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    5 grands films que personne n'est allé voir
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Des critiques dithyrambiques, un formidable scénario et de grands acteurs, ne suffisent hélas pas toujours à assurer le succès de certaines oeuvres, douloureusement et injustement sanctionnées au box-office. La preuve par cinq.

    Il y a des destins cabossés de films qui font mal, très mal même. Plus encore lorsque les oeuvres recueillent largement les faveurs de la critique, qui n'est jamais en retard pour sortir la sulfateuse. On a encore en tête les exemples du West Side Story de Steven Spielberg, pourtant couvert de critiques positives par la presse, qui est le plus gros échec jamais encaissé par le cinéaste au cours de sa carrière.

    Nightmare Alley de Guillermo del Toro a aussi été un échec cinglant. Et que dire devant le colossal échec du Dernier duel de Ridley Scott ? A peine 400.000 spectateurs en France. Seulement 10 millions de dollars récoltés aux Etats-Unis, moins de 20 millions dans le reste du monde. Un dramatique échec en salle, pour une oeuvre qui a coûté plus de 100 millions de dollars à produire. "Pourquoi ça n'a pas marché ? C'est la faute de ces millenials et leurs putains de téléphones portables !" avait rageusement asséné Scott.

    Le divorce régulier entre la critique et le goût du (grand) public n'est pas vraiment un phénomène nouveau. En France, Luc Besson en sait quelque chose... Reste que les échecs commerciaux de certaines oeuvres sont profondément injustes, en dépit de leurs nombreuses qualités. Le temps leur rend heureusement, mais pas toujours, justice. Voici cinq grands films salués comme il se doit par la critique, qui furent malheureusement torpillés durant leurs carrières en salle.

    Blood Simple

    Petit bijou de film néo noir, peuplé d'une galerie de personnages tendance redneck tous plus tordus les uns que les autres, gorgé d'humour (noir et féroce, forcément), Blood Simple (alias "Sang pour sang" en VF) marquait la première incursion à la réalisation des frères Coen.

    Le film voit un Dan Hedaya en mari jaloux engager un privé (génial Emmet Walsh) pour se débarrasser de sa femme (Frances McDormand) qui le trompe. Mais une série de malheureuses complications font que rien ne se déroule selon le plan prévu...

    Blood Simple
    Blood Simple
    Sortie : 3 juillet 1985 | 1h 36min
    De Joel Coen, Ethan Coen
    Avec John Getz, Frances McDormand, Dan Hedaya
    Presse
    4,7
    Spectateurs
    3,9
    Streaming

    Présenté dans de nombreux festivals, dont celui de Sundance d'où il repartira auréolé du Grand Prix du Jury pour les frères réalisateurs, salué par la critique américaine pour sa mise en scène et la qualité de l'interprétation, le film a pourtant été largement boudé par le public, et n'a récolté qu'un peu plus de 1,6 million de $ de recettes sur le sol US.

    A l'étranger, il ne fit guère mieux : 1,03 million de $. Soit en tout 2,73 malheureux et dérisoires millions pour un film qui en coûtait déjà 1,5 million. Le temps a heureusement fait son oeuvre, et le public a depuis largement réévalué le premier film des Coen, le hissant au rang de film culte.

    Blade Runner 2049

    C'est peu dire que l'annonce de la mise en chantier d'une suite à Blade Runner, film séminal de la SF qui a marqué l'Histoire du cinéma, était accueillie de prime abord avec des fourches par les fans. Quel intérêt de donner une suite à une oeuvre déjà parfaite, dont on n'a pas encore fini d'épuiser toutes les richesses ?

    Denis Villeneuve a pourtant su brasser avec une intelligence confondante l'héritage de son glorieux aîné sorti 35 ans plus tôt. "Alors que le Blade Runner original a (finalement) été adopté pour son potentiel non réalisé, sa suite se classe parmi les plus grands films de science-fiction de tous les temps" s'enthousiasmait le critique de Variety, Peter Debruge.

    Revoici la bande-annonce du film...

    Qu'importe au fond si Ridley Scott a trouvé le film "Fucking trop long", ou que le producteur du premier film, Michael Deeley, tacle à la gorge l'oeuvre de Villeneuve en balancant un aimable "c'est de l'auto-complaisance au minimum, de l'arrogance probablement, et c'est criminel".

