Public Enemies de Michael Mann n’est pas le premier film inspiré de la "carrière" du braqueur de banques américain John Dillinger, connu pour avoir visité un grand nombre de banques du Midwest durant la Grande Dépression. D'autres films lui ont été consacrés auparavant, mais on retient surtout La Grande évasion (1941) dont le personnage interprété par Humphrey Bogart est inspiré de Dillinger.
Dans ce film "moderne", Johnny Depp est remarquable dans la peau du célèbre gangster. Au moment de la sortie du film, le réalisateur avait lui-même confié que Johnny Depp partage beaucoup de points communs avec son personnage :
Lorsque que nous avons commencé à évoquer Public Enemies, il m'a révélé qu'il s'intéressait depuis longtemps à Dillinger et que celui-ci lui rappelait certains personnages de son passé. J'ai senti qu'il y avait quelque chose de Dillinger en lui.
Expérimental ?
Côté esthétique, Public Enemies est un des films les plus osés visuellement de la carrière de Michael Mann. Il faut rappeler qu’en 2009, date de sortie du film, l’usage de la caméra numérique haute définition pour un film historique avait un caractère hérétique aux yeux de certains. Un tel choix pour l’époque relevait de l’expérimental.
Le rendu est dur et austère, repoussant ouvertement les limites du médium. La lumière bave des bords de fenêtres, des nuages impressionnistes sont placardés sur un ciel plat et des branches d'arbres squelettiques suggèrent une perte d'informations dans l’image.
Car contrairement à la pellicule, la HD ne flatte pas. Les gros plans révèlent chaque pore de la peau de Johnny Depp, ce qui crée souvent une sorte de distraction vers ces détails superflus. La violence y est filmée de manière brut, comme par une caméra de sécurité : une mitraillette explose ; du sang gicle sur une chemise blanche ; et un corps tombe au sol.
Cette mise en scène, volontairement dépouillée et anti-spectaculaire, livre une forme de vérité plate sur la mort.
Johnny Depp à son meilleur
Quant à Dillinger, il est gracieux et un peu mystérieux, comme tout personnage joué par Johnny Depp. C'est aussi un (anti-)héros américain classique, totalement auto-créé, dans une tradition qui remonte à Gatsby le magnifique. Amoureux de sa propre légende.
Les scènes entre Dillinger et sa petite amie Billie Frechette (Marion Cotillard) sont peut-être les plus intenses du film, et pourtant leur romance a à peine le temps de démarrer qu'ils sont déjà éloignés l'un de l'autre.
Dans les films de Michael Mann, tout finit dès que ça commence, et seul l'instant présent compte. Au-delà, rien ne peut être retenu, pas même un souvenir. C’est par ce prisme aussi que Public Enemies est un grand film et que la prestation de Johnny Depp est d’autant plus précieuse.
Public Enemies quitte le catalogue de Netflix le 30 juin prochain.