C’est une tragédie qui a marqué toute une génération. Le 6 décembre 1986, à Paris, le corps de Malik Oussekine est retrouvé dans une cage d’escaliers. Quelques heures plus tôt, le jeune homme de 22 ans est pourchassé par un groupe de voltigeurs - des policiers à moto armés de matraques. Apeuré, il se réfugie dans le hall d’un immeuble, avant d’être roué de coups par deux agents. Une fois sur place, les secours tentent de le réanimer, en vain. Il décède d’un arrêt cardiaque à l’hôpital Cochin.
C’était il y a 36 ans. Aujourd’hui, le nom Oussekine est celui d’une série proposée par Disney+. Hanté par cette histoire, le créateur Antoine Chevrollier (Le Bureau des légendes) retrace le combat d’une famille pour la vérité et l’honneur de leur fils. Plus qu’un hommage, c’est un devoir de mémoire pour toutes celles et ceux qui, trop jeunes, n’ont pas connu cette affaire.
Le premier des quatre épisodes, projeté en clôture de la 12e édition du festival Séries Mania, à Lille, est un véritable choc. La séquence d’ouverture reconstitue les derniers instants de la vie de l’étudiant. On y découvre un jeune homme ordinaire (Sayyid El Alami) qui quitte son studio parisien pour se rendre à un concert de jazz. Sur le retour, des passants courent à contresens. Le son des matraques résonne dans les rues et annonce le drame fatal.
Après l'assassinat vient l'attente. Celle des membres de la famille Oussekine qui, sans nouvelles au lendemain, doivent s’en tenir aux rumeurs ou à un nom écorché à la radio. Insoutenable, cette incertitude pèse également sur le téléspectateur qui vit cet épisode au plus près des personnages, de l’appartement familial aux quatre murs d’une morgue. Le créateur, scénariste et réalisateur Antoine Chevrollier fait le choix d’aborder cette affaire sous le prisme de l’intime.
Jeunesse révoltée
La série n’en demeure pas moins politique à travers, entre autres, l’engagement et le cri de colère des étudiants - qui luttent en parallèle contre le projet de loi Devaquet. Tous rassemblés dans un amphithéâtre, ils scandent le nom de la victime, avant de participer à une minute de silence. La séquence, portée par une excellente mise en scène, est d'une grande intensité. Le projet met aussi en lumière le mode opératoire des autorités pour transformer un simple étudiant en coupable idéal, lui prêtant une appartenance à un groupe de terroristes libanais.
Écrite à huit mains - Antoine Chevrollier a travaillé avec Cédric Ido, Faïza Guène et Julien Lilti -, l’intrigue est divisée en trois temporalités. La première s’intéresse à la nuit du drame, la deuxième suit la lutte de la famille et la troisième revient sur les origines du clan Oussekine. L’une des séquences de flashback montre notamment le massacre du 17 octobre 1961, jour durant lequel des Algériens ont été noyés dans la Seine par des policiers français.
La série brille grâce à sa distribution. Naidra Ayadi, Malek Lamraoui, Tewfik Jallab et Mouna Soualem sont poignants dans les rôles des frères et sœurs, tout comme Hiam Abbass qui joue le rôle de la mère, l’un des personnages les plus forts. L’autre atout de taille : sa pertinence. Bien que l’intrigue se passe dans les années quatre-vingt - la reconstitution de l’époque Mitterrand est une vraie réussite -, le propos de la série est toujours d’actualité. C’est l’une des nombreuses forces d’Oussekine.
Oussekine, disponible prochainement sur Disney+.