Le couperet est tombé le 5 mai dernier. Après de longs mois de rumeurs qui laissaient peu de doute quant au destin de la série, France 3 a annoncé officiellement l’arrêt de Plus belle la vie. Un véritable choc pour les téléspectateurs de la chaîne qui ont suivi pendant plus de 18 ans les aventures des habitants du Mistral, un petit quartier fictif de Marseille.
Malgré des débuts difficiles, Plus belle la vie ayant dans les premiers temps peiné à trouver son public, le feuilleton est très vite devenu un incontournable du paysage audiovisuel français. Chaque soir, du lundi au vendredi, près de 5 millions de téléspectateurs se réunissaient devant leurs écrans de télévision pour savoir ce qui allait arriver à Thomas, Roland, Blanche et les autres.
Mais l’évolution qu’a connue la télévision ces dernières années, avec l’arrivée des différentes plateformes de streaming, mais aussi l’émergence de la concurrence, avec le lancement de Demain nous appartient, Un si grand soleil et Ici tout commence, ont eu raison de la série qui a vu ses audiences baisser peu à peu. Le rachat par TF1 de Newen, la société de production de Plus belle la vie, n’a bien sûr pas joué en faveur de la série…
Face à ces nombreux paramètres, France 3 a donc annoncé en mai que Plus belle la vie allait tirer sa révérence le 18 novembre prochain avec un prime exceptionnel qui verra le retour de nombreux personnages phares qui ont marqué la série au fil des années, et qui permettra également d’offrir une fin digne de ce nom à cette série désormais culte.
Alors que le tournage s’est achevé jeudi dernier, Allociné s’est rendu fin août à Marseille dans les studios de La belle de Mai afin de rencontrer une dernière fois les acteurs, mais aussi les équipes techniques qui ont permis à Plus belle la vie de prendre vie.
Une grande famille
Au fil des années, et à travers les nombreuses interviews données par les acteurs, il y a un mot qui n’a cessé de revenir, c'est le mot “famille”. A l’image des personnages de Fast and Furious, Plus belle la vie se targue d’être une grande famille, ses membres, qu’ils soient acteurs, figurants ou intermittents, s’aidant et se soutenant mutuellement.
C’est sûr qu’avec 18 années au compteur, des liens très forts se sont créés entre les différents membres de l’équipe. Une cohésion qui se ressent indéniablement dès que l’on met un pied sur le plateau. Tout le monde s’appelle par son prénom, se fait des blagues et raconte ses dernières péripéties à ses collègues.
Et les nouveaux venus ne sont pas en reste. Meryl Bie, qui a fait son entrée dans la série cet été, a été accueillie à bras ouverts par ses nouveaux partenaires de jeux. “Tout le monde est très patient avec moi, parce que je n'ai aucune expérience dans l'acting” nous a-t-elle confié avant d’ajouter “toute l'équipe a été cool.”
Il n’y a pas de distinction entre acteurs et équipes techniques. Il n’y a que du respect, tout le monde se traitant d’égal à égal. Lors des repas, comédiens, cadreurs et ingénieurs du son se mélangent pour parler de la pluie et du beau temps, se faire des blagues ou encore organiser la prochaine soirée.
Bien sûr, sous ces airs insouciants, l’arrêt de Plus belle la vie est dans toutes les bouches. Chaque journée de tournage se conclut par un nouveau pot de départ. C’est probablement Rebecca Hampton, l’interprète de Céline Frémont, qui a le mieux expliqué le ressenti qui règne dans les studios.
“Nous sommes en train de vivre un moment qui est fondamentalement triste parce que tous les jours il y a une personne qui part. C'est d’autant plus difficile que c’est un arrêt qui s’étire. Nous ne pouvons pas nous dire au revoir une bonne fois pour toute. Non, c'est comme une marguerite où tous les jours on enlève un pétale.”
À mesure que le temps passe, acteurs et équipes techniques quittent peu à peu le studio pour ne plus jamais revenir. Une mélancolie palpable que tout le monde semble vouloir mettre de côté pour profiter au mieux des derniers instants.
Une école formatrice
Plus belle la vie a révolutionné le genre des séries télévisées en France. Si aux Etats-Unis, les feuilletons quotidiens étaient (et sont encore) légions, dans l'hexagone ce genre n’existait pas vraiment. Plus belle la vie est d’ailleurs la première série de l’histoire de la télévision à passer la barre du millième épisode le 11 juillet 2008.
