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    Abuela au cinéma : le nouveau film d'horreur du réalisateur de REC, primé à Gérardmer
    Mégane Choquet
    Mégane Choquet
    -Journaliste
    Journaliste spécialisée dans l'offre ciné et séries sur les plateformes quel que soit le genre. Ce qui ne l'empêche pas de rester fidèle à la petite lucarne et au grand écran.

    Primé au festival de Gérardmer, Abuela est le nouveau film de Paco Plaza (REC, Verónica) sur la relation horrifique entre une femme et sa grand-mère. AlloCiné a rencontré le réalisateur pour évoquer sa vision du cinéma de genre.

    Récompensé du Prix du Jury au Festival du film fantastique de Gérardmer, Abuela sort enfin dans les salles de cinéma françaises. Ce nouveau long-métrage horrifique de Paco Plaza, à qui l'on doit les premiers films REC et le très réussi Verónica, raconte la descente aux enfers de Susana (Almudena Amor), une jeune mannequin espagnole, qui est sur le point de percer dans le milieu de la mode parisien.

    Mais quand sa grand-mère Pilar (Vera Valdez) est victime d’un accident la laissant quasi paralysée, Susana doit rentrer à Madrid dans le vieil appartement où elle a grandi afin de veiller sur celle qui constitue son unique famille. Alors qu’approche leur anniversaire commun, de vieux souvenirs resurgissent en parallèle d’événements étranges, et le comportement de sa grand-mère devient de plus en plus inquiétant…

    Abuela
    Abuela
    Sortie : 6 avril 2022 | 1h 40min
    De Paco Plaza
    Avec Almudena Amor, Vera Valdez, Karina Kolokolchykova
    Presse
    3,6
    Spectateurs
    2,4
    louer ou acheter

    AlloCiné a pu s'entretenir avec le réalisateur Paco Plaza sur le sujet et les métaphores de ce nouveau film horrifique et sur la manière dont Abuela s'inscrit dans une période complexe et bouleversante de pandémie.

    AlloCiné : Comment est venue l’idée de ce film, La Abuela ?

    Paco Plaza : C'est un mélange de différentes choses. J’ai eu une tante qui avait la maladie d'Alzheimer et ça a été vraiment choquant pour moi. Avec le recul, je sais que cela a eu un impact énorme sur moi, le fait d’être présent pour quelqu’un et de voir un vide s’installer dans ses yeux.

    J’ai aussi été touché par le tournage de mon film Quien a hierro mata (Eye for an Eye), pour lequel j’ai passé plusieurs semaines dans un hôpital gériatrique. J’ai travaillé avec tout le monde et les résidents n’ont pas fait que de la figuration, ils ont aussi travailler à la fabrication de petites choses pour le plateau avec l’équipe. J'étais vraiment étonné de voir à quel point ils appréciaient chaque journée. Et je pense que c'est parce qu'ils savent qu'il ne leur reste plus beaucoup de jours. C’était une expérience spéciale.

    Et à ce moment-là, j'ai commencé à penser que dans notre société, nous ne regardons plus les personnages âgées et nous les mettons sur le côté parce que nous pensons qu’elles ne sont plus utiles. Personne ne veut vieillir. C'est vue comme une mauvaise chose de vieillir alors que c’est la seule façon de rester en vie. C'est très paradoxal pour moi et surtout il y a une fausse nostalgie qui, je pense vraiment, rend notre société malsaine. Et ce n'est pas comme ça au Mexique. Ce n'est pas comme ça dans la culture tzigane, où on apprécie le fait de vieillir et de rester avec sa famille.

    Sony Pictures

    La peur de la vieillesse est finalement plus grande que la peur de la mort…

    Bien plus grande. Mourir, c'est comme appuyer sur un bouton pour éteindre et c'est tout. Mais c’est douloureux d’attendre la mort seul. Il y a un moment dans la vie où vous êtes l'adulte et vous devez prendre soin des personnes âgées et c'est vraiment douloureux.

    Et je pense que ce n'était pas comme ça avant. Il y a des années, du moins en Espagne, il était naturel que les grands-parents vivent avec la famille. Ma grand-mère et mon grand-père sont morts à la maison. C'était comme ça. Ils se sont occupés de toi, donc tu t’occupes d’eux jusqu’à leur mort. Et ce n'est plus comme ça.

    Vous parliez du fait que nous ne regardons plus les personnages âgées. Il y a eu un peu un examen de conscience à ce sujet avec la pandémie puisqu’elles ont été les plus touchées par le COVID. Est-ce que ça vous a encore plus frappé ? Et comment la pandémie a-t-elle impacté le film ?

    Je pense que chaque film établit une sorte de dialogue avec le monde, et le monde a changé et la perception de la fragilité des personnes âgées est beaucoup plus soutenue maintenant. Le film ne signifie plus la même chose maintenant. Au début du tournage, il y avait une certaine ironique dans le film, qui est beaucoup moins palpable maintenant avec toutes les images que nous avons vues et les drames vécus, qu’ils nous soient lointains ou proches. Le lien entre le film et la réalité est désormais très différent et peut-être plus puissant.

    Il y a un moment où sa petite-fille l'aide à se doucher. Nous avons beaucoup parlé en amont de cette scène, qui est bien plus longue que nécessaire. Mais je voulais forcer les gens à regarder un corps vieux, et je voulais qu'ils se sentent un peu mal à l'aise et se demandent ensuite pourquoi ils sont aussi mal à l’aise. Si c'était le corps de la jeune fille que j’avais choisi de montrer, les gens ne seraient pas mal à l’aise.

