Le monde de l'espionnage, et les innombrables affaires qui en découlent, a toujours été un vecteur très puissant de l'imaginaire dans les fictions, sur petit comme grand écran. Si elle a été plus que largement popularisée sous la plume de Ian Fleming avec les (més)aventures de son agent secret 007 dans quantité de films, la thématique de l'espionnage s'est très souvent retrouvée au cœur de grands films : L'espion qui venait du froid, Le pont des espions, Gorky Park, Les Trois jours du Condor, La Lettre du Kremlin, la saga des Jason Bourne, Marathon Man, les nombreuses adaptations des œuvres de John le Carré, qui fut lui-même un ancien espion... La liste est sans fin, ou presque.
Côté série, on retiendra, parmi de nombreux exemples, la sensationnelle série The Americans, créée par Joe Weisberg et Joel Fields, qui relate le destin d'un faux couple d'agents du KGB vivant aux Etats-Unis dans les années 70-80, et membres d'une cellule dormante, avant que les choses ne se compliquent, évidemment...
Dans ce registre passionnant, Netflix possède une formidable série documentaire de 8 épisodes, Spycraft : l'art de l'espionnage. Disponible depuis 2021, sur des épisodes dont la durée ne dépasse jamais les 40 min, elle balaye dans chacun d'eux une thématique bien précise : les déchiffreurs de code ; le sexpionnage, puissant outil de persuasion et de chantage, et grande spécialité russe (le fameux "Kompromat") ; la surveillance High Tech et satellites ; la collection clandestine, évoquant les méthodes permettant de capturer secrètement les données sensibles ; les agents doubles, etc...
Si le XXIe siècle est bien entendu évoqué, le XXe se taille logiquement la part du lion, vu l'importance de la Guerre Froide et la très profonde implication de l'espionnage dans la guerre secrète à laquelle se livraient l'URSS et les Etats-Unis.
Largement abondé par les récits de spécialistes et d'images d'archives, le propos est à la fois glaçant, sidérant et passionnant, et plus que jamais ancré dans notre époque. Dans l'épisode consacré à l'usage du poison, qui a notre préférence, il est ainsi évoqué l'affaire, atroce, d'Alexandre Litvinenko, empoisonné en 2006 au Polonium 210 par deux agents du FSB, après avoir bu une tasse de thé au bar de son hôtel à Londres.
Ou encore, bien plus récente, l'affaire Skripal : en 2018, la petite ville de Salisbury, en Angleterre, fut ébranlée par l'empoisonnement de l'ex-espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia à l'aide d’un agent neurotoxique mis au point par l'Union soviétique dans les années 1970. Affaire qui a été depuis, bien entendu, adaptée en fiction.
On rappelera aussi que le demi frère de l'actuel dictateur nord Coréen Kim Jong Un, fut assassiné à l'aéroport de Kuala Lumpur en février 2017, après avoir reçu au visage du VX, un agent neurotoxique mortel. En 2019, il fut révélé que Kim Jong Nam fut un informateur pour la CIA, et qu'il venait de rencontrer ses officiers traitants de l'Agence de renseignement américaine peu avant d'être empoisonné... La réalité dépassera toujours, et de très loin, la fiction.
Si Spycraft ne fera pas de vous un espion en herbe, la pédagogie du propos et la force de son sujet en font une série documentaire remarquable et immanquable.