Dans la saison 2 d'En Thérapie, diffusé chaque jeudi à 20h55 sur Arte avec cinq épisodes par soirée, le docteur Philippe Dayan (Frédéric Pierrot), désormais divorcé et installé dans une petite maison de la banlieue parisienne, reçoit quatre nouveaux patients dans son cabinet. Des personnages librement inspirés de ceux créés par le showrunner Hagai Levi dans la série originale BeTipul.
Au moment où la crise sanitaire éclate, "on se retrouve au milieu d'un grand moment d'incertitude", se remémore Eric Toledano. "La première saison a fonctionné, on sent un retour assez fort et chaleureux, et à ce moment-là, on se pose cette question de continuer ou pas, alors qu'on se retrouve au milieu d'un grand moment de doutes."
"Quand on est scénariste ou réalisateur, on se demande comment y faire face, comment on va représenter ça et qu'est-ce qu'on va raconter sur le COVID. Ça nous a tous impactés et questionnés, et au détour d'une conversation avec la production et Arte, on se dit que s'y faut y aller de front, il faut parler de ce qu'on est en train de vivre."
Ils contactent alors Hagai Levi afin de lui demander son avis sur cette envie de traiter de la crise sanitaire, ce à quoi le showrunner israélien leur répond avec enthousiasme. "Mais vous êtes fous, évidemment qu'il faut raconter ce moment-là !" nous a-t-il dit." Avec Clémence Madeleine-Perdrillat, scénariste et directrice d'écriture de cette saison, ils imaginent alors comment cette crise affecte les personnages.
"Dayan ne peut pas aller voir son père en EHPAD, Alain ne peut pas prendre un avion pour rejoindre sa fille... On est enfermés, empêchés, est-ce qu'on est reliés aux autres ou en train de s'isoler... il y a un questionnement qui se génère et on se dit qu'il y a une pertinence à continuer la réflexion."
"L'envie du collectif qu'on avait créé dans la saison 1 était encore plus démultipliée chez nous, parce qu'on avait encore envie de créer une équipe", ajoute Olivier Nakache. "Et là, on va encore plus loin dans l'âme du docteur Dayan et celle de ses patients, grâce à ces auteurs et metteurs en scène exigeants dont on a tant apprécié les films."
Les scénaristes disposent alors de neuf mois pour écrire trente-cinq épisodes. Une épreuve de taille pour Clémence Madeleine-Perdillat et son atelier d'écriture, avec toujours ce défi de moderniser le texte de Hagai Levi, "d'y trouver des échos avec aujourd"hui", mais aussi de traiter une ellipse de cinq ans, différente de la version originale.
Parmi les changements majeurs apportés dans cette saison par rapport à BeTipul, il y a aussi le personnage de Claire, interprétée par Charlotte Gainsbourg, qui a été totalement modifié puisque dans la série originale, c'était le personnage équivalent à celui d'Esther jouée par Carole Bouquet, que l'on retrouvait face à Dayan dans la saison 2.
Le fruit travail effectué avec Emmanuel Finkiel, qui réalise les six épisodes avec Claire. "On était vraiment dans de la libre adaptation, et au départ on avait un peu sous-estimé le travail immense que ça allait demander en si peu de temps", poursuit la scénariste.
"L'écriture de Claire s'est faite en deux fois", explique le réalisateur. "Une première fois jusqu'à l'épisode 25, et puis le reste s'est fait beaucoup en fonction de Charlotte Gainsbourg, par le fait qu'elle a créé un personnage qui ne pouvait pas se présupposer sur le papier. Elle a fait quelque chose de tout à fait crédible, et en même temps si singulier, que ça ne pouvait pas s'imaginer avant." Les derniers épisodes avec Claire ont donc tenu compte de cette rencontre entre le personnage et l'implication de l'actrice.
"Le texte m'a beaucoup séduit, car il m'est arrivé dans ma vie d'être sur le divan", s'amuse Jacques Weber, qui interprète Alain, l'un des nouveaux patients de cette saison. Un chef d'entreprise accablé par un scandale médiatique après le suicide d'un de ses employées, poussée au burn-out pendant la crise sanitaire. "On se rend très vite compte qu'on est obligés de passer par le cœur de soi-même, il ne s'agit pas que d'interprétation. Et si Frédéric n'est pas là, je ne suis pas le même. On n'est pas bien tout seul."