    La peur de vieillir et la pression sociale autour de la vieillesse impactent beaucoup plus les femmes que les hommes. C’est pour cela que vous avez choisi des personnages féminins pour le film ?

    Oui, absolument. Et je pense que cette pression et cette peur ne sont pas près de partir. Je pense que d'une certaine manière le corps est une prison pour les femmes. Et c'est pourquoi je voulais des personnages féminins et que le personnage de Susanna soit mannequin pour montrer le paroxysme du culte de la beauté et de la compétition entre les femmes. Il y aura toujours quelqu'un de plus jeune, de plus beau, de plus ambitieux, qui viendra te pousser dans l’escalier. Et je voulais montrer cette toxicité aussi.

    Vous placez une femme très âgée au cœur du récit, ce qui est très rare au cinéma. Et vous n’hésitez pas à la montrer sous toutes ses coutures, à travers ses forces, ses faiblesses, mais aussi nue.

    Oui, je voulais l'exposer. Par exemple, il y a un moment où sa petite-fille l'aide à se doucher. Nous avons beaucoup parlé en amont de cette scène, qui est bien plus longue que nécessaire. Mais je voulais forcer les gens à regarder un corps vieux, et je voulais qu'ils se sentent un peu mal à l'aise et se demandent ensuite pourquoi ils sont aussi mal à l’aise.

    Si c'était le corps de la jeune fille que j’avais choisi de montrer, les gens ne seraient pas mal à l’aise. Mais voir des rides, un corps vieux et fatigué, ça fait réfléchir. Et je pense que c'est à cela que l'art devrait servir, c’est-à-dire, nous faire réfléchir sur nous-mêmes et notre façon de vivre, de regarder le monde et nous comprendre nous-mêmes et la société qui nous entoure. Et peut-être que ça paraît un peu prétentieux, mais je pense que le seul intérêt de l'art est de nous questionner sur qui nous sommes et comment nous traitons les autres êtres humains.

    Sony Pictures

    Abuela m’a beaucoup fait pensé à Verónica pour sa construction similaire et ce côté huis clos familial qui tourne mal. Est-ce que ce nouveau film s’inscrit dans une continuité dans votre cinéma ?

    Je suppose que nos filmographies sont cumulatives. Chaque film que vous faites dépend des films que vous avez faits auparavant. Verónica et Abuela partagent des thématiques similaires. Dans le cas de Verónica, c'était une personne qui ne veut pas vieillir parce que c'est une petite fille. Elle ne veut pas être une adulte. Et dans Abuela, c'est l'inverse, c'est une adulte qui veut redevenir une petite fille à nouveau.

    Donc, d'une certaine manière, ils se reflètent l'un l'autre. Et c'est vrai qu'ils se ressemblent tous les deux. Il y a beaucoup d'obscurité en jeu, et le danger vient de votre famille et de votre lieu sûr, qui est normalement votre maison. Je pense donc qu'ils sont liés d'une certaine manière.

    Est-ce que vous allez continuer à explorer le genre dans vos prochains films ? Est-ce qu’il y a des thématiques qui vous intéressent plus que d’autres ?

    Je veux vraiment continuer à travailler en général dans les films d'horreur parce que c'est ce que j'aime depuis que je suis tout petit. Et je pense que c'est la meilleure façon d'aborder des sujets qui comptent pour toi car le fantastique te donne les outils pour élargir le terrain de jeu et tu n'es pas limité par la logique de la réalité.

    Je n'aime pas quand dans les films d'horreur qui vous expliquent tout. J’aime quand vous sortez de la salle de cinéma avec des théories différentes. Je veux laisser de la place au mystère. Et je ne sais pas encore quel thème j’aimerais aborder à l’avenir mais je sais que j’ai toujours voulu faire un film sur les vampires.

    Wild Bunch Distribution

    Est-ce que vous avez des modèles ou des réalisateurs et réalisatrices qui vous inspirent dans votre cinéma ?

    Je pense que Buñuel et Polanski sont tous les deux les réalisateurs que j'admire le plus. Et je pense qu'ils m'ont appris à travers leurs films une façon d'aborder la réalité. Et Claire Denis aussi, avec Trouble Every Day. Ce film m’a donné l’impression que mon cerveau était du pop-corn. Quand je le regarde, je deviens fou. Et le dernier film qui a eu cet impact sur moi, c’est Titane. Je l’ai vu trois fois.

    Comment vous a-t-il impacté ?

    J’avais déjà adoré Grave, qui était un très bon film d’horreur. Mais Titane change la donne. C’est un film aussi important que Pulp Fiction. Cela n’a pas d’importance que vous aimiez le film ou non. Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui ont réagi négativement au film. Ce qui montre que c’est un film que vous ne pouvez pas ignorer. Je suis passé par plusieurs émotions et interrogations en voyant le film. Je ne savais même si j’avais aimé. Et en même temps, c’est comme si on demandait à quelqu’un s’il aime "Guernica". Ça importe peu, mais étudier le fond et l’impact est important. Et Julia Ducournau est extrêmement talentueuse.

    Propos recueillis par Mégane Choquet le 4 février 2022 à Paris.

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