait rencontré Lino à 16 ans, en 1936, livre aussi quelques souvenirs personnels. Clélia a fait un travail 'formidable. Elle a ramené Lino à la vie, on le retrouve dans toutes ses expressions. C'est cet amour, cette recherche de son père' qui lui ont donné la force de poursuivre ce projet, a déclaré Mme Ventura à l'AFP. 'La première fois que j'ai vu le documentaire, cela m'a fait un choc, ça a été comme une nouvelle séparation', a-t-elle ajouté. Le film s'ouvre sur l'acte de naissance d'Angiolino Ventura, né à Parme en 1919. En voix off, si présent de nouveau, il raconte son arrivée à 7 ans à Montreuil, où il découvre la condition d'immigré. Il devient groom, vendeur de journaux, mécanicien... La lutte, 'école d'humilité', l'empêche de mal tourner. C'est à la salle Wagram, où il organise des matches, que Jacques Becker vient le trouver pour son premier rôle dans 'Touchez pas au grisbi', en 1953, avec Jean Gabin. 'Le grand mec, le carré , personne ne savait son nom mais tout le monde l'avait remarqué', relève Michel Audiard. Son physique l'abonne aux personnages de gangsters ou de policiers. 'Je serais incapable de tuer un lapin!', explique l'acteur, qui choisit ses rôles pour leur humanité. Acteur par instinct, cet homme qui n'a jamais eu d'agent étudie minutieusement chaque scénario, veut tout comprendre, ergote parfois. Soupe-au-lait, Lino, grand amateur de cuisine, l'est en fait surtout quand son titre d'expert en cuisson des pâtes est mis en doute. Car ce 'foutu caractère', comme il le reconnaît lui-même, cache une grande pudeur. Claude Pinoteau raconte avec beaucoup de drôlerie comment il a été le seul réalisateur à obtenir de Lino qu'il embrasse une femme à l'écran. 'Ventura est comme un bloc, un monolithe, il ne peut être manié. Or je suis persuadé qu'on peut tout lui demander, qu'il ne connaît pas lui-même ses limites', estimait Jean-Pierre Melville. Le grand producteur américain ArnonMilchan pense pour sa part qu'il avait la simplicité et la carrure d'une star internationale: 'Entre Robert de Niro et Lino Ventura, il n'y a pas une grande différence'.
ARTE diffusera aussi deux films le 19: 'Dernier domicile connu' de José Giovanni et 'Un papillon sur l'épaule' de Jacques Deray.
(Théma, dimanche 19 octobre, 20h45) (AFP)