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    Zahori : "Un western féministe, et non colonialiste"
    Vincent Garnier
    Vincent Garnier
    -Rédacteur en chef
    Cinéphile omnivore, Vincent « Michel » Garnier se nourrit depuis de longues années de tous les cinémas, sans distinction de genres ou de styles. Aux côtés de Yoann « Michel » Sardet, il supervise la Rédac d’AlloCiné et traque les Faux Raccords.

    Paysages sublimes, format Scope... et une jeune héroïne. Avec "Zahori", Marí Alessandrini livre un western délibérément en marge des clichés du genre. Rencontre avec la réalisatrice.

    AlloCiné : Quelle est la genèse de Zahori ?

    Marí Alessandrini : Je suis allée pour la première fois à l’internat que l'on voit dans film pour jouer une pièce de théâtre pour marionnettes, avec la troupe de l’école dont je faisais partie. A l’époque je pratiquais déjà la photo, j’ai fait mes premiers portraits noir et blanc des enfants de cet internat. Cette école isolée au milieu du désert et ces enfants qui vivaient dans une réalité parallèle si proche de chez moi m’ont vraiment impressionnée et interrogée. Depuis lors, j'ai continué à y aller avec mon appareil photo, pour rendre visite aux gens, pour visiter d'autres écoles, participer à leurs fêtes populaires, et explorer de nouvelles routes possibles. Vers 22 ans, partie faire des photos dans la steppe, je me suis perdue. Je n’avais plus d’eau, la nuit tombait et il faisait très froid. J’ai commencé à paniquer, puis j’ai vu une lumière au loin. Elle venait de la maison d’un vieux Mapuche. C’est la première fois que je rencontrais quelqu’un qui vivait ainsi, vraiment seul au milieu de nulle part. Il m'a recueillie puis en partant il m'a demandé de lui envoyer un message par radio nationale quand j'arriverai chez moi... J'ai ressenti sa solitude et j'ai imaginé que probablement il mourrait seul, anonyme. Je me suis alors intéressée aux personnes âgées de la steppe, à leurs sentiments, à leur rapport à la mort. Ce cumul d’expériences m’a profondément marquée et le projet du film est né.

    Vous choisissez de filmer en Scope, le format Western par excellence. Pourquoi ce choix ?

    Il me semble que le format scope offre la place nécessaire pour la relation des hommes au paysage avec une dimension mythique. Les paysages de la steppe sont omniprésents dans Zahorí, toujours en relation avec les personnages, leurs conditions de vie ou leurs émotions. Certains vivent en harmonie avec cet environnement, d'autres y restent étrangers comme les missionnaires, ou en conflit comme les parents. Ce rapport intime à la steppe forge le lien qui unit Mora et Nazareno. En effet, le scope est le format de cœur du Western qui traite de la conquête du territoire des hommes blancs, généralement à travers l’extinction ou la soumission de peuples originaires, l'oppression des femmes, le tout accompagné par la domestication, l'esclavage des chevaux. Un genre que j'ai donc souhaité détourner, diversifier. Zahorí est un western féministe, et non colonialiste. Mora s’émancipe de l’oppression sociale et trouve sa propre voie à travers l'amitié avec Nazareno.

    Zahorí
    Zahorí
    Sortie : 6 juillet 2022 | 1h 45min
    De Marí Alessandrini
    Avec Lara Tortosa, Santos Curapil, Sabine Timoteo
    Presse
    2,9
    Spectateurs
    3,0
    louer ou acheter

    Dans chaque plan, la beauté et la rudesse du paysage transparaissent. Le tournage a dû être une épreuve...

    Le tournage était un énorme défi, une épreuve d'endurance ! Les conditions étaient très rudes avec le soleil, le vent, le sable… Le matériel qui s'envole et se casse. La steppe est assez pauvre en infrastructures, rares sont les routes. Nous avons dû traverser des rivières en 4x4, rouler à 30km/h pendant des heures... Il faut donc aimer ce genre d’aventure ! Nous avons tourné en pleine crise économique et chaque semaine la dévaluation du peso argentin faisait que tout nous coûtait toujours plus cher. Notre budget n’avait plus la même valeur au début et à la fin du tournage. Il fallait vraiment revenir à l'essentiel, travailler le plus naturellement possible, réduire l’équipe, le matériel, minimiser les mouvements et le nombre de plans.

    Comment avez-vous découvert la jeune héroïne de Zahori ?

    Nous avons organisé un casting en Patagonie à travers la radio et les réseaux sociaux. J'ai aussi beaucoup voyagé pour voir différentes filles de la région, ça a duré plusieurs mois. Je pense avoir vu une soixantaine de filles avant de choisir. Je cherchais surtout quelqu'un qui ressente un amour profond pour la nature, avec des caractéristiques féminines et masculines, forte physiquement et qui soit aussi assez indépendante. Lara Tortosa qui joue Mora avait tout ça. Elle pouvait passer la journée avec moi dans la steppe à répéter des scènes, à grimper les collines, tout en jouant avec des insectes dès que possible !

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