"Il y a vraiment eu des moments où j'ai eu l'impression d'être en psychanalyse directement", raconte-il avec émotion. "J'ai oublié que j'étais au départ une espèce de Bernard Tapie un peu con, et que d'un seul coup derrière lui on trouve un être humain, une sensibilité. Et je me suis retrouvé moi, le petit bonhomme, avec les milliards de moi qui se disputent, devant un psychanalyste."
Pour Eye Haïdara, qui retrouve Eric Toledano et Olivier Nakache après Le Sens de la fête, le fait de s'emparer d'un personnage ressemble à forme de thérapie personnelle. "Sur cette aventure-là, on a la chance d'aller au bout des choses. A la fin du tournage, j'étais prête à jouer Inès", rit-elle. "Je pense que sur cette expérience, c'est très juste de dire qu'on ne joue pas tout seuls" poursuit-elle en écho à Jacques Weber. "Sans Frédéric, Inès serait autre; sans Agnès (Jaoui, la réalisatrice), Inès serait autre, sans l'équipe aussi."
L'actrice évoque alors une anecdote personnelle : pendant le tournage, deux techniciens, un homme et une femme, sont venus la trouver pour lui dire qu'ils étaient perturbés par son personnage car Inès, c'était eux, cite-elle. "J'ai vraiment eu le sentiment d'avoir à prendre en charge ce texte, avec cette question du devoir importante. Il y a beaucoup de thématiques qui sont universelles chez Inès."
Aliocha Delmotte, quant à lui, a découvert En Thérapie en tant que spectateur, et a décroché un casting pour la saison 2 grâce à sa mère. "A chaque fois que je lisais le scénario, je me reconnaissais dans le personnage. J'ai vécu le confinement exactement comme Robin", se remémore-t-il.
Un jeune acteur qui a séduit le duo de réalisateurs "en criant sur Frédéric Pierrot", s'amuse Eric Toledano. "Il avait l'air tout calme, et puis il m'a crié dessus pendant les essais, et il l'a tellement bien fait que j'étais très impacté, et je ne savais pas du tout qu'il avait ça dans le moteur."
"Avec Olivier, on a déjà dirigé des enfants, on a fait un film sur une colonie de vacances (Nos Jours heureux, ndlr), et c'est très rare de trouver quelqu'un avec autant d'écoute à son âge. Ça a été un des éléments déterminants quand on l'a choisi, le fait qu'il ait cette palette-là nous a mis en confiance."
Pour Suzanne Lindon, le personnage de Lydia était sa première audition en tant qu'actrice. "Quand j'ai lu le texte, je ne voulais pas laisser ce personnage à quelqu'un d'autre, j'avais trop envie de la défendre", explique-t-elle. "Je me trouve trop chanceuse d'avoir fait équipe avec Frédéric, Arnaud (Desplechin, le réalisateur, ndlr) et moi. J'ai été portée par eux, par l'écoute et le regard de Frédéric, et par la rencontre avec Arnaud. J'ai tout appris avec eux car c'est la première fois qu'on m'a choisi."
"Frédéric est un élément central de la construction de la possibilité de la saison 2, avec cette régularité, cet investissement, de lire les textes et d'y réagir, d'être là en amont... c'est possible parce qu'à un moment, on a tous une relation avec Frédéric, dans l'investissement qu'il peut avoir dans ce projet", souligne Eric Toledano.
"Ce qui me touche dans le plus dans cette saison 2, c'est qu'on a eu des échanges vifs, sur les scénarios, sur des doutes, et on a évité aucun sujet, on les a tous affrontés", poursuit Frédéric Pierrot. " J'ai souvent considéré que le cinéma était une activité très violente, mais là, une vraie énergie circulait entre nous. Ça nous a nourri et enrichi. Ce qui me fait immensément plaisir avec le recul, c'est de considérer avec quel respect, courtoisie et élégance tout ça s'est fait avec tous les interlocuteurs."