    Hypnotique et parfois contemplatif, porté par une BO qui sait se faire élégiaque, sublimé par une photographie signée par le grand chef op' Roger Deakins qui sera oscarisé pour son fabuleux travail, ce Blade Runner 2049 est du grand cinéma. Et il y avait le plaisir manifeste de retrouver Harrison Ford dans un rôle qui l'a aussi fait entrer dans la légende, aux côtés de celui de Han Solo.

    Blade Runner 2049
    Blade Runner 2049
    Sortie : 4 octobre 2017 | 2h 44min
    De Denis Villeneuve
    Avec Ryan Gosling, Harrison Ford, Ana de Armas
    Presse
    3,6
    Spectateurs
    3,9
    Streaming

    Mais il fut une gifle au box office, ne rapportant même pas 100 millions $ sur le territoire américain. Et ce ne sont pas les presque 260 millions $ au BO mondial qui parviendront à absorber les 150 millions $ que le film a coûté, hors budget marketing. Il a même fait perdre 80 millions $ à la société productrice du film qui détenait les droits, Alcon Entertainment. Les deux Oscars et les critiques globalement très positives du film n'ont rien pesé pour sauver un film conçu comme un Tentpole movie, c'est-à-dire une franchise susceptible de générer d'énormes profits.

    Le voeu de Villeneuve de faire une suite risque bien de rester un bon moment une chimère... Même si les ayants droits ont depuis donné leur bénédiction pour une série animée, Blade Runner - Black Lotus, ainsi qu'une série en prises de vue réelle, Blade Runner 2099. Des entreprises qui restent de toute façon moins chères qu'un gros One Shot sur grand écran.

    Les Fils de l'homme

    En 2013, Alfonso Cuaron propulsait sur orbite des spectateurs émerveillés par son grand tour de force que fut Gravity. Couronné par sept Oscars dont celui du meilleur réalisateur, le film avait récolté plus de 723 millions $ au box-office mondial.

    Les Fils de l'homme
    Les Fils de l'homme
    Sortie : 18 octobre 2006 | 1h 50min
    De Alfonso Cuarón
    Avec Clive Owen, Clare-Hope Ashitey, Julianne Moore
    Presse
    3,8
    Spectateurs
    4,0
    Voir sur Netflix

    De quoi effacer le douloureux souvenir du gros échec de son précédent film, Les Fils de l'homme. Unanimement salué comme l'un des plus grands films de science-fiction de ces dernières années, il s'était pourtant fracassé sur les portes du marché américain en ne ramassant que 35 millions $, sur les 76 millions $ du budget ; même chose à l'international.

    Revoici sa bande-annonce...

    Se déroulant en 2027, le film mettait en scène Clive Owen, alias Theodore Faron, un ancien militant chargé de protéger une femme enceinte, représentant le dernier espoir d'une Humanité devenue stérile, en proie au chaos et vivant ses derniers instants.

    L'adoration du film par les critiques avait pas mal soufflé dans les voiles de l'oeuvre, qui récolta trois citations à l'Oscar, dont celle du meilleur scénario adapté. Pas de quoi hélas sauver sa carrière en salle. Si le film compte désormais de nombreux adeptes, il gagnerait quand même à être davantage (re)connu.

    The Lost City of Z

    Entre le box-office et James Gray, c'est hélas toujours une lune de miel contrariée. "Ma génération, je la regarde avec dégoût" lâchait-il amèrement en 2021, donnant son avis sur l'état actuel du cinéma hollywoodien, et se désolant notamment du fait que nombre de ses confrères cédaient trop facilement aux sirènes des films de super-héros...

    Grand film d'aventure sorti en 2017, The Lost City of Z fut malheureusement un très douloureux échec en salle, avec à peine un peu plus de 391.000 spectateurs en France. Au box-office mondial, il n'a même pas rapporté 20 millions $. C'est dire la violence de la gifle, qui a eu la vigueur d'un uppercut... Une cruelle injustice, tant la puissante oeuvre de Gray ne manque pas d'atouts.

