The Woman King de Gina Prince-Bythewood est sorti hier dans nos salles. Porté par Viola Davis, Thuso Mbedu, Lashana Lynch, Sheila Atim et John Boyega, le long-métrage retrace l'histoire des Agojie, une unité de guerrières qui protégèrent le royaume de Dahomey au XIXème siècle en Afrique de l'Ouest. Leurs aptitudes et leur fureur n'ont jamais trouvé d'égal.
Le film suit la Générale Nanisca (Viola Davis), qui entraîne une nouvelle génération de recrues et les prépare à la bataille contre un ennemi déterminé à détruire leur mode de vie.
Ce film d'action pour lequel les actrices ont suivi un entraînement rigoureux est inspiré d'une histoire vraie pourtant assez peu connue.
Créées au début du XVIIIème siècle, les Agojie ou Mino (qui signifie "Nos mères") forment un régiment militaire composé exclusivement de femmes. Elles sont chargées de protéger le royaume ouest-africain du Dahomey (une région de l'actuel Bénin).
Ces dernières ont existé pendant une grande partie de l'existence du Royaume du Dahomey (1600 et 1904). Le premier groupe de guerrières est apparu pendant le règne du roi Houegbadja (1645-1685).
Les premiers écrits parlant des Agojie remontent à 1729. Le surnom "Amazones du Dahomey" leur a été attribué par les Européens occidentaux en raison de leur ressemblance avec les guerrières de la mythologie grecque.
À son apogée, dans les années 1840, cette armée se composait de 6000 femmes. Les Agojies étaient si redoutables que même les ennemis du Dahomey glorifiaient la "prodigieuse bravoure" de son armée. Ce régiment a été dissous à la fin du XIXè siècle par Agoli Agbo, le premier président du pays sous protectorat français.
Pourquoi une armée entièrement composée de femmes ?
Plusieurs théories subsistent sur la création de cette armée féminine.
Selon la première, la création d'un régiment militaire entièrement féminin est devenue une nécessité en raison du nombre élevé de victimes que le royaume subissait dans les conflits avec les États voisins d'Afrique de l'Ouest. Cela semble expliquer l'expansion des Agojie sous le règne du roi Ghezo (interprété par John Boyega dans le long-métrage), qui sont passés de plusieurs centaines à plusieurs milliers.
Une autre théorie suggère que les origines des Agojie remontent aux habiles chasseuses du Dahomey. Au début des années 1700, ces dernières auraient été recrutées afin de protéger le palais sous le règne de la reine Hangbe (1708-1711). Palais dans lequel les hommes n'avaient pas le droit d'entrer...
LeTime a pu s'entretenir avec l'historien Leonard Wantchekon, professeur de politique et d'affaires internationales à l'université de Princeton, qui écrit actuellement un ouvrage contenant les biographies de plus de 50 Agojié. Ce dernier a également été conseiller historique sur le long-métrage.
Pour lui, cette armée entièrement féminine est "quelque chose qui, même aujourd'hui, serait considéré comme révolutionnaire".
Polémique
Mais les Agojié ont également grandement participé au Commerce triangulaire. Les guerrières attaquaient les états voisins afin de vendre les prisonniers de guerre en esclavage aux Européens et aux Américains. Le commerce d'esclaves est ce qui a apporté au Dahomey la plus grande partie de sa richesse.
Au mois d'août dernier la journaliste américaine Nikole Hannah-Jones, qui a rédigé le premier essai du Projet 1619 du New York Times dont le but est de réévaluer "les conséquences et le poids de l'esclavage aux États-Unis sur l'histoire du pays", s'interrogeait sur la présence de cette thématique dans le film de Gina Prince-Bythewood.
"Il sera intéressant de voir comment un film qui semble glorifier l'unité militaire entièrement féminine du Dahomey traite du fait que ce royaume tirait sa richesse de la capture d'Africains pour la traite transatlantique des esclaves."
Le film aborde effectivement ce sujet, et Nanisca, le personnage incarné Viola Davis, s'efforce de convaincre le roi Ghezo de cesser de participer au commerce des esclaves - ou du moins de mettre fin au statut de tributaire des Dahomey vis-à-vis de l'Empire d'Oyo.
Pour la réalisatrice Gina Prince-Bythewood, il était primordial d'aborder ce sujet dans The Woman King. Elle explique à The Hollywood Reporter:
"Quand je suis arrivée sur le film, ce furent quelques-unes des premières conversations. Nous allons dire la vérité. Nous n'allons pas avoir peur de quoi que ce soit.
Mais nous racontons aussi une partie de l'Histoire qui consiste à surmonter les difficultés et à se battre pour ce qui est juste. Et je pense que nous avons bien fait les choses."
Un sujet cinématographique rendu possible grâce à Marvel...
La comédienne et productrice Maria Bello, qui a coécrit l'histoire de The Woman King, a découvert l'existence des Agojie en 2015, lors d'un voyage au Bénin.
Cette dernière a immédiatement vu l'attrait cinématographique d'une telle histoire et en a parlé à la productrice Cathy Schulman. Viola Davis a rejoint le projet, puis la réalisatrice.
Cette dernière explique au Los Angeles Times avoir bataillé pour avoir un budget important pour ce film : "C'était un combat constant pour convaincre les studios que nous méritions un gros budget, que nous méritions de raconter une histoire comme celle-ci".
Interrogée par AlloCiné sur la raison pour laquelle cette histoire, pourtant très cinématographique, n'avait encore jamais été abordée au cinéma, Gina Prince-Bythewood répond :
"Hollywood n'est pas très enclin à montrer les autres cultures. Je n'avais jamais entendu parler de cette histoire avant et je pense qu'il en va de même pour la majorité des gens. Donc avoir l'opportunité de raconter l'histoire des Agojié était très excitant."
Cette dernière ajoute :
L'existence de The Woman King à Hollywood est un miracle et si ce film a du succès il ouvrira la porte à d'autres histoires de ce genre.
Et si le long-métrage a pu se faire, c'est en grande partie grâce au succès de Black Panther qui a prouvé qu'un film avec des acteurs noirs pouvait triompher au box-office. Marvel s'est d'ailleurs inspiré des Agojié pour créer les Dora Milaje, les guerrières du Wakanda.
Lors de notre discussion avec Gina Prince-Bythewood, cette dernière nous explique : "Black Panther a permis à The Woman King de se faire. Avec son incroyable succès, le film de Ryan Coogler a changé la perception des choses et a changé la donne à Hollywood.
Le succès de ce film a montré toutes les possibilités et la valeur de notre histoire. Nous nous sommes toujours battus pour que The Woman King puisse se faire, mais Hollywood avait besoin de preuves. Grâce à Black Panther nous avons notre feu vert."
The Woman King est à voir en salles depuis ce mercredi 28 septembre.