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    Le Temps d'aimer et le temps de mourir sur Arte : la douloureuse raison qui a poussé Douglas Sirk à faire le film
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Chef-d'oeuvre absolu signé par le maître du mélodrame, Douglas Sirk, "Le Temps d'aimer et le temps de mourir" est un film déchirant et intense sur la folie et l'absurdité de la guerre. Et la raison qui poussa Sirk à faire le film est poignante...

    Le Temps d'aimer et le temps de mourir, sorti en 1959 en France, est souvent considéré par de nombreux cinéphiles comme l'acmé de la période mélodramatique de Douglas Sirk ; qui avait signé dans ce registre les tout aussi flamboyants Tout ce que le ciel permet et Ecrit sur du vent, en 1955.

    Le film est adapté de l'oeuvre de l'un des plus grands écrivains post Première Guerre mondiale, l'Allemand Erich Maria Remarque (qui joue d'ailleurs le rôle du professeur d'histoire dans le film), dont les oeuvres seront interdites par Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande du IIIe Reich. Mobilisé sur le front en 1916, gravement blessé en 1917, il sera toute sa vie un pacifiste convaincu, au même titre que son homologue français, le non moins célèbre Roland Dorgelès, auteur des Croix de bois. Erich Maria Remarque écrivit Un temps pour vivre, un temps pour mourir en 1954, également paru en France sous le titre L'Île d'espérance.

    Le Temps d'aimer et le temps de mourir
    Le Temps d'aimer et le temps de mourir
    Sortie : 16 janvier 1959 | 2h 13min
    De Douglas Sirk
    Avec John Gavin, Liselotte Pulver, Jock Mahoney
    Presse
    4,7
    Spectateurs
    4,2
    louer ou acheter

    L'intrigue se déroule en 1944, dans une Allemagne nazie déjà largement sous les bombes des raids aériens des Alliés. Ernst Graeber (merveilleux John Gavin), jeune soldat allemand témoin des horreurs de la guerre sur le front russe, revient dans sa ville natale pour quelques jours de permission. Il découvre sa maison détruite par les bombes et part à la recherche de ses parents portés disparus.

    Pour l’aider dans sa quête, il demande conseils à Elizabeth, dont le père, opposant politique, est prisonnier d’un camp de concentration, et Oscar Binding, un camarade chef de district du parti nazi. Le trio va tenter de garder un semblant de raison en survivant dans un monde en ruine, nourri par la haine, la folie et la mort...

    Une douloureuse introspection et catharsis

    "Je n'ai jamais cru autant à l'Allemagne en temps de guerre qu'en voyant ce film américain tourné en temps de paix" écrira Jean-Luc Godard un an avant de signer A bout de souffle, dans une fameuse critique publiée dans les Cahiers du cinéma en avril 1959 ; expliquant que Le Temps d'aimer et le temps de mourir était certainement son oeuvre préférée de Douglas Sirk.

    L'envie de faire ce film est aussi liée à un drame intime et douloureux pour Sirk, qui avait été contraint de fuir l'Allemagne en décembre 1937 car refusant de collaborer avec le régime nazi. En 1957, il retourne en Allemagne, sa terre natale, pour y réaliser son mélodrame en Eastmancolor et produit par la Universal. C'est une quête personnelle doublée d'une catharsis pour lui.

    Le cinéaste était en effet hanté par le sort tragique de son fils, né d'un premier mariage. Sa première femme, une militante nazie fanatique et acquise aux idées du national-socialisme depuis 1927, avait embrigadé son fils, Klaus Detlef, en partie par vengeance envers Sirk, dont la seconde femme était d'origine juive. Le fils de Sirk a probablement été porté disparu sur le Front russe au printemps 1944, puis déclaré mort.

    "Sirk transforma Le Temps d'aimer et le temps de mourir […] en une reconstitution imaginaire des dernières semaines de son fils, et y projeta son angoisse — et son espoir — et son désespoir. Après la guerre, le réalisateur fit une tentative infructueuse pour revenir travailler en Europe. Il passa un an à essayer de découvrir ce qui était arrivé à son garçon, suivant des pistes et inspectant des bulletins" racontait l'historien britannique Jon Halliday, auteur d'un ouvrage de référence consacré au cinéaste, Conversations avec Douglas Sirk, publié en 1971 mais édité seulement en 1997 chez nous.

    Malade, Sirk n'a pas pu terminer le montage de son film. C'est Bob Arthur, producteur du film, qui s'en est chargé, en suivant les consignes du cinéaste. Mêlant avec habileté l'aspect historique, le mélodrame et une douloureuse réflexion personnelle, Le Temps d'aimer et le temps de mourir est à ne manquer sous aucun prétexte, ce soir sur Arte.

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