Qui dit rythme quotidien, dit bien sûr organisation bien rodée. Là où une série française lambda nécessite quelques mois de tournage pour sortir une dizaine d'épisodes, le tournage de Plus belle la vie s'étalait, lui, du lundi au vendredi, voire le samedi si nécessaire, chaque semaine, 52 semaines par an. Une chaîne de production bien rodée était donc nécessaire pour pouvoir offrir aux téléspectateurs et téléspectatrices pas moins de 260 épisodes par an.
Quand pour un film, une journée de tournage équivaut à environ 2 minutes utiles, pour un feuilleton quotidien, une journée équivaut à 25 minutes utiles. Un rythme effréné qui ne laisse pas place à l’erreur, et qui offre une formation sans pareil aux nouveaux arrivants.
“C’était une école incroyable", avait ainsi confié Aurélie Vaneck lors d’une interview dans laquelle elle revenait sur son expérience dans la série. “J'ai tourné pendant dix ans dans la série, et j'ai fait plus de deux mille épisodes. J’ai dû très vite intégrer le vocabulaire du métier afin de savoir de quoi on parlait, j’ai dû apprendre à être d'une efficacité redoutable parce que, sur le tournage d’une quotidienne, le temps est très important. C’était un training incroyable pour une jeune comédienne.”
Les équipes techniques ne sont pas non plus en reste. Plus belle la vie était devenue une véritable école d'audiovisuel pour les gens du métier. Les jeunes diplômés font leurs armes sur la série avant de s’envoler de leurs propres ailes sur de nouveaux projets.
“Il y a des gens qui sont arrivés comme stagiaire et qui sont ressortis de là en tant que réalisateur, chef opérateur ou même producteur” explique Serge Dupire (Vincent Chaumette), qui a été témoin des débuts de la série en 2004.
“Plus belle la vie, c'est probablement la meilleure école d'audiovisuel que la France ait eu…” L’arrêt du feuilleton est donc un véritable coup dur, pas seulement en termes d’emploi, mais aussi en termes de formation.
Quid de l’après ?
C’est un peu l’objet de toutes les conversations. Que va-t-il se passer une fois la fin de la série ? A la pause café, chacun discute de l’avenir, avec plus ou moins d’inquiétude. Pour aider dans la transition, Newen et France Télévisions ont mis en place une cellule de soutien afin de les accompagner au mieux.
Mais en discutant avec les personnes présentes sur le plateau, on comprend très vite que certains auront probablement plus de mal à rebondir que d’autres. Les intermittents, qui ont l’habitude d’aller de tournage en tournage, savent qu’ils pourront très facilement trouver une autre série sur laquelle travailler.
Ils ont l’habitude, c’est leur quotidien. Certains rejoindront très probablement Ici tout commence et Demain nous appartient, les deux autres feuilletons de Newen. D’autres resteront à Marseille, France Télévisions s’étant engagé à continuer à produire dans la région.
Du côté des acteurs, la tâche s’annonce plus compliquée. S’ils sont ouverts à jouer sur d’autres programmes, quotidiens ou non, l’image Plus belle la vie risque de leur coller à la peau. Leur visage est directement rattaché au feuilleton de France 3…
Et le planning de tournage intense ne leur a pas forcément facilité la tâche pour préparer l’après. Si certains comédiens ont fait le choix d’avoir des projets en parallèle, comme la jeune Marie Mallia (Lola) qui est actuellement au casting des Combattantes ou encore Simon Ehrlacher (Romain Vidal) qui sera à l’affiche de la série Amazon Escort Boys au côté de Guillaume Labbé, d’autres ont préféré se consacrer à 100% à Plus belle la vie.
C’est le cas de Caroline Riou, arrivée au Mistral en 2014 dans le rôle de Laetitia Belesta. “Quand tu as 20 ans et que la vie est devant toi, tu sais que tu vas rebondir. Par contre quand tu en as un peu plus de 40, tu vas devoir te battre pour avancer” a-t-elle expliqué. Comment rebondir après 5,10 ou même 15 ans dans une même série ? Qui sera prêt à engager un comédien identifié à ce point par les téléspectateurs ? Réponse dans les prochains mois…
Si beaucoup espèrent encore que la série soit sauvée, plus la date fatidique de la diffusion du dernier épisode approche, plus les chances s’amenuisent. Le 29 septembre dernier, les lumières se sont éteintes pour la dernière fois sur les plateaux de la Belle de Mai, un moment redouté de tous.
Et si chacun se rend compte de la chance qu’il a eue de travailler sur une série aussi importante que celle-ci, il n’en reste pas moins une mélancolie de devoir se dire adieux. En attendant, Plus belle la vie continue tous les soirs du lundi au vendredi à 20h20 sur France 3, et ce jusqu’au vendredi 18 novembre.