    A commencer par son casting très solide : Sienna Miller, Tom Holland, Robert Pattinson, et bien entendu Charlie Hunnam, dans le rôle-titre du colonel Percival Fawcett, l'explorateur à l'origine du mythe de l'Amazonie.

    Les huit expéditions de Fawcett au coeur de l'Amazonie constituent d'ailleurs l'une des plus extraordinaires aventures du XXe siècle. Capitaine puis Colonel dans la British Army, prototype de l'explorateur anglais à la fois visionnaire et flegmatique, Fawcett s'était juré - sur la foi d'anciennes chroniques portugaises et d'indications d'un voyant - de retrouver les ruines d'une ancienne cité enfouie dans les ténèbres de la jungle brésilienne.

    The Lost City of Z
    The Lost City of Z
    Sortie : 15 mars 2017 | 2h 21min
    De James Gray
    Avec Charlie Hunnam, Sienna Miller, Tom Holland
    Presse
    4,5
    Spectateurs
    3,9
    Disponible sur MAX

    Ironiquement, celui qu'on avait fini par considérer comme un aventurier fantasque pourrait bien avoir eu raison : on a découvert en 2018 dans la région où il a disparu d'immenses ruines, qui pourraient bien être la cité tant rêvée et recherchée.

    Le film de Gray était sublimé par la somptueuse photographie de l'un des plus grands chefs opérateurs en activité, Darius Khondji. Tourné aussi dans des conditions très difficiles, comme nous le racontait d'ailleurs James Gray lorsque nous l'avions rencontré lors de sa venue à Paris, il esquissait des parallèles saisissants avec l'oeuvre Au coeur des ténèbres de Joseph Conrad, adaptée au cinéma par Coppola avec Apocalypse Now...

    Pour tout dire, un film que l'on range soigneusement à côté d'un autre extraordinaire film d'aventure dans la même veine (à voir impérativement !!!), Aux Sources du Nil de Bob Rafelson. Une oeuvre devenue rare, jamais éditée en DVD chez nous, ni même en Blu-ray. Si par hasard un éditeur pouvait se pencher sur la question...

    L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

    En 2000, le cinéaste néo-zélandais Andrew Dominik dégoupillait une grenade jetée à la face d'un public médusé par la violence de son tout premier film, Chopper. Porté par un incroyable Eric Bana, le film évoquait la sanglante histoire authentique de Mark Read, un des plus grands serial killers australiens, surnommé "Chopper" en raison de sa propension à la mutilation, y compris sur lui-même.

    L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
    L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
    Sortie : 10 octobre 2007 | 2h 40min
    De Andrew Dominik
    Avec Brad Pitt, Casey Affleck, Sam Shepard
    Presse
    4,0
    Spectateurs
    3,7
    louer ou acheter

    Cinéaste rare, Dominik n'est revenu au cinéma que sept ans plus tard, avec une oeuvre éblouissante : L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Coproduit par Brad Pitt qui incarne dedans la légendaire figure de l'Ouest américain face à un formidable Casey Affleck, ce western fleuve, aussi contemplatif que poétique et mélancolique, dans lequel le temps semblait se dilater, était bercé par la prodigieuse photographie hivernale de l'immense Roger Deakins, encore lui.

    Une approche esthétique aussi sublime qu'inspirante d'ailleurs : le film de Dominik figure en bonne place parmi les glorieuses influences du studio Rockstar pour son extraordinaire western vidéoludique, Red Dead Redemption II.

    En revoici la bande-annonce...

    Dire que ce film est passé inaperçu en salle en 2007 relève de l'euphémisme : à peine 3,9 millions $ de recettes sur le sol américain, et 11 millions $ à l'international. Des chiffres qui font mal face au budget du film, 30 millions $. En France, il n'a même pas attiré 300.000 spectateurs, malgré la promesse de sa tête d'affiche.

    "Une fresque éblouissante [...] qui entraîne ses personnages vers leurs tragiques destins avec le caractère implacable d'une tragédie grecque" écrivait Variety. "L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford" est [...] un retour magnifique à une époque où les cinéastes ont trouvé toutes sortes de manières de refaçonner l'un des genres les plus anciens et les plus durables d'Hollywood". On ne saurait écrire plus bel hommage. Vous savez ce qu'il vous reste à faire si vous ne l'avez jamais vu.

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