Comme l’a annoncé son fils Andrew Bick au Hollywood Reporter, c’est ce vendredi 23 septembre que Louise Fletcher s’est éteinte à son domicile de Montdurausse, en France. Elle avait survécu à un cancer du sein dont une récidive. Décédée de causes naturelles, elle avait 88 ans.
LE RÔLE DE SA VIE
Détentrice de l’Oscar de la meilleure actrice de 1976 pour son interprétation subtile et même émotionnelle de la cruelle et méprisable infirmière Mildred Ratched dans Vol au-dessus d’un nid de coucou (1962) – une adaptation par Milos Forman du roman du même nom de Ken Kesey –, Louise Fletcher a définitivement marqué le monde du cinéma, aujourd’hui en deuil.
Son discours d’acceptation lors de la prestigieuse cérémonie restera notamment dans les mémoires : elle avait alors utilisé la langue des signes américaine pour remercier ses parents sourds – tout en remerciant à côté le public de l’avoir détestée !
Le long métrage, qui avait connu un succès substantiel au box-office, avait également remporté les prix du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur acteur pour Jack Nicholson et du scénario le mieux adapté, et avait ainsi été le premier à remporter la fameuse statuette dans toutes les principales catégories depuis 4 décennies – un véritable classique qui a consacré l’actrice à jamais.
Son personnage est si culte que l’infirmière Ratched a été nommée 5ème plus grande méchante de l’histoire du cinéma par l’American Film Institute. Mais ce rôle légendaire, plusieurs actrices de renom l’avaient auparavant refusé, craignant un effet négatif possible sur leur carrière, mais après avoir vu Fletcher dans Nous sommes tous des voleurs en 1974, Milos Forman s’est décidé. Dans ses mémoires, il s’exprimera plus tard au sujet de la comédienne.
Elle avait tout faux pour le rôle [Ratched], mais il y avait quelque chose en elle. Je lui ai demandé de lire avec moi et soudain, sous l’extérieur velouté, j’ai découvert une ténacité et une volonté qui semblaient adaptées au rôle. - Milos Forman
UNE CARRIÈRE SUR TOUS LES FRONTS
Récemment apparue dans le long métrage A Perfect Man (2013) de Kees Van Oostrum, avec Liev Schreiber et Jeanne Tripplehorn, Louise Fletcher n’a jamais cessé d’étonner.
C’est sur le petit écran qu’elle a débuté et sur le petit écran qu’elle a le plus récemment joué : plus précisément en 2017 dans deux épisodes Girlboss sur Netflix. Apparue dans Star Trek: Deep Space Nine dans la peau de la cheffe spirituelle intrigante et fourbe Winn Adami de 1993 à 1999, elle a également joué dans la série de science-fiction culte VR.5 entre 1995 à 1997 ainsi que dans Urgences et 7 à la maison en 2005 ou encore Heroes en 2009.
Nommée aux Emmys pour des rôles invités dans High Secret City : La ville du grand secret en 1996 et Le Monde de Joan en 2004, elle s’était aussi illustrée dans le rôle de la matriarche Peggy “Grammy” Gallagher, une ex-détenue rusée souhaitant néanmoins une relation avec ses petits-enfants, dans Shameless de Showtime.
Après plus d’une décennie d’absence pour se consacrer à sa famille, Louise Fletcher avait recommencé à jouer en 1974 et avait alors livré une belle et forte performance dans Nous sommes tous des voleurs de Robert Altman, mais lorsqu’elle a été choisie pour incarner Ratched, la comédienne n’avait pas encore une grande notoriété à Hollywood – ce qui était sur le point de changer.
Après ce rôle clé, sa carrière a basculé et l’actrice n’a pas manqué de se diversifier comme dans la parodie noire de 1978, Le Privé de ces dames avec Peter Falk, ou encore dans le drame de 1979, Natural Enemies, dans lequel elle a joué, face à Hal Holbrook, un personnage vulnérable et fragile sans difficulté.
Parmi les autres crédits de l’actrice, on peut citer Sexe Intentions (1999), dans lequel elle a joué une aristocrate géniale et chaleureuse de Long Island, L’Exorciste 2 - L’héretique (1977) avec Richard Burton et Linda Blair, Brainstorm (1983) avec Christopher Walken et Natalie Wood, Charlie (1984) mettant en vedette un très jeune Drew Barrymore ou encore Deux jours à Los Angeles (1996) de John Herzfeld.
VIE DE FEMME ET DÉBUTS À L’ÉCRAN
Estelle Louise Fletcher est née à Birmingham, en Alabama. Ses parents étant sourds, elle a été initiée au théâtre par la tante qui lui a appris à parler à l’âge de 8 ans. Fletcher a fréquenté l’Université de Caroline du Nord et c’est après avoir fait un voyage à travers le pays qu’elle s’est retrouvée bloquée à Los Angeles et s’est rapidement lancée dans une carrière d’actrice.
Pour la comédienne en herbe, tout commence en 1958 avec un petit rôle à la télévision dans la série Flight. L’année suivante, elle enchaîne les apparitions dans Maverick, 77 Sunset Strip et Les Incorruptibles. Apparue deux fois dans Perry Mason en 1960, elle abandonne sa carrière en 1963 après avoir fait ses débuts sur grand écran dans Le Téléphone rouge de Delbert Mann.
En 1973, après avoir élevé ses enfants, elle reprend sa profession avec une apparition dans la série Médecins d’aujourd’hui. Un téléfilm plus tard, l’actrice est finalement choisie pour jouer un second rôle dans le fameux Nous sommes tous des voleurs de Robert Altman – que son mari, Jerry Bick, produit notamment.
L’histoire de la vie remplie et accomplie de Fletcher a d’ailleurs servi d’inspiration à l’un des personnages principaux du classique de 1975 de Robert Altman, Nashville : elle aurait dû alors incarner le rôle mais à l’époque Bick et Altman se sont disputés et ce rôle lui a échappé.
Louise Fletcher a été en effet mariée à Jerry Bick, un agent littéraire hollywoodien qui fut aussi plus tard producteur, de 1959 à 1978. Il est décédé en 2004. Elle laisse dans le deuil ses fils John Dashiell Bick et Andrew Wilson Bick.