De quoi ça parle ?
Quelque part en Inde, une étudiante en cinéma écrit des lettres à l’amoureux dont elle a été séparée. A sa voix se mêlent des images, fragments récoltés au gré de moments de vie, de fêtes et de manifestations qui racontent un monde assombri par des changements radicaux. Le film nous entraine dans les peurs, les désirs, les souvenirs d’une jeunesse en révolte, éprise de liberté.
A la croisée de la fiction et du documentaire
Ce film sur la jeunesse indienne a eu le prix du meilleur documentaire à Cannes, et sort aujourd'hui au cinéma. Tout une nuit sans savoir, premier long métrage réalisé par la jeune cinéaste indienne de Payal Kapadia a une génèse assez singulière, qui permet de mieux comprendre le film terminé.
Il s'agit en effet d'un projet au long cours, initié en 2017. La cinéaste a commencé à glaner de nombreuses images de toute sorte, d'abord sans fil conducteur, avant que tout ne trouve un sens.
"À travers ces documents et les témoignages de nos amis, leurs rêves, leurs souvenirs, leurs anxiétés, un tableau d’une partie de la jeunesse indienne a commencé à émerger", explique la réalisatrice dans le dossier de presse du film. "Lorsque nous avons commencé à monter quelques séquences, certains de nos amis nous ont alors donné des images qu’ils avaient tournées dans d’autres universités du pays. Ils avaient tous une nécessité de documenter l’instant, cette somme d’instanées, et comme nous ils ne savaient pas vraiment ce qu’ils comptaient faire de ces images ensuite."
Un tableau d’une partie de la jeunesse indienne a commencé à émerger
Le film à la grande beauté plastique et sonore agrège des images de toute provenance et format (images de manifestations, enregistrements numériques divers, films en 16mm ou Super 8...). Le travail de la cinéaste a consisté notamment à faire de toutes ces images un même film, où tout se fond et se complète de façon très fluide. En résult,e un film dans lequel on perd ses repères, et se laisse emporter grâce à une forme mêlant l'intime et le politique.
"Les images que nous avions collectées sont devenues des archives de souvenirs qui ne cessaient de s’accumuler - des souvenirs d’une époque que nous avions vécue et dont nous avions été témoins", poursuit Payal Kapadia. "Bientôt, même les séquences que nous avions tournées ont commencé à donner l’impression d’avoir été «trouvées», peut-être comme une capsule temporelle de notre propre passé. Nous avons commencé à élaborer une narration pour relier toutes ces images apparemment sans rapport."
Au delà de sa forme qui mêle fiction et documentaire et rappelle le travail de cinéastes comme Chris Marker, le film captive pour la résonnance qu'il trouve. Ces images tournées en Inde ces dernières années ont un écho particulier, en montrant cette jeunesse engagée qui se révolte. Ces images peuvent aussi rappeler celles des mouvements de Mai 68 en France.
Toute une nuit sans savoir, Oeil d'or à Cannes 2021, sort au cinéma ce mercredi.